Protocole et dignité

Dans l’interview qu’il nous a accordée cette semaine, le Dr Satish Boolell pose une série de questions sur la gestion de la Covid, dont celle-ci : est-ce que le ministère de la Santé va autoriser Navin Ramgoolam, testé positif à la Covid 19 vendredi dernier, à se faire soigner dans une clinique privée ou devra-t-il être transféré à l’hôpital ENT, réservé par le ministère de la Santé aux malades de la Covid ? Il y a quinze jours, un autre Mauricien découvrait qu’il était atteint de Covid. Malgré les supplications de sa famille qui voulait l’envoyer en clinique, il a été obligé de se faire admettre à l’hôpital ENT, pour respecter le protocole établi par le ministère de la Santé. Il est décédé de la Covid quelques jours après. Selon ce protocole, aucune clinique privée n’aurait été autorisée à admettre ce malade car, selon le ministère, les établissements hospitaliers privés mauriciens ne possèdent pas les normes sanitaires adéquates pour cette catégorie de patients. Cette affirmation autorise une question. Est-ce que l’hôpital ENT possède les équipements nécessaires pour traiter les malades graves de la Covid ? Surtout quand on se rappelle que l’équipement pour cet usage acheté à prix d’or pendant le premier confinement, à des copains devenus importateurs, a été livré avec de graves défectuosités ? Mais au-delà de la question des équipements et des équipes médicales de l’hôpital ENT, la manière dont le cas du patient Navin Ramgoolam sera traité sera riche d’enseignements sur la manière dont le ministère de la Santé applique son propre protocole. Elle démontrera s’il traite tous les patients mauriciens selon une stricte égalité. Déjà, au cours du premier confinement, une rumeur selon laquelle les enfants d’une VVIP avaient bénéficié d’une période de quarantaine moins longue que celle de leurs camarades de classe avait circulé. Et n’avait pas été démentie. Le Dr Satish Boolell a raison : le cas du patient Navin Ramgoolam va permettre de vérifier si le ministère de la Santé pratique, avec la même rigueur sanitaire qu’il exige des Mauriciens, le protocole qu’il a établi.

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Ceux qui ont pu assister à l’enterrement d’un malade décédé de la Covid au cimetière Bigara décrivent une situation d’une tristesse à briser le cœur des plus insensibles. Le dernier voyage du décédé commence par le cortège funèbre qui quitte l’hôpital ENT, à Vacoas, pour se rendre au cimetière Bigara, à Curepipe. Il est composé d’un motard pour ouvrir la voie, suivi d’un corbillard dont les occupants sont revêtus de combinaisons sanitaires, qui rappellent ceux des cosmonautes, et d’un jeep de la police, avec sirène activée. Le convoi, qui transporte un cadavre, est conduit comme le cortège d’un vice-ministre roulant à toute allure pour arriver à un rendez-vous urgent. Les conducteurs du convoi sont tellement pressés d’accomplir leur besogne que samedi, ils se sont trompés de route et au lieu de tourner pour aller au cimetière, se sont retrouvés dans un autre faubourg de Curepipe. Quand le convoi arrive au cimetière, la tombe a été déjà creusée par une pelleteuse et les choses se déroulent à une vitesse grand V. Le cercueil — une caisse constituée de feuilles de plywood — est sorti du corbillard par les croquemorts cosmonautes et mis en terre en toute hâte. Sans que les parents ne puissent se recueillir un moment, dire une prière ou poser une fleur sur le cercueil de leur proche qui s’en va à tout jamais. Le cercueil est enterré à toute vitesse, comme si on avait hâte de s’en débarrasser. Les parents venus dire adieu à leur proche ne garderont que l’image, vue de loin, d’une caisse de plywood rapidement enfouie dans une fosse. Il est vrai que la situation sanitaire exceptionnelle causée par la Covid nécessite des réponses rapides. Mais selon les statistiques du ministère, grâce à ses mesures, nous n’avons, pour le moment, que quelques cas de mortalité de Covid par semaine. Ce qui laisse amplement le temps de mettre en place un système — un autre protocole — pour permettre aux victimes de la Covid d’être enterrées ou incinérées avec un minimum de dignité. Comme des êtres humains dignes de respect et pas comme, je cite un témoin d’un récent enterrement au cimetière Bigara, « un chien qu’on jette dans un trou ! »

Est-ce trop demander que réclamer un peu de dignité et d’humanité pour nos morts de Covid et leurs proches ?

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