Les nocturnes parlementaires

Les amateurs de travaux parlementaires ont eu droit durant deux mardis successifs à deux épisodes d’une nouvelle série parlementaire consacrée à la motion de blâme contre le Speaker, Sooroojdev Phokeer. Les deux premières séances ont commencé après le dîner parlementaire, c’est-à-dire à 21h30, pour prendre fin vers 3h du matin. La date du troisième épisode, dont on ne sait pas encore s’il sera le dernier, n’a pas encore été fixée.

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Il se pourrait que ce soit pour vendredi prochain et que les grosses pointures de l’opposition et de la majorité entrent en scène. La présentation d’une motion de blâme est, comme le souligne l’ancien Speaker Ajay Daby au Mauricien, « un outil parlementaire ». Cela permet à l’opposition, quand il se sent lésé, de faire part de ses griefs si elle considère que l’attitude du Speaker entrave leur travail et les empêche de s’exprimer en toute liberté, sans être désavantagé par rapport aux parlementaires de la majorité.

Rien de plus normal donc que l’opposition présente une motion de blâme contre le Speaker afin de le ramener à l’ordre. Ce n’est pas la première fois qu’une telle motion est présentée, le PPS Gilbert Bablee rappelant il y a quelques jours qu’il y a eu au moins six motions de blâme contre différents Speakers, et pas des moindres, de 1963 à ce jour. Le dernier cas en date avait été présenté contre Maya Hanoomanjee par Shakeel Mohamed, alors chef de file du PTr au Parlement. La présidence de Sooroojdev Phokeer, elle, a été diversement commentée dans les médias. Certains estiment ainsi qu’il fait simplement preuve d’autorité alors que d’autres, eux, considèrent qu’il abuse de ses pouvoirs et de ses muscles pour imposer l’ordre, surtout dans l’opposition, en faisant la sourde oreille sur ce qui se passe du côté de la majorité.

Un tel débat aurait certainement intéressé un grand nombre de personnes. Malheureusement, pour des raisons tactiques et politiques, ces débats ont lieu durant la nuit. Ce qui fait que la grande majorité de la population n’est pas en mesure de suivre les échanges. Sans compter qu’une pression injuste est exercée sur les parlementaires des deux côtés de la chambre et sur le personnel de l’Assemblée nationale. La fatigue due au manque de sommeil donne même lieu à des énervements, parfois grossiers, dans l’hémicycle dans la soirée ou aux petites heures du matin. Ne serait-il pas plus humain, et plus raisonnable, de programmer les débats sur cette motion à des heures plus convenables ? Souhaitons que ce soit le cas la prochaine fois.

Au-delà de ces considérations d’ordre pratique, une telle motion donne l’occasion à tous les membres du Parlement, en particulier les députés qui font encore leurs armes, de se manifester, de se distinguer par leurs prises de position et leurs discours.

Malheureusement, on est resté sur notre faim, la majorité n’ayant fait que donner lecture d’un texte visiblement préparé sur la base d’un format commun. Certains ont fait étalage de leur arrogance et de leur manque de respect vis-à-vis de leurs aînés de l’opposition, comme s’il s’agissait de faire plaisir à leur chef. Même dans l’opposition, on a l’impression que les orateurs ont été répétitifs. Certains ont réduit les débats à des attaques personnelles et introduit dans les débats des considérations sectaires. Un ministre a même produit le Code noir pour soutenir son argument, oubliant qu’aujourd’hui, à Maurice, l’esprit de colons « cut across » toutes les communautés. Il n’y a qu’à voir l’attitude des propriétaires d’entreprises dans tous les secteurs économiques du pays et le traitement qu’ils réservent actuellement à leurs employés, qui défilent ces jours-ci aux bureaux de l’emploi.

Pour revenir aux débats, on se demande si, lors de la prochaine séance, il ne serait pas mieux de réduire le nombre d’orateurs des deux côtés de la Chambre avant que la motion ne soit soumise symboliquement au vote, puisqu’il est évident que la majorité aura gain de cause. Comme le souligne Ajay Daby, « si c’est pour régler les choses politiques, we won’t see much coming out of it ». Ajoutant : « Either you get the best out of it or your get the worst out of it. »

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