Bonne gouvernance à la santé

Le feuilleton des achats de produits médicaux et de médicaments pendant la période de confinement n’est pas terminé. Au fur et à mesure, de nouveaux épisodes viennent s’ajouter aux précédents démontrant avec quelle rigueur et en respectant les règles de bonne gouvernance des acquisitions ont été faites par le ministère de la Santé. Des acquisitions faites, il faut le souligner, sans passer par des appels d’offres sous prétexte que l’urgence de la situation sanitaire l’exigeait. C’est ainsi que le ministère de la Santé a acheté des équipements médicaux et des médicaments à des personnes qui jusqu’alors n’avaient aucune connexion, de près ou de loin, avec le milieu médical. Sans des whistle-blowers scandalisés par ces pratiques mélangeant non-respect des règles élémentaires de la bonne gouvernance et protection des proches et des petits copains, cette opération n’aurait jamais été connue du public. Heureusement que des whistleblowers ont fait parvenir des documents aux parlementaires de l’opposition pour interroger le ministre de la Santé. Après avoir répondu que l’opposition véhiculait des rumeurs, il a été obligé, face aux documents, d’admettre que parmi ceux qui avait fourni des produits sanitaires à son ministère, il y a avait un bijoutier, un quincaillier, un marchand de fruits de mer et un directeur d’hôtel. Jusqu’aujourd’hui, on n’a jamais su comment et surtout par qui ces nouveaux «agents» de produits médicaux avaient été informés des besoins précis du ministère de la Santé.
Un de ces producteurs providentiels d’équipements médicaux se démarquait du lot. Il s’agissait de celui qui avait obtenu le gros pactole des commandes : Rs 476 millions. Il s’agissait d’une compagnie espagnole créée sous le nom de Nostock Business, puis comme Lauro Pharma avec une réputation bien établie au niveau judiciaire dans son pays. En effet, son fondateur et directeur avait été condamné à treize ans de prison et Rs 125 millions pour fraude fiscale en 2017. En 2019, la compagnie change de nom en gardant son adresse et ses numéros de téléphone et devient Pack & Blister. C’est à cette compagnie, dont le contact mauricien serait la State Trading Corporation, jusqu’alors importatrice de ciment, de produits pétroliers, de gros pois et de riz, entre autres, que le ministère mauricien de la Santé accorde un contrat de Rs 476 millions pour l’acquisition de 50 ventilators pour les hôpitaux mauriciens. La commande a été faite et acceptée en quelques minutes à peine. Plus tard, au Parlement, le ministre de la Santé dira que ce sont les compagnies étrangères qui ont approché son ministère pour offrir leurs services et leurs produits. Comment savaient-elles de quels produits avait besoin le ministère ? La question n’a pas semblé pas avoir préoccupée le ministre. Il était plus intéressé de savoir qui a laissé fuiter les documents et il a fait des déclarations à la police et à l’ICAC pour essayer de retrouver le whistleblower et le punir.
Commandés et payés — probablement en devises étrangères — en avril, les équipements achetés d’urgence à Pack & Blister ne sont arrivés à Maurice… qu’à la fin du mois d’octobre. Heureusement que Maurice n’a pas eu de cas de Covid-19 nécessitant l’utilisation de ventilaltors d’avril à octobre! Ne croyez surtout pas que la saga était terminée, loin de là. Pour être utilisés, ces ventilators avaient besoin d’être installés et mis en marche. Pour ce faire, la société espagnole vendeuse a dépêché à Maurice des experts turcs. Hier matin, le leader du PMSD, Xavier-Luc Duval, a posté un message sur les réseaux sociaux. On apprend que «les 50 respirateurs achetés à grands frais de Pack & Blister en urgence et sans appel d’offres se sont révélés défectueux. Les techniciens arrivés à Maurice en début de semaine sont repartis sans que ces appareils aient pu être mis en service!»
Conclusion : le ministère de la Santé a dépensé Rs 476 millions pour des équipements neufs qui sont, pour le moment, inutilisables. Voilà comment le ministre de la Santé pratique sa version toute personnelle de la bonne gouvernance!

- Publicité -

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour