Le cœur et la raison

« Trop d’impôt tue l’impôt » ? C’est l’économiste américain Arthur Laffer qui, à travers un graphique, avait démontré que la hausse des taxes mène inévitablement à la chute des recettes fiscales. Cette théorie ne semble pas avoir ému outre mesure le gouvernement et le ministre des Finances, puisqu’ils ont, malgré tous les avis contraires de l’ensemble des acteurs hippiques, décidé que, depuis le 1er septembre, les taxes sur les paris seront majorées de 2% pour arriver à 14%. En moins de deux ans, la taxe a donc augmenté de 4%. « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas », disait le philosophe Pascal. Comme lui, nous nous interrogeons.

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Cette obstination dans l’erreur a sans doute un agenda que nous ne comprenons pas, mais le résultat brut est que les recettes officielles vont baisser, et que, parallèlement, celles des paris clandestins vont prendre l’ascenseur, car c’est un secret de Polichinelle que des organisateurs de paris qui ont pignon sur rue, et qui ne se plaignent pas de la prolongation excessive du huis clos, pratiquent pour certains des paris clandestins avec une taxe de 5% qui, de surcroît, sont souvent accompagnés du pari à crédit.

Les offres de paris sont commandées sous formes codées, car les parieurs et les organisateurs de paris se connaissent très bien et jouent sur la base d’une confiance mutuelle. Et ils agissent en toute impunité, même si de temps en temps on annonce avec force voix des arrestations, mais ce ne sont que de petits marchands qui travaillent à leur propre compte. Car le vrai pari clandestin aujourd’hui est pratiqué par des professionnels qui, sur la base des nouveaux règlements mis en place par la Gambling Regulatory Authority (GRA), ne travaillent plus en silos et ne se font plus de la concurrence. Ces compagnies ne sont plus nécessairement gérées par leurs actionnaires, mais par des forces ad hoc qui font qu’une grosse partie des paris se font sous un chapiteau commun, aujourd’hui à travers des réseaux sociaux protecteurs de ce genre d’activité.

Ni la GRA ni le gouvernement ne peuvent nier aujourd’hui la force des ces paris illégaux dans notre pays, et c’est sans doute pour avoir d’emblée dénoncé cela que le président élu démocratiquement du MTC a été empêché, illégalement à notre sens, en tout cas dans des conditions unfair, de prendre la présidence du board du Mauritius Turf Club Sports And Leisure Ltd (MTCSL). Difficile donc de comprendre la stratégie du gouvernement d’augmenter cette taxe. Mais son agenda d’esclavager le MTCSL ou simplement de l’éliminer paraît limpide, car avec de moins en moins de revenus, le MTCSL finira pas mettre les genoux à terre, car son revenu majeur est issu justement des paris, comme le gouvernement d’ailleurs, qui préfère un manque à gagner dans ces temps de vaches maigres.

Si, dans le Finance Bill, le gouvernement, intolérant envers ceux qui ont d’autres choix politiques que les siens, a mis des régulations, autres que l’augmentation de la taxe, qui ont de quoi étouffer par d’autres moyens le MTCSL, par contre, les organisateurs de paris illégaux n’ont pas reçu la moindre attention musclée de la part des autorités. Pour eux, business as usual, iI est vrai qu’on est en période préélectorale pour les municipales et l’argent, beaucoup d’argent, sera nécessaire pour éviter une humiliation dans les villes où l’exaspération est à son comble pour la gestion chaotique, cette fois, de la pandémie de Covid-19 et des rebondissements choquants sur la mort, on peut déjà affirmer l’assassinat, de Soopramanien Kistnen, au point où le PM, qui était resté silencieux sous son soutien incontesté jusque-là à son ministre et colistier Yogida Sawmynaden, tente de nuancer ses propos d’alors.

Pourtant, le rapport Parry et celui de Gunn-Scotney, dont il n’a cessé de se référer pour faire passer la pilule très amère d’une Horse Racing Division sous l’autorité de la GRA et ses connexions politiques — contrairement aux recommandations des Britanniques — de ce Finance Bill pour l’avenir des courses hippiques dans notre pays, se sont longuement étendus sur la problématique des paris clandestins à Maurice.

