La semaine prochaine sera dominée par la visite de 24 heures du président Emmanuel Macron à Maurice, les 20 et 21 novembre. Cette visite prend des allures de promesse tenue. Après le report en avril, consécutif à l’interruption de la tournée régionale en raison du décès du pape François, Paris revient sur l’île pour compléter le programme qui avait été annoncé en avril dernier et qui avait finalement été mis en œuvre par le ministre délégué aux Affaires étrangères, lequel avait signé une dizaine d’accords entre les autorités mauriciennes et françaises.
La date et la brièveté du passage n’enlèvent rien à sa portée, au contraire : elles témoignent d’une volonté de réparer un rendez-vous manqué et d’aligner la parole à l’acte. Cette visite officielle sera la première effectuée à Maurice depuis 1990 par un président français dans ce cadre, après François Mitterrand, qui avait fait le déplacement dans l’île. Il devait d’ailleurs revenir une deuxième fois en 1993 à l’occasion du sommet de la Francophonie. À noter que si le président Chirac avait effectué plusieurs visites à Maurice, elles avaient toutes plutôt un caractère amical que véritablement bilatéral.
Alors que le président Macron sera en route pour l’Afrique du Sud, qui accueillera le sommet du G20, sa présence dans l’île présente Maurice comme un pivot de la stratégie Indopacifique lancée par le président français lorsqu’il était président de l’Union européenne durant le premier semestre de 2022. Par sa stabilité démocratique, sa diplomatie multilatérale, son positionnement au croisement des routes maritimes, Maurice se présente en effet comme l’allié idéal d’une France prônant une stratégie Indopacifique reposant sur la coopération entre les différents acteurs régionaux.
Ici, la stratégie française trouve sa traduction la plus opérationnelle : coopération maritime, surveillance conjointe, protection des routes commerciales, lutte contre les trafics, partage d’informations entre La Réunion, Mayotte et les forces mauriciennes… Autant de dossiers qui pourraient être évoqués à Maurice.
L’autre message fort concerne les biens publics essentiels (l’eau, l’énergie, le numérique), aujourd’hui au cœur de la compétition internationale. La modernisation des réseaux, l’appui d’EDF au CEB, les programmes d’intelligence artificielle pour la gestion de l’eau, ou encore les financements climatiques de l’AFD ne sont pas de simples projets techniques, mais des instruments de souveraineté. Dans un monde où les infrastructures sont devenues des objets d’influence, Maurice choisit donc de s’appuyer sur un partenaire qui privilégie la transparence, la formation et le transfert de compétences, plutôt que la dépendance. Maurice compte beaucoup sur l’aide française pour utiliser l’intelligence artificielle de manière judicieuse. Un forum sera consacré à ce sujet vendredi après-midi.
Sur l’éducation et la francophonie, la signature annoncée de « classes d’excellence » traduit aussi la volonté française d’investir sur le long terme, non pas pour diffuser une langue par nostalgie, mais pour renforcer le capital humain mauricien dans un environnement où la compétition se joue désormais autant sur la technologie que sur les valeurs. Reste l’essentiel : cette visite marque une promesse tenue, mais aussi une ligne stratégique clairement assumée. En revenant à Maurice, Macron ne répare pas seulement un agenda diplomatique; il envoie le signal que la France fait partie intégrante de l’océan Indien, et qu’elle voit dans Maurice non pas un partenaire secondaire, mais un acteur central de sa stratégie Indopacifique.
Pour Maurice, l’enjeu est clair : tirer le meilleur de cette présence, sans perdre son autonomie, dans un océan Indien devenu un carrefour de rivalités. La France, à travers La Réunion, est appelée à jouer un rôle important en ce qui concerne la sécurité maritime dans la zone économique élargie de Maurice. Pour la France, la crédibilité se mesurera à la constance : les annonces doivent se transformer en actions durables. L’Indopacifique se construit dans la proximité, la technique et la confiance. Durant la visite du président français, les regards seront également tournés vers Tromelin. Toutefois, malgré l’excellence des relations diplomatiques, économiques et bilatérales entre nos deux pays, il est peu probable qu’un accord soit trouvé dans le contexte actuel.
Maurice et la France ont choisi d’avancer ensemble. Reste maintenant à transformer cette promesse tenue en engagement continu, car la stratégie, elle, ne fait que commencer.
Jean Marc Poché

