Black List

Nous aurons droit cette semaine encore à une journée hippique à huis clos qui dénature l’essence même de ce qu’est cette activité. L’hippisme est d’abord un spectacle public et un espace de rencontre sociale où par ailleurs on pratique du being. Sur l’autel de l’exigence sanitaire, à laquelle nous aurions évidemment totalement souscrit s’il n’y avait pas à côté d’autres activités humaines, aussi sinon plus à risques, qui sont autorisés par l’État alors que les turfistes continuent eux d’être… confinés et privés de leur distraction favorite contre leur gré. On peut citer comme exemple le Salon de la maison qui, selon les organisateurs, aurait totalisé 55 000 visiteurs le week-end dernier, ce qui fait une moyenne de 15 000 personnes par jour. Ce chiffre est bien au-delà de la capacité d’accueil chaque semaine en journée normale, au Champ de Mars. On pourrait également parler de ces be!ing shops bondés à travers l’île à chaque jour- née, où la promiscuité rend ces espaces confinés à souhait encore plus contagieux que notre hippodrome national.

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Normal dans ces conditions que le public s’interroge sur cette décision qui est encore plus suspecte avec le comportement quasi dictatorial de la Gambling Regulatory Authority (GRA). Cette dernière abuse ces jours-ci de ses prérogatives de régulateur en empiétant largement sur celles d’organisateurs qui, normalement, est le fait incontesté d’un Mauritius Turf Club respecté, mais qui est devenu depuis quelque temps, et de façon indécente, un simple exécutant des ordres de l’organisme d’Etat. Au point où la GRA distribue chaque semaine des bons points au MTC pour sa servilité. Elle a généreusement autorisé certains propriétaires — dont par le plus simple des hasards figurait le fils d’un haut responsable de la fonction publique ayant des relations familiales avec le pouvoir en place — à assister à la deuxième journée. Cette semaine, pour remercier le président d’avoir bien récité sa leçon sur les bienfaits des loteries, la GRA autorise tous les pro-propriétaires dont les chevaux figurent sur le programme à être présents au Champ de Mars ce samedi. Loin d’être une faveur, ce retour des propriétaires est un dû. Pour compenser leur séquestration forcée à domicile, la GRA et le MTC devraient leur présenter des excuses car, sans eux, il n’y a pas de courses.

Et le public, celui qui finance les caisses de l’Etat et l’industrie hippique, quand se- ra-t-il autorisé au Champ de Mars ? Faut-il prêter foi aux accusations de plus en plus pressantes que ce huis clos a été imposé pour favoriser l’élargissement des paris par moyens électroniques ? Un nouveau cas de favoritisme d’Etat pour son pour-voyeur de fonds ? En tout cas, en termes de favoritisme exclusif, la GRA a un palmarès éloquent et ce ne sont pas les nouvelles mesures du budget 2020 qui démentiront ce secret de Polichinelle que nous dénonçons depuis belle lure􏰀e. Maintenant que la GRA a réussi sa mission de ‘mariaz arranzé’ et que le MTC a rejoint la danse des canards, la mainmise sur le monde hippique mauricien par l’univers du jeu est totalement acquise et sera irréversible pour une longue durée. Dire que tout cela est enveloppé des slogans menteurs ‘anou sauve nou lékourse’ et ‘la lu!e contre le cancer’, ça donne envie de vomir, quand on sait quelles sont les véritables motivations derrière ce hijack des courses de chevaux.

Cette perspective ne va certainement pas rassurer l’Union européenne pour enlever Maurice de la liste noire que des spécialistes économiques considèrent comme étant 10 fois plus dangereux pour le pays économiquement que ne l’a été la Covid-19. Pour contrecarrer ses effets, le renforce- ment de certaines lois de la GRA, approuvées par le Parlement ce􏰀e semaine, pour combattre le money laundering est une bonne chose en soi, mais encore faut-il encore qu’elles soient implémentées et qu’il y ait à la tête de ces institutions des personnes indépendantes et compétentes. Ce qui est loin d’être le cas à la GRA. Il est de notoriété publique que la GRA est sous l’emprise d’un nominé politique, qui n’est ni un fonctionnaire ni un élu. Ses décisions intempestives et affublées d’une partisanerie aveugle ont entraîné l’organisme régulateur dans des défaites cinglantes et humiliantes en Cour suprême. Que le gouvernement s’est empressé de corriger avec des amendements à la loi dans le Finance Bill en 2019 au lieu de le rappeler à l’ordre.

