Le temps du bilan

Il y a l’affaire rocambolesque mais tout autant inquiétante de la tractopelle que certains voient comme un symbole de la faillite de la lutte contre la drogue et, cela tombe bien, parce qu’il y a dans l’histoire, entre drogue et politique, de bien étranges passerelles, et le débat sur le financement des partis politiques, lui, qui n’est pas terminé, sera soumis à un vote mardi.
La tractopelle bourrée de cocaïne est arrivée en même temps que Mauricio. Du nom de ce premier train du Metro Express qui est arrivé le jeudi 4 juillet lors d’une cérémonie qui a mobilisé l’ensemble du gouvernement pour ce qui se voulait un rendez-vous historique.

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On a découvert cette semaine que notre Mauricio national était en bien stupéfiante compagnie et que, pendant que les officiels se bousculaient pour se faire photographier avec lui, les autorités complètement endormies ont oublié de vérifier tous ceux qui ont voyagé à bord de navire et c’est ainsi que la tractopelle a pu quitter le port pour se retrouver chez le concessionnaire en attendant d’être remise à son commanditaire.

Et ce sont les mécaniciens qui ont vérifié que la machine de leur client était en bon état qui ont fait la macabre découverte. De drôles de sachets remplis de poudre et valant l’équivalent de 10 ans de Lotto. Ils ont alerté leurs supérieurs qui, à leur tour, ont prévenu les autorités policières. Et le verdict est vite tombé. Il s’agissait de pas moins de 95 kilos de cocaïne d’une valeur de Rs 1,4 milliard.

L’ADSU, encensée par le Premier ministre qui aime faire son show, a disparu des radars. Pas d’exhibition du trophée, pas de virée en hélicoptère ou d’interception en mer, rien. Les informations sur cette affaire sont distillées avec parcimonie. Les bavards sont subitement devenus bien mutiques.

Ce dont on parle dans les milieux des enquêteurs est qu’il y a une possible méprise sur la tractopelle et qu’elle n’était peut-être pas destinée au marché mauricien. On entend de tout mais, quoi qu’il en soit, le fait indiscutable est que cette machine a pu quitter le port et qu’elle aurait pu avoir déjà atterri entre les mains d’un commanditaire. Qui aurait commercialisé son milliard de coke en récoltant le triple, sinon le quadruple de sa triste mise.

Comment dans un pays qui investit jusqu’à Rs 19 milliards dans un projet opaque de Safe City et qui, selon le ministre mentor, devrait contraindre ceux qui sont importunés par cette intrusion à fermer portes et fenêtres, peut-on avoir un port et une douane passoires?

Comment après l’affaire des 135 kilos d’héroïne saisis dans le port en mars 2017, des engins avec leur lourde cargaison de 95 kilos de cocaïne peuvent quitter l’enceinte portuaire sans vérification? Quelqu’un peut offrir une explication? Où est le Premier ministre qui, à l’occasion de ses cérémonies de koup ruban, prévenait, après des saisies et avec une certaine malice, “ki pou ena enkor, ou même pou trouvé.” On a vu mais vos services, eux, n’ont rien vu venir.

Et s’il y avait une bombe sur cette tractopelle juste à côté de Mauricio? Même s’il n’est pas question de se montrer alarmiste, il y a quand même de nombreuses questions qui se posent et qui s’imposent lorsqu’on sait quelles sommes faramineuses de l’argent public l’Etat dépense, quitte à s’endetter dangereusement, pour la sécurité.
Il est vraiment dommage qu’après sa question tout à fait légitime sur le cannabis médical, mardi, le leader de l’opposition n’ait pas saisi l’opportunité d’une PNQ, vendredi, pour réclamer un peu plus de précisions sur les circonstances de l’affaire de la tractopelle. Et c’est là que le bilan de la campagne anti-drogue aurait pu être dressé. Surtout après le rapport Lam Shang Leen.

Parce que des saisies spectaculaires, il y en a eu ces dernières années. L’ICAC, le bouledogue sans dent, au si maigre bilan sur le front de la corruption, s’est mise de la partie pour traquer skippers, voitures, chiens et dentures en métaux précieux.
Mais LA question est celle de savoir si ceux qui sont arrêtés disposent de moyens pour importer Rs 1,4 milliard de cocaïne, si l’ADSU a pu établir qui sont les commanditaires des 135 kilos d’héroïne valant Rs 2 milliards saisies en mars 2017, soit il y a plus de deux ans.

Le zanfan Lakaz du Sun Trust, Geanchand Dewdanee a eu le temps de sortir de prison; Navind Kisnah est tombé dans les oubliettes et on n’est toujours pas plus avancé sur ce dossier. Il en est de même pour d’autres saisies dont la valeur a aussi été présentée comme très importante. À moins que ces ingrédients farineux ne soient que de la poudre de perlimpinpin à la Lutchigadoo.

Tant que l’on n’aura pas mis la main sur ceux qui sont capables de tels montages financiers considérables pour importer cette quantité de drogue, les saisies et les arrestations spectaculaires de ceux qui sont au milieu du trafic ou au bout de la chaîne du commerce de la drogue ne serviront à rien. Parce que ceux qui sont capables de lever autant d’argent pour importer leur dangereuse came continueront à le faire, s’ils ne sont pas pris.

Et c’est avec tout cela en filigrane que le gouvernement propose un financement des partis politiques venant exclusivement du privé et il y a notre Étienne Sinatambou national pour venir nous dire que le texte sera voté. Peut-être. Si c’est pour se retrouver dans un tiroir, pourquoi pas, et sans que la Commission électorale ait les pouvoirs d’agir, quelle utilité?

Si le gouvernement est sérieux, il n’est évidemment pas trop tard pour rechercher un consensus et voter un texte acceptable à tous les partis du Parlement mais aussi ceux qui ont des suggestions à faire en dehors de l’hémicycle.
Des propositions intéressantes ont été faites qui devraient être faciles à appliquer comme la constitution d’un fonds mixte État / privé, géré en toute équité par la Commission électorale au bénéfice de tous les partis, y compris les petits qui sont nécessaires au débat démocratique. Le reste dépend, en fait, d’une réelle volonté politique. Or, le déficit est tellement évident.

 

 

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