Une leçon de vie

Le championnat national de cross-country, à un moment hypothéqué par la pandémie de COVID-19, a connu son dénouement samedi dernier à colline Candos, Quatre Bornes. Nombreux sont-ils d’ailleurs, à s’être distingués, après une très longue période de confinement qui aura certainement laissé des traces sur l’organisme.

- Publicité -

Sans diminuer le mérite des différents vainqueurs, on retiendra entre autres, la victoire de Pritiviraj Jhugursing chez les seniors hommes et surtout celle d’Antoinette Milazar, chez les dames. A 46 ans, la Rodriguaise s’est permis de dominer, une fois encore, ses adversaires, comme l’année dernière. Certes, courue sur un parcours réduit, sa performance mérite tout de même d’être mise en lumière. Et ce, pour de nombreuses raisons et à un moment surtout où le sport local tourne au ralenti.

Antoinette Milazar ne possède pas de record national. Mais son abnégation, sa motivation et sa détermination, à son âge surtout, devraient en inspirer plus d’un. Mère de deux enfants, elle n’a certainement pas fini de nous surprendre. Elle qui, précisons-le aussi, a été médaillée d’or au semi-marathon aux Jeux des Iles de 2015 à La Réunion, avant d’être ensuite médaillée d’argent au 10 000m lors des Jeux de l’année dernière à Maurice.

Au-delà de ses valeurs intrinsèques, Antoinette Milazar étonne surtout par sa grande simplicité, élément incontournable de la culture rodriguaise. C’est un peu tout cela qui fait que son nom sera étroitement lié à cette discipline et pour très longtemps encore. C’est justement aussi cette belle leçon de vie, symbolisée par une sportive hors-pair, qui fait la beauté du sport par ces temps difficiles.

Dans le fond, cette performance d’Antoinette Milazar devrait appeler à une profonde réflexion, notamment pour ce qui est de la condition de l’athlète rodriguais. Qualifié de pépinière et indistinctement par toute la classe dirigeante locale, le moment est donc propice pour questionner la considération qui est accordée à Rodrigues. Combien sont-ils à soutenir réellement et sincèrement nos frères et soeurs rodriguais ?

Même le Comité olympique mauricien, présidé par Philippe Hao Thyn Voon, avait imposé son veto contre la création d’un Comité régional olympique et sportif en 2014. Une démarche somme toute légitime et dont le but était de se battre pour avoir davantage de moyens pour soutenir le développement du sport dans l’île. Malheureusement, le projet a été tué dans l’oeuf, sans compter les commentaires désobligeants de l’époque qui avaient offensé le peuple rodriguais, dont l’ancien commissaire aux Sports, feu Ismaël Valimamode.

Aussi, faudrait-il savoir si les Rodriguais — éloignés géographiquement de Maurice — auront la chance de profiter pleinement de l’Athlete Assistant Scheme pour atteindre l’excellence comme le veut le gouvernement ? Ou seront-ils tout simplement les oubliés de la République, même si Rodrigues est considéré autonome.

Au niveau fédéral, l’Association mauricienne d’Athlétisme demeure l’une des rares fédérations à pouvoir offrir à son comité régional et aux athlètes l’opportunité de rêver. Ce qui n’est malheureusement pas le cas pour d’autres, alors que le modèle Milazar est venu, une fois encore, prouver une chose fondamentale: On peut réaliser de belles choses avec très peu de moyens et on pourrait même faire des merveilles avec des facilités considérables.

Sauf que pour être tous capables d’en faire autant, il importe que les attitudes et les comportements changent. Il faudra aussi que les dirigeants sportifs se montrent déterminés et fassent surtout preuve de beaucoup de bonne volonté. Ce qui n’a jusqu’ici malheureusement pas été le cas pour une bonne majorité de fédérations et ça, c’est dommage.

Car désormais, l’intérêt des athlètes passe au second plan. Les opportunistes se bousculant, eux, au portillon, le sport étant désormais devenu, plus que jamais, une vache à lait. On se dit bénévole, mais dans le fond, on a, malheureusement, d’autres priorités qui sont diamétralement opposée aux vraies valeurs qui sont censées symboliser le sport.

Les fédérations sont-elles prêtes à changer cette façon de voir les choses ? Le ministère des Sports et le COM sont-ils prêts à unir leurs forces, afin de reconnaître, pour une fois, la capacité et le potentiel de Rodrigues ? Ou encore, le gouvernement est-il déterminé à arrêter de gaspiller l’argent du contribuable dans des fédérations passoires pour le mettre à la disposition d’une valeur sûre qu’est le sport rodriguais ? Si tel n’est pas le cas, alors que l’on arrête d’être hypocrite et de vanter Rodrigues comme pépinière de la République de Maurice !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour