Sans œillères 
ni coton

Toute nouvelle qui laisse espérer que Maurice pourrait être enlevée de la liste grise de la Financial Action Task Force (FATF), préalable obligatoire pour être réhabilitée par l’Union européenne concernant sa liste noire des centres financiers montrant un dispositif légal et de contrôle efficient pour combattre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme, doit être favorablement accueillie. Dans une telle perspective, si l’arsenal réglementaire et répressif a, semble-t-il, été déployé dans le bon sens par les services financiers mauriciens, il faut, dans le cadre de la visite qu’effectueront les représentants de la FATF dans les mois à venir, s’assurer que TOUS les clignotants soient au vert, sans exception. S’il est vrai que les agences de notation se concentrent plus sur la vulnérabilité des casinos qui génèrent une circulation massive du cash, le monde hippique attire aussi de plus en plus leur attention.

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Et là, il y a encore des efforts à faire — mais pas tant que ça — puisque le gouvernement en place avait déjà annoncé les bonnes mesures nécessaires dans les précédents budgets, mais ne les a jusqu’ici pas concrétisées : implémentation du « cashless betting » accompagné d’un account based system pour suivre les mouvements des masses monétaires, mise en place d’un nouveau serveur à la MRA-GRA pour s’assurer que TOUS les « proceeds » des paris engagés à tous les niveaux sont bien sous le contrôle des autorités et ne servent pas à la corruption ou au trafic de drogue et, enfin, mener la chasse inlassable contre l’illegal betting au lieu de bêtement augmenter la taxe sur le betting. La timidité des autorités gouvernementales dans l’action dans le domaine hippique par rapport aux bonnes intentions annoncées ailleurs pourrait constituer le talon d’Achille bloquant… À bon entendeur, salut !

Il faut, en effet, savoir entendre et écouter. Porter des œillères et du coton est inexorablement improductif. Et ce qui se passe sur le board d’appel de la GRA est éclairant à plus d’un titre. Voilà une instance mise sur pied trop précipitamment et sans moyens suffisants, et qui connaît déjà sa première crise majeure. Aux dernières nouvelles ce matin, l’une de ses figures de proue aurait démissionné, officiellement pour des problèmes d’emploi du temps, mais dans les coulisses, on suppute que son interrogation sur l’interdiction du président du MTC d’assister aux courses pourrait avoir accéléré cette sortie après une interview pourtant très flatteuse du rôle de cette instance d’appel passée sous l’autorité de la GRA.

Auparavant, lors de l’appel du jockey Bhaugeerothee mercredi, l’avocat du Mauritius Turf Club, Me Nazroo, avait contesté la composition du board d’appel à cause d’une « perception of bias » étant donné que deux membres au moins de ce board d’appel sont des membres du Mauritius Turf Club. Cette problématique de la double appartenance de certains nominés de ce board qui devraient être, selon le rapport Parry, indépendants du gouvernement et du Mauritius Turf Club, a déjà été mise en relief dans ces colonnes. Le bras de fer entre le Senior Councel Aboobaker et Me Nazroo a aussi débouché sur une polémique sur la question des procès-verbaux des enquêtes et les appuis d’appel du jockey sanctionné. Il est clair que la vitesse imposée par la GRA et la question des coûts encourus par le MTCSL posent des problèmes de bonne gouvernance dans les relations entre un régulateur et son « licencee ».

En effet, pour une totale indépendance, le board d’appel aurait dû avoir disposé de tous les moyens financiers, humains et technologiques lui permettant de fonctionner sans qu’il ne soit redevable à l’instance qu’il est amené à juger et que ses membres en soient totalement indépendants. Cela est dit sans préjudice vis-à-vis des personnes qui y siègent actuellement.

Autant dire que les conditions de la mise sur pied de ce comité d’appel est le symbole même de l’amateurisme dans lequel fonctionne la GRA, qui ne sait que gonfler ses muscles à la Popeye, au point de perturber et de faire dérailler le train bien huilé jusqu’ici du MTC-MTCSL dans l’exercice de ses fonctions. La polémique sur la question du handicap aurait dû être réglée par un dialogue direct d’homme à homme entre les deux instances plutôt qu’un échange de courrier qui témoigne que l’instance régulatrice, qui n’a aucune expertise sur la question, doit relayer l’information à une source tierce avant de donner sa réponse aux handicapeurs du MTC lorsqu’un professionnel des courses conteste l’approche de ces derniers.

Ce dialogue de sourds cause de plus en plus d’inconvénients pour l’organisateur des courses, le MTCSL, surtout lorsque les retours de la GRA sont tardifs, au point où des erreurs ont été commises dans l’élaboration du programme officiel de la 7e journée. Turf Magazine, comme d’autres, a subi les retombées de cette tension et retransmis une mauvaise numération des chevaux inscrits comme partants de la dernière course du week-end dernier. Bien qu’indépendante de notre volonté, nos lecteurs ont été perturbés par cette donne et nous nous en excusons platement. Il faut absolument que la sérénité revienne, du moins pour l’élaboration du programme des courses que le MTCSL doit préparer sans pression de dernière minute, surtout si celle-ci doit venir de la GRA.

Sans pointer du doigt qui que ce soit, il est clair que le début de saison 2021 connaît des soubresauts de cette tension latente entre la GRA et le MTCSL-MTC, et l’accident malheureux qui a conduit à la mort du jockey Juglall en est une résultante dramatique. Espérons que sa mémoire sera respectée et honorée dans l’enquête judiciaire qui s’est ouverte aujourd’hui, jeudi. Elle ne doit servir qu’à une chose : tirer les leçons pour qu’un tel drame ne se reproduise jamais plus et non être une plateforme de blame game pour tirer des avantages dans l’opinion publique. Plus que jamais, tout un chacun doit enlever ses œillères sur les yeux et le coton de ses oreilles.

Ainsi, à travers des lobbies dont le seul intérêt est le jeu et son monopole autant que possible, les journées sans public s’éternisent, alors que partout ailleurs, excepté où le gouvernement veut imposer le vaccin pour atteindre au plus vite son hypothétique herd immunity qui, nous le constatons chaque jour qui passe, est remis en cause à l’international. L’espace ouvert que constitue le Champ de Mars n’est-il pas un lieu où le public aurait pu être admis avec une jauge raisonnable de personnes qui redonneraient au Champ de Mars mortifère une vie, mais surtout une âme ? Celle d’une foule enthousiaste, de professionnels au sommet de leur art et des chevaux revigorés des encouragements de son public. Il est bien dommage que la deuxième classique de la saison, qui réunit un plateau de partants de très haute facture, se déroulera dans un silence de cathédrale.

Quoi qu’il en soit, ce Barbé 2021 devrait être de belle facture, avec cette meute de chevaux qui voudraient faire tomber de son piédestal le grandissime favori Twist of Fate qui, espérons-le, sera monté par un jockey sobre et au mieux de ses moyens. Parce qu’en face, il y a des adversaires coriaces, surtout ceux de l’armada Rousset avec un Alyaasaat et un Patrol Officer en très bonne forme physique et qui feront parler la poudre en fin de parcours dimanche au Champ de Mars. Du beau spectacle en perspective, mais aussi une absence qui se fera bien ressentir, car le choix de sa monte aurait été une bonne indication. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », dit Lamartine. C’est bien le cas de l’écrire et de le crier sur tous les toits… sans œillères ni coton !

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