L’affaire Boskalis: il faut sauver l’honneur de la République

insi, nous citoyens, nous allons devoir gober, béatement, que notre très moderne République de Maurice, placée 73ème dans le monde au classement de l’ICT Development Index de l’ International Telecommunication Union et leader (no. 1) sur le continent Afrique dans le domaine de la technologie informatique serait capable de se connecter via Internet avec le Kamchatka et, sans doute aussi, avec la Terre de Feu, dans l’extrême sud de l’Amérique, mais qu’elle n’est pas foutue de mener à bien une visioconférence depuis la Hollande (en Europe) dans le procès de l’affaire Boskalis? N’est-ce pas extraordinaire?
Dans cette affaire judiciaire qui traîne depuis 2008 (dix ans) Siddick Chady et Prakash Maunthrooa sont des co-accusés.

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Sidick Chady, c’est l’ancien 2ème député de Stanley-Rose-Hill puis de Port Louis Est-Port Louis maritime, ancien ministre des Travaux sous le régime travailliste – MMM de 1995 à l’an 2000. Privé d’investiture parce que tombé en disgrâce aux yeux de l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam, il s’est ensuite vu attribuer par celui-là même le poste de Chairman de la Mauritius Ports Authority ( MPA ). Jusqu’à ce que Ramgoolam, convaincu qu’il y a un prima faciès case, le révoque.

Prakash Maunthrooa, ancien directeur à la MPA, candidat MMM-MSM battu à l’élection de replacement de Sir Anerood Jugnauth à Piton-Rivière du Rempart en 2003, est actuellement un super conseiller au Bureau du Premier ministre (PMO). Un membre de la cuisine du MSM, dit-on. La Commission indépendante anti-corruption, l’ICAC, accuse Chady d’avoir perçu près de 3 millions de roupies de commission illégale de la firme hollandaise Boskalis contre l’octroi à cette dernière d’un contrat pour des travaux de dragage dans le Port.

Quant à Maunthrooa, la commission lui reproche, en tant que courtier connaissant bien le milieu portuaire et le secteur maritime, d’avoir agi comme intermédiaire pour obtenir le paiement de pot-de-vin allégué. Les deux co-accusés nient les faits. Il y a cependant, en leur défaveur le témoignage accablant de deux cadres hollandais de la firme Boskalis qui ont trempé dans la transaction. Ces deux témoins, Jan Cornelius Haak et Antonius de Goede, après avoir avoué l’authenticité de l’acte de corruption et avoir été condamné pour cela par la Cour intermédiaire de Maurice, avaient pris l’engagement qu’ils allaient revenir ici pour dire toute la vérité dans le procès intenté Chady et Maunthrooa.

Sauf que, le moment venu, tous deux ont refusé de reprendre l’avion disant craindre pour leur sécurité. Chat échaudé, l’un d’eux semble avoir été traumatisé par une rétention forcée à l’aéroport SSRN, mais les deux étaient disposés à collaborer avec la justice mauricienne. D’où l’organisation, laborieuse, de visioconférences entre la Cour intermédiaire de Maurice et la Cour de Rotterdam, en Hollande. Plus d’une fois, la liaison entre les deux cours de justice a été interrompue. Soit à cause de défaillances où d’interférences techniques, soit par l’évocation de points de droit de la part des avocats de la défense de deux co-accusés. La durée interminable de l’exercice entre les deux pays aura fini par user la patience de la cour hollandaise. Mais, est-ce là une raison valable pour que Chady et Maunthrooa n’aient pas à rendre compte jusqu’au bout afin que plus un seul doute ne subsiste à leur sujet ?

En règle générale, les commentaires sur le déroulement d’un procès en cours sont rares. Mais, dans le cas présent, il faut avoir le courage de tordre le cou à cette pratique, parce qu’il y va , avant tout, de l’honneur de notre pays et également, de notre système de justice lui-même. Tant pis, si le service des télécommunications que dirige M. Sherry Singh ne daigne, lui, expliquer la cause des défaillances notées dans la liaison entre Rotterdam et Port Louis, c’est à la crainte exprimée par les deux témoins clés hollandais pour leur sécurité que la République de Maurice se doit maintenant et impérativement de proposer une solution digne de notre société civilisée.

Serait-il aussi compliqué, serait-ce l’océan qui nous sépare de la Hollande à boire pour notre gouvernement, pour le Bureau du Directeur des Poursuites Publiques ( DPP ) que de prendre des mesures afin qu’un sauf-conduit soit accordé à MM. Haak et De Goede pour qu’ils puissent venir à Maurice et confronter de vive voix la défense de Chady et Maunthrooa ? Entendons nous bien, l’objectif n’est pas d’avoir la peau de quiconque à n’importe quel prix. Mais il faut être sérieux en la conjoncture. La République de Maurice, il convient de le rappeler, est signataire depuis fin des années 90 , de la Convention de Palerme contre la corruption. Cette convention permet aux autorités mauriciennes de déclencher toute une procédure diplomatique pour que des témoins comme les deux Hollandais puissent être contraints de collaborer avec la justice quitte à ce que toute la Special Mobile Force se déplace au Pays-Bas pour les escorter jusqu’à un hôtel sécurisé sur notre sol en attendant que la Cour intermédiaire entende leur version des faits.

Il y a urgence que le DPP agisse avant que, le 13 décembre prochain, la Cour intermédiaire ne prononce sa décision concernant une motion de la défense de Chady et de Maunthrooa pour que le témoignage incriminant des deux Hollandais soit invalidé dans le dossier. Une telle invalidation pourrait vider l’accusation de toute sa substance et en faire une caisse vide.

Si véritablement et le DPP et l’ ICAC de Navin Beeharry veulent envoyer un signal fort dans la lutte contre la corruption dans notre pays à charge pour eux d’entreprendre les démarches qu’il faut. Répétons-le, pour sauver l’honneur de notre pays car il faut aussi rassurer MM. Haak et De Goede qu’à Maurice on ne trucide pas des témoins au coin des rues…

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