Une clé, mille portes…

Face à la pluralité de défis de notre temps, si innombrables qu’ils en paraissent ingérables, l’humanité est aujourd’hui à la croisée des chemins, où seules deux options s’offrent à elle : celle de la passivité – posture finalement si facile qu’elle s’apparente à une forme de déni –, et celle du passage à l’acte, lequel suppose pour sa part de faire preuve d’une grande dépense d’énergie dans la conceptualisation d’une nouvelle façon de penser le monde moderne. Deux philosophies aux antipodes, donc, mais dont dépend pourtant notre survie. Il faut dire qu’opter pour un comportement plus responsable, quand bien même s’imposerait-il comme étant plus que nécessaire dans la conjoncture, semble cornélien dans la mesure où cette convergence de menaces, à force de ne s’y être intéressé suffisamment tôt, aura finalement formé une congestion sociétale à l’apparence insurmontable.
Mais les apparences sont toutefois trompeuses, car notre préférence pour l’inaction tient principalement au fait que nous réfléchissons encore à la plupart de ces problématiques comme des entités séparées. Ce qui nous contraint par la force des choses à les compartimenter, leur accordant par conséquent à chacune un degré différent de priorité. C’est ainsi, par exemple, que nous avons arbitrairement décidé que le changement climatique arriverait en pole position, reléguant ainsi la perte de la biodiversité au second plan, pour ne citer que ces deux items. Ce qui dénote un mépris total pour les multiples avertissements, tantôt lancés par la communauté scientifique, tantôt par les philosophes, sociologues et autres spécialistes engagés dans la question de l’évolution sociétale.
Faire la distinction entre chaque problématique est pourtant un non-sens. Car toutes, sans exception, ont non seulement une origine anthropique, mais elles sont aussi et surtout imbriquées. Ce que, calfeutrés dans l’immense confort de notre quotidien, nous avons bien sûr tendance à occulter. Ainsi, pour reprendre les deux exemples précités, n’avons-nous pas à choisir entre le réchauffement planétaire et la perte du vivant, car au final, tous deux sont indissociables. Ces crises sont en effet profondément interconnectées, et ne sont finalement que les fruits d’un environnement humain ultra-productiviste. Ce qui implique non seulement des dépenses continuellement accrues d’énergie, encore à 80% fossiles faut-il le rappeler – et donc néfastes à la planète –, mais aussi une modification profonde de l’écosystème général, avec pour effet d’accentuer la disparition des espèces.
Dit autrement, lorsque le changement climatique perturbe l’équilibre des écosystèmes, les espèces disparaissent. Ce qui affecte alors la capacité de la nature à réguler le climat. S’attaquer prioritairement au changement climatique est donc en soi une grosse erreur. Bien sûr parce que, ce faisant, nous ne laissons que peu de chance au vivant, mais aussi parce que cette manière de voir présuppose que nous n’avons toujours pas compris les causes intrinsèques de leur existence. Raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui dans ce cercle vicieux où les problèmes s’exacerbent mutuellement. Or, comprendre cette interconnexion s’avère vital. Car ce n’est qu’en les traitant ensemble que nous arriverons à créer un impact bien plus durable qu’en les abordant individuellement.
La posture la plus logique est en vérité d’opter pour la vision d’un même et unique défi anthropique. Comment ? Eh bien en commençant par repenser notre monde consumériste et en replaçant la nature au centre de nos décisions, en redonnant sens à nos vies en limitant nos dépendances. Bref, en faisant redescendre de quelques marches l’homme de son piédestal en s’attaquant aux habitudes, installées depuis trop longtemps. Un peu comme si, avec une seule clé, nous pouvions soudainement ouvrir une multitude de portes.
Le changement climatique, la pollution, la déforestation, l’élevage intensif, la perte de la biodiversité, la prolifération de problèmes sociaux… Autant de défis anthropiques que l’homme ne sait plus où donner de la tête. Face à tant d’ennemis, et attaqués de tous les côtés, la question qui se pose est donc de savoir si nous capitulerons, sachant que nous finirons alors tous au peloton d’exécution, ou si nous mènerons jusqu’au bout le combat comme s’il ne s’agissait que d’une seule et même armée. La réponse est d’autant plus cruciale que si, en temps de guerre – et indépendamment du sang versé –, l’issue est le plus souvent la liberté, dans le contexte actuel, elle se résume encore à deux possibilités : la survie du vivant ou finir en chair à canon.

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Michel Jourdan

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