Consigné pour l’Histoire

Décembre de l’année dernière, le leader du PMSD, Xavier-Luc Duval, a confirmé, par voie d’une lettre transmise à la Cour intermédiaire par le Bureau du directeur des poursuites publiques (DPP), sa décision de finalement pardonner Showkutally Soodhun, ancien vice-Premier ministre et actuel ambassadeur de Maurice en Arabie Aaoudite, après que celui-ci a proféré en public des menaces de mort à son encontre. En conséquence, le procès contre Showkutally Soodhun a été rayé.
Initialement, le leader du PMSD avait porté plainte contre Soodhun pour avoir tenu les propos suivants à un meeting à la place des Taxis de Flacq, le 18 juillet 2019: «Si mo bodyguard ti donn mwa so revolver mo touy Xavier Dival dan Parlman. Mo dir li for mo touy li dan Parlman apre sa mem ki apel Jihad.» Après une enquête policière, le bureau du DPP avait décidé de poursuivre en justice Showkutally Soodhun, alors vice-Premier ministre et ministre du Logement, pour outrage à un membre de l’Assemblée nationale, nommément l’honorable Xavier-Luc Duval en sa qualité de leader de l’opposition. Toutefois, puisque c’est le plaignant lui-même qui a porté plainte qui a renoncé , la Cour intermédiaire a pris la décision qui s’imposait. L’ancien VPM Soodhun l’a ainsi échappé belle parce que sur la base d’un enregistrement audio de sa menace, l’affaire était très mal barrée pour lui.
Xavier-Luc Duval a expliqué sa décision en affirmant ne pas «être rancunier. Cette affaire aurait dû être appelée en cour durant la période de confinement. Toutefois, il faut dire qu’à plusieurs occasions, Showkutally Soodhhun m’a présenté des excuses et, comme je ne suis pas rancunier, j’ai décidé que je n’irais pas de l’avant».
Cependant, même si on n’aurait absolument aucun droit de dicter sa conduite à XLD, il a bien le loisir de pardonner qui il veut, l’affaire ayant défrayé la chronique pendant au moins deux années avec des risques de dérapages et de troubles à l’ordre public, il importe qu’elle ne se termine pas ainsi sans appeler à quelques observations:
(a) et cela XLD l’a lui-même relevé, l’ancien VPM Soodhun, aujourd’hui son excellence Monsieur l’ambassadeur, n’a pas eu la décence de remercier celui qui l’a épargné d’une possible condamnation qui aurait fait lourde tâche sur sa carrière déjà tumultueuse. Au contraire, il a pavoisé en ayant l’outrecuidance de déclarer à la presse que «la justice a triomphé». Or, dans les faits, la justice n’a pas eu à juger…
(b) c’était la deuxième fois, depuis l’indépendance de notre pays, qu’un membre de l’Assemblée nationale — de surcroît un vice-Premier ministre — exprimait clairement son intention — et li dir for — de régler son compte à coups de revolver à un autre collègue membre de la Chambre — lui également ancien vice-Premier ministre. La première fois qu’on avait entendu ce genre de chose ici remonte à 1987, quand nul autre que Sir Anerood Jugnauth (SAJ), Premier ministre en place, avait menacé de faire la peau à Harish Boodhoo. Menaces réitérées sur les ondes de la radiotélévision nationale, s’il vous plait! SAJ, pas encore ministre mentor, mais qui le deviendra plus tard, que Showkutally Soodhun admire profondément au point de s’en autoproclamer «l’esclave» avait été mis en colère par Harish Boodhoo, son Premier ministre adjoint qu’il venait d’expulser du MSM dans le sillage de l’affaire Amsterdam. Harish Boodhoo projetait de venir manifester avec ses partisans devant son domicile à La Caverne. «Li vini mo bez li dé kout balles» («Il vient, je le descends»), avait dit celui qui, pourtant, était le ministre responsable de la Police et du maintien de l’ordre. Comme Soodhun, SAJ s’en été sorti tranquillement… C’est comme s’il existait définitivement une justice à deux vitesses. Une pour les puissants et une pour l’homme de la rue. Et XLD de préciser justement «que cela aurait été très embarrassant pour l’ancien ministre, car il est actuellement l’ambassadeur de Maurice en Arabie Saoudite!» Voilà une bonne solution donc pour tout futur dirigeant de notre pays en cas où un des membres de son gouvernement se mettrait dans une situation semblable. Il s’agira alors de simplement le défalquer ailleurs dans une chancellerie et de venir dire, ensuite, on ne peut pas le faire condamner, ce serait mauvais pour l’image du pays…
Que le leader du PMSD ait voulu faire preuve de condescendance ou de magnanimité ou les deux à la fois, ou qu’il n’ait pas voulu aller trop loin dans l’affaire, question de ménager le MSM en cas de besoin obligé de changement de partenaire électoral à l’avenir n’est pas vraiment le sujet. Le vrai sujet, à notre avis, est le message qu’envoient au public ces hommes politiques toujours prêts à de petits arrangements entre eux dans leurs propres intérêts.
En tout cas, nous connaissons au moins un citoyen de notre pays qui a dû éprouver quelque amertume légitime en prenant connaissance du dénouement de l’affaire DPP vs Soodhun par rapport Xavier-Luc Duval. C’est un habitant de Flacq, aux initiales F. B. Frustré par un jugement de la Cour suprême qui avait débouté sa vieille maman dans un procès foncier, il avait osé adresser une lettre insultante au juge lui indiquant qu’il aurait mieux fait d’aller vendre des boulettes auprès du Marché central. Le pauvre avait écopé de six mois de prison fermes sans possibilité d’être reconvertis en travaux communautaires. Sans doute que F. B ne pouvait savoir qu’insulter un juge à Maurice est beaucoup plus gravissime que de vouloir publiquement tirer à coups de revolver sur un leader de l’opposition!
Cela, il fallait, le consigner pour l’Histoire. Comme le dirait l’Anglais, le set on record.

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