Un état fasciste

JOSIE LEBRASSE

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A quoi reconnaît-on un état fasciste ? à  la manière dont un pays est, non géré, mais dirigé. Gérer suggère un minimum de consensus, alors que le dirigisme porte les germes de l’autoritarisme. Et Maurice est, depuis les dernières élections, en train de présenter tous les traits d’un régime fasciste.

Il y d’abord ce nationalisme déguisé qui ne dit pas son nom sous la revendication d’un patriotisme exacerbé brandi devant tous ceux qui osent émettre une critique sur la gestion du pays. Dans le but inavoué de faire taire toutes les voix contraires. Steven Obeegadoo nous a sorti son petit couplet et ses leçons de patriotisme à l’Assemblée nationale mardi dernier.

Il a accusé une partie de l’opposition de tenir des propos antipatriotiques, commettant ainsi un crime de lèse-pays, comprenez de lèse-gouvernement et de lèse-MSM. Parce qu’ils sont les propriétaires de la République de Maurice. Ils se posent en gardiens exclusifs du temple. Et ils sont surtout les seuls à l’aimer et à lui vouloir du bien ! Non, mais quelles fadaises !

Qui ternit vraiment l’image du pays ? L’opposition ? La presse ? Les simples citoyens qui crient leur ras-le-bol ? Non, ce sont surtout les incompétents qui ont placé le pays sur la liste noire de l’Union européenne et qui sont obligés de voter une nouvelle loi chaque semaine pour faire « bon zenfan » aux yeux du Vieux continent. Lorsqu’on dégringole aux classements de l’indice de la corruption et de la liberté de la presse, à qui la faute ? Aux antipatriotiques ? Allons.

Au lieu de donner des cours de patriotisme à l’opposition, camp qu’il a longtemps squatté, Steven Obeegadoo aurait dû montrer un peu de coeur, le symbole qu’il a porté, à une époque, vis-à-vis des sans-logis laissés dans le froid tout l’hiver. Dans certains pays européens, il y a la trêve hivernale qui empêche non seulement les expulsions de locataires, même les mauvais payeurs, mais des lieux d’accueil sont aussi désignés pour accueillir ceux qui vivent dans la rue. Question d’avoir un lit où dormir et de quoi manger.

Ici, un enfant déjà très malade a dû dormir dans le froid nocturne de Pointe-aux-Sables. Le petit Mateo est parti vendredi. Qu’est-ce que cela aurait coûté à l’Etat que d’accompagner ce petit garçon, de mettre un peu de joie dans sa jeune et courte vie, surtout que les autorités ont reconnu, hier, dans un communiqué, qu’elles étaient parfaitement au courant qu’il était atteint de plusieurs pathologies ?

Elles savaient que le petit était très malade et elles l’ont laissé dormir sous une tente pendant 90 jours ? C’est ça le patriotisme, la Smart Mauritius, dont on se gargarise avec ces Rs 19 milliards de Safe City et ses caméras carcérales qui ne marchent pas, ces Rs 20 milliards du métro pendant que les radars essentiels pour la protection de nos zones côtières sont défectueux ?

Les Rs 5 milliards du stade de Côte d’Or, finalement rattrapées par la culture des champignons, alors même que la politique du logement social a été un cuisant échec ces cinq dernières années ? Tout cela rappelé, encore une fois, pour dire que le pays ne manque pas de moyens, mais de priorités sociales.

Lorsqu’un gouvernement ne peut rien entreprendre qui se ne décline en milliards, il y a des raisons de croire que ses dirigeants ont quelque chose de personnel à y gagner. Et c’est connu, la corruption est aussi une des caractéristiques des régimes fascistes.

Mais plus éloquent encore de cette dérive fasciste, c’est l’intolérance qui se manifeste à l’Assemblée nationale, détournée, pervertie pour que l’Etat MSM puisse asseoir sa domination, et c’est aussi l’utilisation faite de cette chose glauque et répugnante qu’est la MBC, comme jamais auparavant, en tant qu’instrument de propagande non d’un régime, mais d’une personne et de son clan.

La police est, comme dans tous les régimes fascistes, un outil essentiel pour terroriser les voix discordantes et ériger l’intimidation et le « dominère », ce mot morisien unique qui dit bien ce qu’il veut dire, en instrument de dissuasion de l’expression dissidente. Faire taire à tout prix.

Qui n’a pas été choqué de voir cette photo d’une gamine tenant une pancarte où est écrit : «Nou pa pou blie zot krim Wakashio = ekosid », verbalisée par un ventru de gabelou ? Comme si elle avait commis un grand crime. La pancarte est forte, mais elle ne visait personne en particulier. La démarche policière n’est pas innocente. Elle s’inscrit dans cette répression aveugle de tout ce qui s’apparente à la moindre critique contre le régime en place. C’est tout ce que les policiers payés des fonds publics ont à faire : intimider une mineure venue se joindre à ceux qui dénoncent la pollution des côtes du Sud-Est. La police de Khemraj Servansingh semble partie pour faire encore pire que celle de Mario Nobin.

Qu’elle n’ait pas eu le temps d’enquêter sur les affiches illégales, cela s’entend, c’est peut-être trop trivial pour mobiliser les troupes de l’ordre et de la sécurité. Même si, dans un état de droit digne de ce nom, il n’y a pas de délit qui soit mineur ou grave, une infraction à la loi étant une infraction à la loi. Mais ce que la police a étalé comme bras exécutant d’un état fasciste, vendredi, est vraiment effrayant.

Deux ministres avaient été sommés à comparaître après un procès privé entré par un citoyen. Une procédure judiciaire comme une autre. Sauf que des partisans du MSM avaient appelé à se mobiliser devant le tribunal de Mahébourg en soutien, surtout, à Sudheer Maudhoo. Cela n’a apparemment pas alerté la police quant au potentiel d’affrontement que cela pouvait générer.

Ils se sont présentés en bandes organisées, en effectifs qui excèdent ce qui est autorisé par la loi, ont crié « Pas tous nou Sudheer », ont même pu entrer, foulard orange au cou, à l’intérieur de la salle d’audience, tandis que les journalistes étaient refoulés par les policiers qui prétextaient la nécessité de la distance sociale. Même réflexe anti-presse comme à l’Hôtel du gouvernement et à Blue Bay.

Cette déferlante de personnes venues d’ailleurs est apparue comme une provocation par les habitants de Mahébourg qui, en l’absence de toute réaction de la police devant une manifestation illégale, ont commencé à donner de la voix, prenant à partie et les manifestants pro-MSM et les ministres qui comparaissaient.

Et hier, au lieu d’interpeller ceux qui sont à l’origine des incidents, les manifestants illégaux, la police est allée, au petit matin, cueillir deux plaisanciers. Le deux poids deux mesures propre aux régimes fascistes.

Et lorsqu’on entend ce Police Press Officer du nom de Shiva Coothen venir dire qu’il n’y avait pas que des gens du MSM sur place, on se dit qu’on fait un cauchemar. Depuis quand des fonctionnaires payés par des contribuables de toutes les couleurs politiques s’arrogent-ils le droit d’émettre des observations partisanes ? Où allons-nous ?

Et désormais, lorsqu’on se retrouve bien dépourvu, on invoque même Dieu. Dieu, la famille et la patrie. Le triptyque du parfait fasciste quoi. Mais qui sème la provocation, récolte la révolution !

 

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