Dans le rapport, Gunn et Scotney expliquent :

« Anecdotal evidence indicates that the illegal betting market is at least as big in volume of money transacted as the legal market. The truth is no-one really knows how big it is but everyone spoken to acknowledges that illegal betting is thriving in Mauritius. It is conducted privately between legal and illegal bookmakers, either by telephone using credit cards in person or using “mission men”. Winning bets are paid out, again privately, with no record of the bet and only 5% charged to the punter rather than the 10% Government tax. Evidence to prove illegal betting offences is hard to gain and the practice is so widespread that little effort is taken by the Police des Jeux to control the illegal operations. The GRA is currently reviewing its licensing role to see if more action can be taken from a regulatory standpoint. The Consultants have noted the widespread illegal market and the way it operates. In addition, it is noted that the significant expense of a bookmakers licence together with the high level of taxation on bookmakers and punters and the restricted betting laws all combine to disincentivise punters and bookmakers alike from using the legal betting market. The Consultants wished to understand the policy issues behind the high cost of a licence (70 times more expensive in Mauritius than in Great Britain) and the high taxation levels here but have been informed that such matters are confidential between the Minister of Finance (and his Advisors) and the Prime Minister’s Office. The fiscal, cultural and political reasons for such policies are acknowledged but the Consultants feel that the combined effect of such strident measures actually fuels the illegal market because bookmakers need to take illegal bets “to make ends meet” and the punters finds it far more convenient than having physically to take cash to a bookmaker to place a bet. »

À quoi les consultants britanniques avaient recommandé : « The Consultants strongly recommend a revision of the betting laws in Mauritius. Changes that will allow debit betting over the telephone, internet betting, modest changes to allow different types of bet (e.g.multiples/exotic bets) and a relaxation of opening hours for bookmakers will all serve to disincentives bookmakers, and punters from wanting to resort to the illegal market. » Jusqu’à présent, peu, pour ne pas dire rien, n’a été fait pour améliorer cette situation, si ce n’est contribuer à empirer cette descente aux enfers des revenus hippiques avec les deux augmentations et taxes successives de 2% chacune effectuées par l’actuel gouvernement.

Mais ce qui surprend également, c’est ce peu de réactivité de ce même gouvernement pour remplacer l’ancien système de contrôle de paris GRABCS qui ne permet pas de contrôler tous les opérateurs de paris en ligne par le CEMS pourtant supporté avec force par le rapport Gunn-SCotney : « The first decision to be made is what will be the primary function of an up-graded CEMS system ; if it is to remain a tool for ensuring bookmakers and the wider gambling industry pay tax then there is a strong argument for CEMS remaining within the MRA although it will continue (as GRABCS) to be of limited value to the GRA. »

Cependant, les consultants considèrent qu’il existe une opportunité d’utiliser le CEMS de différentes manières, ce qui sera utile à la fois à la GRA et à la nouvelle Mauritius Horseracing Authority (MHA) proposée à l’avenir. Cela pourrait devenir un outil important pour que le nouveau système de renseignement proposé soit situé au sein de la GRA et, grâce à un flux « en direct », pourrait aider à surveiller les paris à l’approche des courses au Champ de Mars. Il est important de noter que cela permettra au personnel de la GRA de suivre toute activité de paris suspects (lorsque le personnel a acquis une expertise suffisante en matière d’enquête et de paris), y compris la possibilité d’informer les Stipendiary Stewards si des paris suspects sont identifiés avant la course.

Pourquoi donc le gouvernement, qui, par le biais de son ministre des Finances, Renganaden Padayachy, avait annoncé à grand renfort de publicité en 2019 la mise en branle de ce nouveau système de monitoring de paris CEMS, est resté silencieux depuis ? La réponse se trouve sans doute dans le rapport Parry : « Cependant, il y a eu un retard de cinq ans dans la connexion d’un bookmaker en ligne, SMS Pariaz, au système, ce que la Commission a trouvé surprenant et a demandé si cette société avait effectivement payé des impôts au cours de la période de cinq ans où elle n’était pas connectée au système. Il n’y avait pas de réponse claire à cette question….mais il n’y a aucune confirmation disponible via le GRABCS pour savoir si des impôts avaient été payés par cette société ou combien. »

Parry ajoutait dans son rapport que la Commission avait pris note des commentaires de la GRA concernant le GRABCS, qu’elle considérait comme dépassé et nécessitant un examen complet. LA GRA estimait qu’une mise à niveau était désormais nécessaire pour lutter contre les pratiques de paris illégaux et assurer un contrôle plus approprié et plus efficace des paris hippiques. Ce rapport date de 2015 et nous sommes en 2021.

Jusqu’ici le GRABCS, auquel SMS Pariaz n’est toujours pas connecté online en totalité et envoie certains returns jusqu’à 48 heures après les journées de courses, est toujours en vigueur ! La MRA, d’habitude plus agressive dans ce genre de situation, surprend par son mutisme. Comme disait Pascal, « le cœur a ses raisons que la raison ignore », mais pour ce qui des relations SMS Pariaz-GRA-Gouvernement, le cœur a ses raisons que la raison connaît très bien !

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