Ensam zot kapav

Le confinement ne doit pas servir de prétexte, d’alibi pour occulter tous les autres graves problèmes du moment. Un homme en détention provisoire a été assassiné, ou liquidé, lors de son transfert d’un centre pénitentiaire à celui de haute sécurité deLa Bastille. C’était peut-être un petit caïd présumé, un “bad boy” sans doute, un de ces petits shérifs locaux sûrement, mais était-ce une raison pour le battre à mort?

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Et demain, si d’aventure il y a une séance de l’Assemblée nationale un mardi et qu’un député de l’opposition interpelle le Premier ministre sur ce drame, il faut, sans doute, s’attendre à ce qu’il se cache derrière “l’enquête policière suit son cours, je ne peux rien dire”.

Un peu comme il l’a honteusement fait, mardi dernier, en refusant de répondre aux questions supplémentaires de Patrick Assirvaden sur le malheureux accident de Wooton provoqué, en novembre 2019, par un véhicule de police et qui avait coûté la vie à Rohit Gobin, notamment sur l’identité et le rôle de l’homme en noir qui était venu récupérer les policiers impliqués.

Comme si la famille du défunt n’avait pas droit à quelques explications et surtout à une assurance quant à l’intégrité des investigations, d’autant que la police enquête sur la police. Il est toutefois réconfortant d’apprendre que le bureau du DPP a renvoyé le dossier aux Casernes centrales pour un approfondissement de l’enquête.

On pourrait aussi dénoncer cette attitude plutôt désinvolte des autorités vis-à-vis des personnes restées bloquées à l’étranger et se demander ce que ministres et puissants auraient fait si d’aventure un de leurs enfants ou un de leurs proches se retrouvait dans la même situation.

Partout dans le monde, notamment en Inde, on fait le maximum pour rapatrier ses ressortissants et les ramener à la maison, mais, ici, tant que ce n’est pas “nou dimoun”, ça peut attendre indéfiniment, qu’importent les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles certains Mauriciens doivent essayer de survivre ailleurs et l’angoisse de leurs parents ici.

Un confinement, des esprits cette fois, pourrait aussi nous pousser à banaliser ce qui se passe à l’Assemblée nationale depuis les dernières élections générales. On connaissait les succursales du MSM que sont ces organismes publics parasités par la politique et qui s’illustrent ces jours-ci par leur gestion pourrie.

On découvre qu’il y a aussi une annexe du Sun Trust : l’Assemblée nationale. Sooroojdev Phokeer, un parent de Pravind Jugnauth, a été propulsé Speaker malgré ses antécédents loin de le placer comme le candidat approprié pour ce poste. Ce “Loud Speaker” n’a pas arrêté, depuis son installation, de s’illustrer par sa grossièreté et ses vociférations.

Il n’est Speaker que depuis six mois, mais cela ne l’a pas empêché d’expulser ou de suspendre trois députés de l’opposition. Avant Paul Bérenger, cette semaine, ce Speaker-là avait aussi expulsé le leader de l’opposition, Arvin Boolell, et suspendu Shakeel Mohamed le 28 février 2020.

à entendre certains, très rares, il est vrai, il faudrait passer l’éponge sur sa conduite scandaleuse au prétexte qu’il faille, à n’importe quel prix, rester assis et tout accepter. Chacun a, à l’évidence, sa propre conception de la dignité, de l’honneur et du respect de soi. Et, de toute façon, ce n’est pas ça la démocratie.

Avant de revenir aux incidents de mardi dernier survenus à la fin du Question Time, il faut dire qu’il a sèchement rabroué le leader de l’opposition pour avoir avancé son masque de protection qui a pourtant expliqué que cela rendait la respiration difficile, mais il n’a rien eu à dire sur le fait que le Premier ministre adjoint Ivan Collendavelloo ait presque enlevé le sien. L’audition est sélective, la vue brouillée, dépendant du côté de la Chambre où la présidence regarde.

Tout avait été fait dès le début pour favoriser la majorité. Xavier Duval avait, à plusieurs reprises, eu l’occasion de dénoncer les longues réponses qui avaient pour objectif d’écourter le temps des questions supplémentaires de l’opposition. Mais aucune réaction du Speaker.

Et le plus surprenant autour du “mal élevé” incriminé comme le mot offensant du siècle, c’est qu’un ministre l’avait, en quelque sorte, utilisé plus tôt. Renganaden Padayachy, pas content d’une question de Shakeel Mohamed, s’est permis de lui dire qu’il était “mal élevé. Tu peux apprendre les bonnes manières au moins une fois dans ta vie ?” Aucune réaction là aussi sur le tutoiement direct ni la leçon administrée.

Eh oui, Sooroojdev Phokeer s’est comporté en mal élevé et les procès-verbaux des travaux de mardi sont explicites là-dessus. Il avait déjà donné l’autorisation à Reza Uteem de poser une supplémentaire avant de la retirer et favoriser Naveena Ramyead, alors qu’il aurait pu la lui donner après le député du MMM. Non, “nou dimoun avan”.

Et la séquence est juste dégueulasse. Un Speaker debout avec son index en avant mettant au défi un député de répéter ce qu’il a dit et qui ne lui demande même pas de retirer le mot “mal élevé” et qui l’expulse sur-le-champ, c’est quand même rare. Aucune graduation dans le procédé, juste une expulsion expéditive. Et pour couronner le tout, il y a même eu un “allé ta”.

Si jamais Sooroojdev Phokeer arrivait à être empêché de trôner sur le perchoir pour une raison ou pour un autre, syndrome aigu du Nil ou des pharaons, ou simple allergie épidermique aux dreadlocks, nous suggérons qu’il soit rapidement remplacé par Kaushik Judunundun, libre depuis son départ forcé de l’ICTA. Ensam, zot kapav.

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