Un pas en avant…

Oui, il fallait rouvrir les frontières parce que le coût devenait insoutenable et parce que, de l’aveu même du Premier ministre, le pays “est à genoux”. Mais depuis le temps que l’on est censé se préparer, cette grande étape aurait dû se passer sans aucune anicroche. Or, les services aéroportuaires ont vite été débordés le vendredi 1er octobre avec de longues files d’attente et des comptoirs pour la moitié fermés, ce qui a fait perdre patience aux Mauriciens qui pouvaient enfin rentrer chez eux et aux étrangers qui croyaient obtenir un service impeccable dans l’El Dorado promis du Mauritius Now. Même le tam-tam organisé avec la forte présence des ronds de cuir venus se faire voir en Zorro de pacotille n’a pas tempéré l’exaspération très palpable notée ce jour-là. Espérons que le nécessaire sera rapidement fait pour éviter de tels désagréments à l’aéroport. Il y va de l’image du pays.
C’est comme çà depuis le début de la pandémie. Avec la stratégie d’un pas en avant et de deux en arrière. Les Mauriciens peuvent ainsi se rendre dans les supermarchés bondés tous les jours, acheter leur pain ou leurs journaux, se croiser au milieu d’étroits rayons sans devoir présenter leur carte de vaccination. Et si ça se trouve, ces mêmes personnes vont sauter dans le premier autobus qui passe et s’asseoir aux côtés de nombreux passagers avant de rentrer chez eux. Avec ce que cela suppose de risques  de contamination. Mais là, subitement, de nouvelles conditions sont imposées pour aller au cinéma ou au restaurant. Celles du pass vaccinal. Et faudra apparemment marcher avec sa carte papier pour avoir accès à ces lieux, parce que le QR Code annoncé en grande pompe, comme si c’était une invention mauricienne, délivre de fausses informations sur le statut vaccinal des citoyens, les uns se voyant refuser le code et les autres, recevant des données incomplètes sur le nombre de doses reçues.

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Qu’est-ce qui a changé depuis la réouverture des restaurants depuis le 1er juillet pour que les conditions soient revues. Est-ce qu’il y a eu de nombreux cas de contamination dans les restaurants? Est-ce qu’il y a eu des morts après leur infection dans un lieu public alors même que le contact tracing a pratiquement disparu et que les tests ne sont désormais effectués que sur des patients présentant des symptômes sérieux du virus ? Il faut expliquer ce changement de régime. Et si c’est une nouvelle trouvaille pour forcer les derniers récalcitrants à se faire inoculer, c’est malhonnête. Est-ce qu’il y a un programme pour ceux qui ont finalement changé d’avis et qui veulent se faire vacciner ? On parle de troisième dose pour ceux qui ont reçu des vaccins qui ne sont pas reconnus dans plusieurs parties du monde, mais quid des nouveaux convertis à la piqûre? Où peuvent-ils aller pour obtenir un vaccin mondialement reconnu?

Le contribuable mauricien qui, à chaque fois qu’il fait le plein de carburant, verse des centaines de roupies pour l’achat des vaccins, a parfaitement le droit de savoir pourquoi on lui impose le produit d’un fabricant et d’un pays plutôt qu’un autre. Pourquoi n’avons-nous pas reçu des vaccins Moderna et suffisamment de doses de Pfizer et avoir de quoi satisfaire ceux qui, pour diverses raisons, préfèrent l’ARN Messager plutôt que les versions d’adénovirus à protéine combinatoire ? Il faut venir dire les choses telles qu’elles sont et, si le gouvernement ne peut pas s’en procurer, qu’il libéralise le marché du vaccin. Si chaque importateur agréé réussit à obtenir 1 000 vaccins, ce sera autant de personnes inoculées avec des doses de leur choix. Au lieu de procéder par “règlements consolidés”, la nouvelle version de décisions arbitraires, il vaut mieux donner le choix aux Mauriciens qui ne veulent ni du Sinopharm ni du Spoutnik.
Un pas en avant et deux en arrière, c’est aussi ce qui illustre la saga des pilotes d’Air Mauritius. Parce que les avions qu’ils pilotaient ont été bradés ou qu’ils ne sont plus en service, un certain nombre de pilotes avait été mis en congé sans solde pour cinq ans. Ce qui a poussé certains d’entre eux à se tourner vers des activités improbables qui n’avaient rien à voir avec leur champ de compétences. Il a fallu qu’ils étalent leur griefs dans la presse, que le grand public apprenne qu’il va financer à hauteur de Rs 9 milliards le plan de sauvetage de MK et que les honoraires des administrateurs qui ont décidé de leur congé sans solde se sont chiffrés à Rs 47 millions plus une autre centaine de millions et que c’est un nominé politique, un de leurs anciens collègues se trouvant bien plus bas dans la hiérarchie, qui va devenir le directeur de quatre compagnies, que tout cela soit révélé et provoque un scandale pour que le Premier ministre se manifeste.
Et tel ce “zot meme asté zot mem vande” de triste mémoire que fut la transaction MedPoint, c’est cette fois “zot meme fane zot mem ramase”. Les avions que pilotaient les commandants de bord ne sont, certes, pas revenus, mais une solution tellement évidente et qui aurait pu nous faire l’économie de tout ce malheureux ramdam a finalement été trouvée : les pilotes sont réintégrés à compter du 1er novembre et ils pourront se former au pilotage des avions qui sont actuellement mis en service par la compagnie nationale.
Il fallait bien trouver une parade avant la grande annonce, celle de la nomination d’un membre de la famille, encore un, à la présidence d’Air Mauritius. Parce que cela aurait fait beaucoup en termes de népotisme, n’en déplaise à ceux qui justifient cette dérive propre aux dictatures sous le fallacieux prétexte que d’autres avant en ont fait autant. Et, bien entendu, ces pilotes, soulagés après leur rencontre avec le Premier ministre, se sont perdus dans des remerciements emphatiques. Cela ne fait que confirmer à quel point notre système d’éducation fabrique des esprits formatés, voire dociles prêts à s’écraser, même lorsqu’ils remportent, et partiellement avec ça, un bien légitime combat.

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