L’éthique à l’épreuve de la transplantation

Le Human Tissue (Removal, Reservation and Transplant) Bill a été présenté en première lecture cette semaine. Il ne sera pas débattu avant la prochaine séance parlementaire, prévue pour le 8 mai. Ce mardi sera en effet férié en raison de la fête du Travail, qui mobilise déjà tous les forces politiques et syndicales en vue des rassemblements qui seront organisés à cette occasion.

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Mais à peine sa publication officielle que cela donne déjà lieu à un débat initié par le MMM, qui a relevé un aspect majeur du texte de loi et qui concerne la présomption de consentement, qui en langage technique est connu comme le “opt out”. Ainsi, si une personne, autre qu’un mineur, décède sans avoir indiqué sa volonté de faire une donation d’organe et sans avoir, au cours de sa vie, exprimé une intention contraire au board sous une forme prescrite, la personne décédée est alors présumée être donatrice. De plus, le board qui sera institué par la nouvelle loi peut déterminer le but, l’institution ou le destinataire du don qui doit être fait.

La donation d’organes a toujours été pratiquée à Maurice, notamment pour les transplantations de reins, en particulier dans des institutions hospitalières à l’étranger. On connaît en effet beaucoup de personnes qui ont offert un rein à un proche ou à un membre de sa famille. Mais jusqu’ici, le don d’organe se faisait sur une base volontaire. Il existe également des cas où des personnes font don de leurs yeux avant leur décès afin d’aider à une greffe de la cornée. Encore une fois, le don oculaire ou de tissus humains après le décès d’une personne se fait sur une base volontaire.

Les nouvelles dispositions, que le leader du MMM considérait la semaine dernière avoir été introduites sans qu’une explication soit donnée dans l’introduction du texte de lois, pose de nombreux problèmes éthiques et pratiques. Sur le plan pratique, puisque personne ne connaît ni le jour ni l’heure de son décès, cette mesure implique que toute la population de personnes majeures peut indiquer au Conseil qui sera institué ses volontés concernant ses organes et les personnes auxquels ils sont destinés, dans l’éventualité où cette personne accepte de faire don de ses organes après sa mort. On imagine déjà la confusion que cela pourrait provoquer.

Dans l’éventualité où des personnes acceptaient de faire don de leurs organes, qui décidera quel organe sera retiré et sur quelle personne ? Les services hospitaliers mauriciens disposent-ils de moyens fiables pour stocker les organes qui auraient été enlevés pour constituer une banque d’organes ? De combien de spécialistes qualifiés dispose le pays pour effectuer les opérations nécessaires pour retirer les organes ou, même, pour procéder à des transplantations en toute sécurité ? Comment prévenir le risque que des étrangers, dans le cadre du développement d’une politique de tourisme de santé, ne profitent des facilités disponibles à Maurice en matière d’organes ? Ce sont là quelques questions posées en vrac et qui alimentent les inquiétudes.

Viennent ensuite les problèmes d’ordre éthique et reli- gieux. On sait qu’à Maurice certaines religions s’opposent à toutes formes de don d’organe. Qu’est-ce la loi prévoit pour cette catégorie de citoyens au cas où ils n’auraient pas in- diqué d’avance leur volonté de ne pas être donneurs ? Un médecin nous faisait remarquer que les morts ont des droits qui doivent être respectés.

Concernant le board, dont l’institution est prévue par la loi, tous ses membres sont nommés par le ministre de la San- té. De plus, il doit être présidé par le chief medical officer. Pourquoi ne pas permettre aux associations de médecins et de légistes, ou aux organisations sociales ou religieuses qui seront définies par la loi de choisir librement leur représen- tant ? Pourquoi, tenant en compte que la question de “Remo- val, Reservation and Transplant” relève de spécialistes de la santé, la fonction de président n’est-elle pas confiée à un juriste d’expérience afin d’éviter tout conflit d’intérêts ? « Maurice n’est pas prête pour le système “opt out” », a affirmé l’ancien Attorney General Satish Faugoo.

Devant les questionnements auxquels ce texte de loi donne lieu, un débat national s’impose, non seulement sur les dis- positions de la loi, mais également sur la pertinence d’un vrai comité d’éthique consultatif sur le modèle du National Economic and Social Council, et qui regrouperait toutes les parties prenantes.

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