Victoire historique ou leçons d’Histoire

Le 22 mai, que ce soit celui de 2019 ou de 2022, revêt un caractère historique non seulement pour la communauté chagossienne… La jeune génération, qui s’est battue contre vents et marées – qui balaient inéluctablement les îles – a de quoi célébrer. Par contre, les aînés, qui avaient subi l’opprobre au plus profond de leur chair, la déchirure de l’exil forcé de leurs îles natales, ne sont plus là aujourd’hui pour saluer cette victoire plus qu’historique. Victoire qui marque non seulement la confirmation sans compromis de la souveraineté de Maurice sur cette partie de son territoire qu’est l’archipel des Chagos, transformé depuis un 8 novembre 1965 en une fiction territoriale ayant pour prête-nom le British Indian Ocean Territory (BIOT). C’est aussi la fin du processus de décolonisation de Maurice.

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Cette reconnaissance du droit international a été exercée au prix de 60 années de sacrifices et de détresse humaine sans commune mesure, par une communauté dont l’innocence et la simplicité étaient leur Hallmark. Le complot des superpuissances de l’Occident, ciblant l’archipel des Chagos pour assouvir leur soif de mainmise sur le monde, avait été ourdi dès le début des années 60. Un survol des documents marqués sous le sceau du secret et accessibles sur la toile en apporte la preuve, si besoin est, de ce mépris total des hauts fonctionnaires anglais et américains à l’égard de cette communauté.

Ne sont-ils pas allés jusqu’à qualifier nos frères et sœurs des Chagos, aujourd’hui disparus, de Man Fridays et de Tarzan pour assouvir leur sombre dessein d’appropriation d’un bien qui ne leur appartenait pas ? Pire encore, de confisquer ce droit inaliénable de tout individu de vivre dans son pays natal, la kot so nonbri inn antere.

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La traduction dans la réalité de la résolution 73/295, pilotée par le Sénégal et adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 22 mai 2019, avec l’Agreement entre le Royaume-Uni et la République de Maurice paraphé le 22 mai 2025 entre le Premier ministre Navin Ramgoolam et son homologue britannique, Sir Keir Starmer, reste sans aucun doute une des plus grandes victoires dans l’histoire de la République de Maurice. Comme l’avait déclaré John Fitzgerald Kennedy le 21 avril 1961, « la victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline », aujourd’hui, le soin de s’attribuer la part de la victoire dans le dossier des Chagos est laissé à tout un chacun.

Toutefois, le fait incontournable est que chaque patriote digne de ce nom, et revendiquant d’être un Mauricien à part entière, a apporté sa pierre, à sa manière et selon son degré d’engagement, à cet édifice républicain, serti des 58 îles des sept atolls des Chagos, comme des pierres plus que précieuses au bijou de la souveraineté retrouvée, avec pour devise encore plus qu’historique : Stella Clavisque Maris Indici.

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Au 22 mai 2025, la victoire se profile à l’horizon politique avec de nouvelles perspectives. Mais les leçons d’Histoire des Chagos demeurent multiples. D’abord, rien n’est servi sur un plateau d’argent. Après sa déconvenue cinglante devant la Cour internationale de Justice de La Haye en date du 25 février 2019, le Royaume-Uni, poussé par son allié des États-Unis, a fait la sourde oreille à l’injonction en droit international du 22 mai 2019. L’ultimatum des Nations unies, imposant un délai de six mois pour évacuer l’archipel des Chagos sans compromis, n’a été exécuté qu’au bout de six ans.

Et cela, au grand dam des pacifistes rêveurs en cette période de guerre avec différents flashpoints sur le globe. La base militaire des Américains à Diego Garcia is here to stay. Surtout pour les prochains 99 ans, avec possibilité de reconduction sous condition pour 40 ans encore.

Par contre, la grande vérité de l’Histoire des Chagos au cours de ces derniers 60 ans s’articule aux contre-vérités, s’apparentant aux deepfakes de l’ère de la technologie d’aujourd’hui. Les férus d’Histoire auront déjà établi le répertoire des manipulations des faits colportés entre Londres et Washington, et vice versa. Les Chagos Archives en demeurent le témoin beyond doubt. L’Histoire en retiendra les faits.

D’ici au prochain rendez-vous de Marlborough House pour la signature formelle du traité sur les Chagos, l’antidote constitutionnel au Prerogative Order in Council (UK Statutory Instrument No 1, 1965) du 8 novembre 1965, Maurice doit être doublement vaccinée contre la campagne de contre-vérités, orchestrée à Londres depuis le 3 octobre de l’année dernière, avec des extraits de cette partition de fausses notes trouvant écho de manière inconsciente – pour être le moins méchant possible – dans des milieux, non des moindres, à Maurice.

L’épisode flagrant autour de la position du président Donald Trump par rapport au Chagos Deal, avant le rendez-vous du 27 février dernier à la Maison-Blanche, ne doit nullement être occulté, même avec le vent de la victoire soufflant sur les Chagos. Mais l’accord du 22 mai n’a nullement balayé l’agressivité du clan des anti-Chagos Deal, voulant faire échouer ce qui est des plus légitimes.

Surtout, garder en tête la morale de la fable d’Ésope du loup déguisé en agneau ou encore de celle de La Fontaine : du renard et du corbeau.

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