VENTE D’ALCOOL: Une nuisance publique dans les zones résidentielles

Il existe 6 000 points de vente d’alcool à Maurice et 8 types de permis. Pour une population de quelque 1,2 million d’habitants, le rapport est assez élevé. Une étude de la MRA révèle que chaque point de vente attire environ 150 adultes régulièrement. Pour les personnes vivant dans les quartiers concernés, c’est souvent le calvaire. Malgré de nouvelles lois interdisant la consommation d’alcool en public et la révocation des permis, la situation est loin de s’améliorer. Tous les travailleurs sociaux sont unanimes à le reconnaître : l’alcool est le fléau n°1 à Maurice.
Vivre à proximité d’une boutique vendant des boissons alcoolisées n’est pas toujours facile. Bruits, insultes, bagarres, mauvaises odeurs… C’est le calvaire que doivent endurer de nombreux Mauriciens. Pourtant, depuis le 1er mars 2009, il est interdit de consommer de l’alcool dans les lieux publics. Entendez par là : dans les rues, devant les boutiques, dans les jardins… à l’exception de la plage. Les contrevenants sont passibles d’une amende allant jusqu’à Rs 10 000 et d’un an de prison. C’est toutefois loin de décourager les buveurs. Pour ceux qui doivent subir ces situations au quotidien, la nouvelle loi n’a rien changé.
Farid, habitant d’un village de l’est, ne sait plus à quel saint se vouer. Depuis qu’un « bar » a ouvert ses portes à quelques pas de sa maison, il ne dort plus tranquille. « Lorsque le bar ferme à 19 h, on continue à vendre de l’alcool par la fenêtre. Les gens consomment alors dans la rue. Ils parlent à haute voix et urinent devant ma porte. »
Les différentes plaintes de Farid à la police n’ont pas permis d’améliorer les choses. « Les policiers viennent et émettent des contraventions, mais une fois qu’ils ont le dos tourné, cela recommence. »
L’alcool à l’Assemblée nationale
Cette réalité mauricienne a donné lieu à une question parlementaire de la députée rouge Nita Deerpalsing, en novembre de l’année dernière. Elle a demandé au Premier ministre s’il pouvait obtenir des informations du Commissaire de Police pour savoir comment se fait le contrôle sur la vente et la consommation d’alcool.
À cela, le Premier ministre avait répondu que la police fait son travail et que pour les cinq dernières années, 22 543 exercices de contrôle avaient été effectués et 5 507 contraventions émises.
La situation n’a pourtant guère évolué un an après. Du côté de la police, on nous assure qu’il y a un contrôle rigoureux pour veiller à ce que la loi soit respectée. « Le contrôle se fait lors des patrouilles de routine. Tous les policiers sont habilités à agir envers les contrevenants. Nous intervenons également lorsqu’il y a des plaintes de la part du voisinage », déclare l’inspecteur Bhimsen Ramma de la Crime Prevention Unit.
Depuis la promulgation de la Public Health Act 2009, 3 326 contraventions pour consommation d’alcool dans un lieu public ont été émises. Un chiffre relativement faible cependant, comparé aux 6 000 points de vente d’alcool à travers l’île.
Neighbourhood watch ?
Le contrôle, explique l’inspecteur Ramma, se fait à quatre niveaux : par la force régulière dans son ensemble, au niveau des District Headquarters, dans les différents postes de police à travers l’île et lors des opérations spécifiques menées par les casernes centrales. « Dans chaque poste de police, il y a un neighbourhood officer, qui est en contact avec les forces vives de la localité. »
Allez expliquer cela au Mouvement Citoyen de la Cité Atlee qui se bat depuis des années pour que les autorités agissent contre un commerce de la localité, devenu une « taverne à ciel ouvert », pour reprendre les mots de son président, Michael Chelvan.
Les résidents des rues Sir Gaëtan Duval et Ampere, de même que ceux du Block La Colombe de la résidence NHDC sont ainsi importunés par les jurons, odeurs d’urine et va-et-vient, de voitures et de personnes, venant acheter des boissons alcoolisées à ladite boutique jusqu’à fort tard dans la nuit.
La réputation de ce commerce est notoire dans la région. Tout le monde à Curepipe sait où trouver à boire aux heures tardives, au moment où toutes les boutiques et supermarchés sont fermés.
Michael Chelvan montre toutes les lettres écrites aux autorités concernées, allant de la municipalité de Curepipe, à la police, en passant par la Mauritius Revenue Authority (MRA), qui octroie le permis pour la vente d’alcool. Mais à ce jour, rien. « J’ai l’impression que chacun se renvoie la balle », se désole-t-il.
Révocation des permis
Pourtant, depuis l’année dernière, la loi permet la révocation des permis pour la vente d’alcool, si les commerçants ont enfreint les règlements de l’Excise Act de 2006. La Finance Act de 2010, apporte des amendements à cette loi, pour agir en ce sens. La section 49 de l’Excise Act précise ainsi que le « licensing authority may, at any time, refuse to renew, or may suspend for such period as he may determine, or revoke or cancel from such date as he may determine ».
Parmi les conditions pouvant mener à une telle situation, on peut relever entre autres : « The business of the licensee has been conducted in such a way as to be a danger to public health, public order or public safety ; the licensee has acted in a dishonourable, improper, fraudulent, dishonest or immoral manner, or has engaged in any violent conduct on the premises to which the licence relates ; or the licensee is convicted of premitting drunkenness or violent, ritous, disorderly or immoral conduct on premises to which the licence relates. »
Pour le Mouvement Citoyen de la Cité Atlee, ces trois sous-sections de la loi s’appliquent dans le cas du commerce incriminé. « Le commerçant a déjà été arrêté pour vente de gandia dans sa boutique. On se demande comment son permis n’a pas été révoqué. »
Le ver dans le fruit…
Du côté de la MRA, on laisse entendre qu’un permis de vente d’alcool n’est pas permanent. « Le permis est d’une durée d’un an et peut être renouvelé s’il n’y a aucune objection à cela », explique Dhanraj Ramdin, directeur des opérations. Toutefois, seules trois catégories de citoyens sont habilitées à contester la vente d’alcool dans une région : les responsables religieux, les maîtres d’écoles et les personnes habitants dans un rayon de 400 mètres de la boutique.
La MRA ne prend pas en considération les lettres anonymes. « Nous n’avons aucune garantie quant à la personne qui écrit ce genre de lettre. Cela peut même être un concurrent. » Les forces vives non plus ne sont pas reconnues. « Les personnes faisant partie d’un mouvement citoyen doivent signer en leur nom et non pas au nom du mouvement. »
Les différents permis de vente d’alcool expirent le 31 décembre de chaque année. « Ceux qui veulent contester le renouvellement doivent le faire 21 jours avant que le permis arrive à terme », précise Dhanraj Ramdin.
Malgré toutes ces dispositions, la loi semble ne pas être respectée. Et si le Premier ministre avait mis le doigt sur le problème en évoquant à l’Assemblée l’année dernière : « When you have too many authorities, you have X who knows Y, Y who knows Z, Z will phone to the minister, the minister phones X and this is where the problem lies… »

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