Le “new” normal

Oui, vraiment, c’est tout à fait le “new” normal. Eh oui, quoi de plus nouveau et normal que de référer une enquête à l’ICAC pour qu’elle finisse très vite dans le tiroir des oubliettes. Après de spectaculaires descentes pour saisir dossiers, documents et ordinateurs qui finiront dans le musée de l’organisme et un petit communiqué pour ne rien nous apprendre que ce que nous sachions déjà, il n’y aura finalement strictement rien. Comme pour toutes les autres enquêtes.

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Les enquêtes sur Vijaya Sumputh, Youshreen Choomka et les conseillers incriminés du ministre des Sports Yogida Sawmynaden datant de plusieurs années, les cartes bancaires de l’ex-présidente et les affaires Alvaro Sobrinho, Bet 365 et Ravi Yerrigadoo, qu’est-ce qu’elles ont donné? Rien. New normal!

Avec le St-Louis Gate qui défraye la chronique en ce moment, il y a aussi lieu de revenir sur un autre organisme, la CWA, placée sous la responsabilité du ministre Ivan Collendavelloo et qui a été au coeur de l’actualité au début de l’année. Le 13 janvier 2020, le directeur Yousouf Ismael démissionne de son poste pour des raisons inconnues.

Il est convoqué à l’ICAC neuf jours après, le 20 janvier 2020 pour avoir, contre avis légal, octroyé des contrats de Rs 100 millions sans appel d’offres. Ici aussi, il avait été question de procédures d’urgence comme dans le cas de BWSC de St-Louis. Le secteur privé disputant à l’ICAC la palme du meilleur blanchisseur de la place, Yousouf Ismael est nommé secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) le 1er avril.

La CCI, cela sert soit d’usine de recyclage du MSM, soit de pépinière de choix. Lorsque Azim Currimjee en était le président, c’est Renganaden Padayachy qui faisait office de responsable du dossier macroéconomie. Après les élections de 2014, l’épouse de Pravind Jugnauth entretenant des relations privilégiées avec celle du président de la CCI, une passerelle rapide fut érigée avec l’Hôtel du gouvernement.

Si l’épouse d’Azim Currimjee devient la conseillère de Pravind Jugnauth et membre de plusieurs conseils d’administration publique, l’époux, lui, prend la présidence de l’Economic Development Board, tandis que Renganaden Padayachy se voit propulsé président de la Financial Services Commission, cet organisme qui a été d’une telle incompétence avérée que la juridiction mauricienne a fini par se retrouver sur la liste noire de l’Union européenne.

Renganaden Padayachy est aussi, en même temps, nommé premier gouverneur adjoint de la Banque de Maurice. C’est avec un pied dans l’étrier qu’il va découvrir que l’on peut faire main basse d’abord sur Rs 18 milliards pour payer la dette, puis sur les 140 milliards qui lui permettent de concocter son premier budget.

Le new normal, c’est aussi les nominations scandaleuses et le jeu de chaises musicales entre la police et les prisons. Mario Nobin ne peut plus être commissaire de police, on le nomme à la tête des prisons et celui qui est éjecté de ce poste, Vinod Appadoo, on le retrouve comme conseiller à la sécurité de Pravind Jugnauth.

C’est sans doute le nombre de décès suspects survenus en cellules policières et derrière les barreaux et les émeutes du 19 mars dernier au centre pénitentiaire de Beau-Bassin qui doivent les rendre hautement éligibles à ces postes.

Le new normal, ce sont les candidats battus qui retrouvent leurs postes. Seety Naidoo a été battu aux dernières élections générales du 7 novembre 2019 au No 19, tandis que son mentor Ivan Collendevelloo est donné perdant avant de se retrouver à la troisième place, il est reconduit à son poste de président du CEB un mois plus tard, le 7 décembre.

Ken Fong quitte le mairat des villes soeurs pour aller poser sa candidature au No 20. Battu, il reprend le fauteuil de maire de Beau-Bassin/Rose-Hill qu’il occupe depuis cinq ans. Son colistier Gilles l’Entêté démissionne de la NHDC pour se porter candidat. Rejeté par l’électorat, il est réinstallé à la NHDC. C’est le new normal!

Seety Naidoo reconnaît que le directeur suspendu du CEB l’avait informé de l’enquête de la BAD et il n’a rien dit à personne, même pas au ministre, son inséparable Ivan Collendavelloo, qui observe un silence des plus assourdissants depuis l’éclatement de cette affaire. Et il croit que les Mauriciens vont gober cette énormité.

Et le Premier ministre qui ne sait rien et qui ne va rien couvrir. What a bad joke! Il veut du prima facie avant d’agir.  Il y avait un procès en bonne et due forme pour corruption contre Prakash Mauthrooa dans l’affaire Boskalis, mais le Premier ministre l’a maintenu comme conseiller et comme membre d’Air Mauritius, de la SICOM, de la SBM, du BOI, de la Postal Authority et de l’ICTA avec des salaires combinés faramineux.

Avec Pravind Jugnauth, c’est simple : lorsqu’il y a des allégations, il faut attendre un prima facie case et lorsqu’il y a le prima facie case, il faut, cette fois, attendra la condamnation. Et certains sont toujours prêts à lui accorder le bénéfice du doute! Son bilan sur les enquêtes est absolument nul. Rien de probant trois ans après dans l’enquête sur 157 kilos de drogue saisis dans le port. Au contraire, il y a eu depuis la tractopelle de Mauricio. Aucune suite.

Rien n’est sorti des comités d’enquête sur les irrégularités en ce qui concerne le Sugar Insurance Fund Board, pas de suite au rapport Lam Shang Leen, si ce n’est une task force, ou plutôt une grosse farce présidée par le directeur de l’ICAC qui n’a rien produit de bien significatif jusqu’ici, sauf qu’un conducteur de pelleteuse a pu, sur plusieurs kilomètres, semer les enquêteurs de l’ICAC. Les commissions d’enquête sur Britam présidées par l’ancien juge Bhushan Domah et sur l’ex-présidente de la République qui avait été conduite par l’actuel chef juge, sont en panne sèche permanente.

Maintenant le Boskalis bis du St-Louis Gate. Quelques têtes obtenues, mais pas le corps du dossier ni le coeur de l’affaire. Et gageons que si tout ne se passe pas comme prévu et que des cas vont jusqu’au conseil privé, l’ICAC n’aura qu’à changer de place et se mettre à celle de la défense, plutôt que celle de la poursuite comme elle l’a honteusement fait dans l’affaire Medpoint. Vive le new normal! 

 

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