La double peine

Une sorte de double peine. Il y avait déjà le confinement qui est très difficile à supporter. Voilà que de petits potentats qui rêvent, jour et nuit, de ne plus avoir de vis-à-vis, de contradiction et de critiques qui profitent de la situation pour appliquer leur projet liberticide. Et il n’y a pas que la fermeture du Parlement et l’abolition du Question Time depuis sept mois. On a eu droit au délire de l’Independent Broadcasting Authority, qui n’avait rien d’autre à faire pendant le confinement que de cibler Top FM. Après le lockdown dans le lockdown qui a frappé la radio pour 48 heures les 4 et 5 avril pour un sujet qui remonte à août 2019 suivant une Private Notice Question de Xavier Duval sur la composition du conseil d’administration de l’IBA, le même organisme, truffé de petits agents orange, dénués de neurones, a voulu récidiver.

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À peine le confinement qui frappait la radio levée le 6 avril, deux jours plus tard, le 8, l’IBA, qui n’a visiblement rien d’autre à faire, a écrit à Top FM pour l’inviter à venir s’expliquer sur les propos tenus par Jack Bizlall sur le Premier ministre indien Narendra Modi lors d’une émission qui avait été diffusée le 24 février 2020. Cette fois, Top FM a choisi de prendre les devants. Sa direction a saisi la Cour suprême pour demander un gel de la demande de l’IBA en attendant que sa requête de révision judiciaire soit entendue. Et jeudi, 16 avril, la plus haute instance judiciaire a donné gain de cause à la radio privée. Pas d’explications à donner aux affidés du Sun Trust jusqu’à nouvel ordre.

L’IBA ne trompera personne en prétendant vouloir faire respecter scrupuleusement les paramètres de diffusion d’une radio privée. Sa démarche est plus que claire. Le nouveau président, qui n’y connaît strictement rien en communication ou en législation des médias, semble avoir eu pour seule mission commandée d’intimider Top FM et de lui faire payer ses différents “gates” sur Pravind Jugnauth et ses proches diffusés durant la dernière campagne électorale. Ce n’est que lorsque Pravind Jugnauth est critiqué ou tourné en dérision sur les réseaux sociaux que la police réagit au quart de tour et, en tout cas, bien plus rapidement que pour traquer les criminels et les vrais auteurs d’actes illégaux. Il n’est pas le seul à subir ce genre d’initiatives. Tous les leaders des partis politiques sont, un jour ou l’autre, objets de caricatures ou de critiques véhémentes sur Facebook. Y a-t-il eu une quelconque enquête de la police ?

Le dernier cas, celui de la secrétaire de l’ancienne présidente de la République Ameenah Gurib-Fakim, est intéressant à plus d’un titre. Rachna Seenauth a partagé un post hautement sarcastique sur le Premier ministre. Il est certes très vulgaire, ordurier même, dans sa conclusion, mais rien de vraiment très méchant. Elle a non seulement passé une nuit en cellule avant de retrouver la liberté conditionnelle jeudi, mais ses conseillers légaux Lovena Sowkhee et Erickson Mooneeapillay ont été verbalisés pour avoir enfreint les conditions du confinement. C’est comme si c’était deux quidams qui étaient sortis pour aller se balader dans la nature. Les voies de fait ne s’arrêtent pas le temps du confinement. Il n’y a qu’à recenser le nombre de vols, dont certains peuvent relever parfois de l’urgence alimentaire, dans les champs et les commerces. À l’heure de la technologie, il aurait été tellement plus simple qu’une autorisation d’un haut gradé sous forme numérique soit accordée pour la journée ou pour un déplacement précis à un professionnel qui a une urgence à traiter.

C’est pareil pour les journalistes qui ont dû aller chercher leur autorisation de déplacement aux Casernes centrales, comme si les cartes de presse — qui suffisent ailleurs dans les pays démocratiques qui ont compris que les médias jouent un rôle prépondérant dans la lutte contre la pandémie — n’étaient pas assez valables pour justifier un déplacement professionnel. À quoi sert cette carte qui, ici, est, en plus, délivrée par le Government Information Service qui, comme on le sait, est la référence même en matière d’information utile et objective. Il est désormais dirigé par un conseiller politique qui voulait à tout pris prendre la place d’un fonctionnaire de carrière et l’éjecter du conseil d’administration de la MBC pour que la mainmise gouvernementale soit totale et sans entrave.

Non, il faut tout policer, tout contrôler. Il est vrai que lorsque la police applique strictement la loi, cela peut se retourner contre elle. Un pauvre officier en a fait l’amère expérience cette semaine. Il a été « faire son travail », comme aime le dire Pravind Jugnauth, et a pris en contravention un vendeur illégal de légumes et saisi les produits exposés. Une démarche conforme à la procédure. Mais il a eu la désagréable surprise d’apprendre qu’après un coup de fil d’un dirigeant politique de la localité, son supérieur avait reçu des directives pour retourner au hors-la-loi tous les produits saisis. C’est probablement une nouvelle version des propos enhardis du Premier ministre « nou pa pou toléré » et « nou pou aplik la loi ».

Et parions d’ores et déjà que l’interventionniste indélicat ne sera pas sanctionné et qu’il va falloir attendre les prochaines élections pour qu’il soit exclu de la liste des candidats. Avec Pravind Jugnauth, nous sommes condamnés à vivre pendant cinq ans avec des hauts placés fraudeurs et irrespectueux des lois. Et là encore, c’est pas gagné ! Même si, ici, nous ne sommes pas partisans de la distinction de rang ou de profession lorsqu’il s’agit d’appliquer la loi, on peut légitimement se poser des questions sur ce qui différencie un marchand illégal de deux avocats qui avaient été sollicités pour défendre une cliente.

 

 

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