Enquête parallèle

“Kot monn foté? Kifer to pa komans par demysioné to mem?” Et si Yogida Sawmynaden avait lancé ces propos à Pravind Jugnauth avec un clin d’œil à l’affaire d’Angus Road? Une réponse qu’il aurait balancée si d’aventure, dans un rêve lointain de bonne gouvernance, le Premier ministre avait osé demander à son ministre et colistier de prendre congé le temps de l’enquête alors même que s’accumulent des éléments les uns plus troublants que les autres dans l’affaire Soopramanien Kistnen.

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Certains s’attendaient que, comme il l’avait fait pour Ivan Collendavelloo, le PM, si soucieux de l’image du pays, qu’il a ailleurs grandement contribué à dégrader avec sa liste noire, exigerait que le ministre du Commerce et de l’Industrie  démissionne pour ne pas interférer dans les enquêtes en cours et que, le cas échéant, il n’hésiterait pas à le révoquer.

Le PM avait demandé au Président de la République de révoquer son PM adjoint – pas une quatorzième roue de la charrette ministérielle – qui avait refusé de démissionner sur la base “d’un bout de papier” venant de la BAD. Maneesh Gobin est venu cette semaine affirmer, lors d’une rencontre “cuit vidé” avec la presse, que “contre Ivan Collendavelloo il n’y avait pas que de simples allégations. Ne comparez pas avec Yogida Sawmynaden.” Rien que ça!

Simples allégations, dit l’Attorney General, le florilège des révélations faites sous serment par plusieurs témoins durant l’enquête judiciaire qui se déroule au tribunal de Moka et qui donnent froid dans le dos par l’étendue des pratiques mafieuses qui se sont incrustées au no 8, qui n’est pas n’importe quelle circonscription mais celle du PM. Même si nous savons tous que les mêmes méthodes sont appliquées un peu partout.

À écouter les explications du trio de jeudi, c’est normal qu’entre agents politiques proches de ministres l’on discute de contrats publics? Que c’est un pur hasard que, lorsque ce ne sont pas des bijouteries, des quincailleries et des hôtels qui raflent la mise en bénéficiant de “insider information”, c’est un habitant du no 8 qui décroche une bonne partie des contrats?

On est où là? À la Camorra ? C’est acceptable pour le conseiller légal en chef du gouvernement qu’un de ses collègues écrive à son agent pour lui dire de proposer des masques et autres équipements médicaux? Faut-il rappeler que ces achats faits en urgence ont coûté aux contribuables Rs 1,2 milliard et que ce n’est pas l’argent personnel du leader du MSM et de ses acolytes.

Et que c’est tout bonnement scandaleux que le PM qui pilotait le comité national sur la Covid ait osé lancer à l’Assemblée nationale que “nous devons remercier la compagnie Pack and Blister” le 21 juillet dernier pendant que le leader de l’opposition, avec sa PNQ, cuisinait le ministre Jagutpal sur les achats onéreux effectués dans des conditions douteuses.

Comme si cette firme espagnole qui a décroché des contrats avoisinant les Rs 500 millions nous avait fourni le matériel gratuitement. Une coquette somme déjà empochée sans que l’ensemble du matériel ne soit jusqu’ici opérationnel. Ce qui n’est pas loin de l’arnaque!

Business as usual aussi toute cette saga sur les contrats que se sont octroyés comme par hasard les proches du directeur de la State Trading Corporation, une recrue personnelle de Yogida Sawmynaden, après tout ce qui a été dit ces derniers jours sur les sommes d’argent qui changeaient de mains sur les aires de stationnement de complexes commerciaux?

C’est vrai que chez lui-même, à l’Agro-Industrie, il y avait eu pas mal de couacs autour de la pomme de terre, une vraie patate chaude, avec des stocks dissimulés et l’Office des Marchés distribuant selon des critères obscurs durant le confinement. Celui de tous les abus. Et qui sert de toile de fond à la découverte macabre faite dans un champ de cannes à Telfair, Moka.

Et que nous enseignent les faits qui ont émergé des auditions de ces derniers jours? Que la police de Pravind Jugnauth est digne des feuilletons comiques qui mettent en avant des flics ridicules. Mais un agent du parti au pouvoir et de la circonscription du PM, lui-même, meurt sans que ses proches n’aient d’explications adéquates et satisfaisantes qui leur permettent de faire leur deuil. Pas de compassion ni de considéraiton humaine?

Non seulement il y a eu comme un tour de passe-passe pour expédier l’enquête sur la découverte du cadavre de Soopramanien Kistnen, mais on découvre chaque jour que lorsqu’il s’agit de faits pouvant remonter jusqu’aux puissants, la police est capable de toutes les entourloupes pour les épargner.

Et tout ça pendant que cette même police trouve le temps de convoquer l’auteur d’une blague, d’un post sur Facebook visant le PM, d’un émetteur de chèque en bois qui avait déjà réglé la note. Par contre, lorsqu’il s’agit de mort d’homme, on  bâcle l’affaire, vite fait, on conclut rapidement au suicide sans recueillir tous les indices, sans approfondir les investigations.

Si un témoin susceptible d’apporter un éclairage sur l’affaire se présente au poste de police, on le reçoit à la cantine, on feint d’écouter entre deux bouchées, on ne note rien au nom de la “confidentialité”, pour prévenir les “fuites”. Non, on n’est pas au festival du rire. Il y a  eu mort d’homme et la police de Pravind Jugnauth s’en moque. Un agent est “suicidé” dans son fief et il a fallu attendre que toute l’affaire prenne des allures de scandale pour qu’il ait enfin un petit mot de sympathie pour la famille.

Qui sait? La police s’en est peut-être remise à son ministre de tutelle, le PM qui a fait son enquête parallèle et qui a conclu que son colistier est blanc comme neige. Il n’a pas, cette fois, pris trois mois “pour réunir les éléments” comme pour Angus Road.  Juste quelques jours pour conclure que sa police a été irréprochable, que ses caméras à Rs 19 milliards peuvent se mettre en vacances dépendant des circonstances. Non mais, dans quel pays vivons-nous?

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