Il ne faut pas se voiler la face, c’est la guerre pour avoir le contrôle sur des masses monétaires importantes et sur la machine à laver qui transforme l’argent ‘sale’ en argent ‘propre’ dans le circuit hippique mauricien qui est le véritable enjeu, le nerf de la guerre. Dans le monde hippique, c’est le blanchiment d’argent qui est à la base de la corruption. Le blanchiment d’argent découle de l’intention de personnes impliquées dans des délits illicites qui souhaitent que l’argent provenant de ces sources illégales apparaisse légal en plaçant ces sommes dans le circuit des paris afin que sa source illégitime ne soit pas détectée par les institutions financières ou les services répressifs. Tous les gouvernements l’affirment. La lu􏰀e contre le blanchiment de l’argent et la corruption figure parmi leurs priorités. Ils donnent aussitôt des gages pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une démarche opportune, mais d’une volonté de nettoyage rendue impérative par une situation de déliquescence avancée, surtout lorsqu’elle est condamnée de toutes parts, comme c’est le cas présent avec la Commission européenne (CE).

Malheureusement, la répression existante ne vise pas toutes les actions illégales et malsaines — qui sont à un stade de métastase — mais confère à leurs auteurs un sentiment de totale impunité, ce qui est contraire à l’un des droits de l’homme les plus essentiels, à savoir que nul n’est au-dessus des lois. Les citoyens ne sont pas dupes. Ceux qui avaient plus que des doutes sur la mise en branle de la justice pour en finir avec le fléau découvrent, de semaine en semaine, que la réalité est tout autre et que l’action salvatrice se heurte à une mafia à laquelle l’Etat est redevable. L’échec à ce chapitre, jusqu’ici, est cuisant, car depuis des décennies, corrupteurs et corrompus ont usé et abusé de leur main- mise sur les richesses du pays, gangrénant des pans entiers des institutions respectables. Le mal est si profond, si enraciné dans les mœurs, qu’il faudra des efforts gigantesques pour l’extirper et sortir de la Black List.

Cela est d’autant plus difficile qu’à l’heure des fake news et des réseaux sociaux incontrôlables, un sens aigu de la transparence et du respect strict des lois en vigueur sont mis à mal par une vaine tentative de décrédibilisation de ceux qui dénoncent les travers et leurs auteurs. En sus d’avoir corrompu les esprits d’une frange importante des commentateurs compatissants, au nom de la liberté d’expression, ils ont propre média pour déverser impunément — pas pour long- temps — les pires insanités et les mensonges les plus caricaturaux sur ceux qu’ils ne peuvent acheter, pour semer le trouble et compromettre leurs dénonciateurs.

S’il y a un bilan qu’on peut d’ores et déjà qualifier de conséquent, c’est le fait indéniable que bon nombre de questions embarrassantes restent sans réponse de la GRA. Il est de notoriété publique qu’une des compagnies de being, la plus importante sur le marché, a pour animateur et interlocuteur un personnage qui ne figure ni comme actionnaire ni comme directeur, et ni comme employé. Il a lui-même déclaré qu’il n’était qu’un conseiller. Est-ce que la GRA peut expliquer à la CE s’il a fait le due diligence pour savoir qui est l’ultime bénéficiaire des transactions de ces compagnies ? Si elle a fait le due diligence sur les nominés de ces compagnies pour voir si leur statut est en adéquation avec leur rôle au sein de la compagnie ? Au nom de la transparence, la GRA peut-elle rendre public si toutes les compagnies de being à Maurice sont reliées en direct au serveur de la MRA ? Si non, quelles sont ces compagnies ?Et pour- quoi ? Est-ce légal ? La GRA a-t-elle vérifié si toutes les autorisations ont été obtenues pour les paris sur les courses étrangères, hors Europe ? Seules des réponses transparentes contribueront à une possible sortie de la BlackList de la CE!

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