AS ONE PEOPLE, AS ONE NATION… (3) – Marée noire : autres solutions à envisager

PAUL REVEIL

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Etudiant (en France) en mécanique

et sciences de la Terre

PAUL REVEIL

Au niveau des mangroves, il serait favorable d’analyser :

i) Le pourcentage de diesel et de pétrole brut qui a franchi la zone côtière. Si le volume de diesel est supérieur à celui du pétrole brut sur nos terres, la mangrove a plus de chances d’être affectée et de mourir par suffocation ou par les toxines intériorisées, mais si c’est l’inverse, le pétrole pénétrera davantage dans les sédiments et aura de fortes chances de perpétuer.

ii) L’état du sol (dur, poreux…) et la topographie sur lesquels les mangroves sont situées pour identifier la présence de risbermes (1), de bassins ou de fleuves présents, car ils peuvent augmenter la concentration d’huile dans le substrat. (voir Figure 2)

iii) La densité des mangliers. Si celle-ci est trop élevée, aucun nettoyage manuel ne doit être fait à l’intérieur de la forêt de mangroves, car la région est impénétrable, le risque de piétiner les pneumatophores est élevé et les pas posés sur les sédiments peuvent davantage enfoncer l’huile dans le substrat. Le nettoyage manuel peut éventuellement se faire au cas contraire, ou seulement au niveau du talus pour limiter la contamination sédimentaire.

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Figure 2: schéma illustrant les différents impacts sur la persistance de l’huile dans le substrat, sur les mangroves dépendant de la topographie.

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Mais bonne nouvelle ! Les processus naturels de l’érosion — par le vent, les vagues, la pluie… – ont de fortes chances de faire évacuer le fioul de la région de mangroves, car ils participeront à la dégradation du liquide, réduisant la concentration de toxines présentes. De plus, l’île Maurice étant une île tropicale – bien qu’il ne fasse pas très chaud –, favorise l’altération du pétrole, mais ce n’est pas le cas des environnements anaérobies. Au tout début de la marée noire, les risbermes peuvent être utiles temporairement en atténuant les courants marins, diminuant ainsi la vitesse que le pétrole atteint les mangliers. En outre, des absorbants/adsorbants peuvent être posés méticuleusement sur les emplacements huilés, mais ils doivent être enlevés une fois saturés. Une pompe à vide (vacuum pump) peut aussi être utilisée en dehors des espaces végétatifs pour enlever les accumulations d’huile lourde dans le substrat. Cette technique marche très bien pour enlever le fioul lourd échoué dans le sable, mais n’est cependant pas appropriée pour le diesel ou une autre huile inflammable plus légère. En outre, créer une inondation à basse pression avec l’eau de mer à température ambiante peut laver le fluide fortement visqueux des sédiments et des mangliers à condition de n’avoir aucune perturbation physique signifiante aux racines et au sol – cette technique doit prendre en considération le courant des vagues (engendrer le flux d’eau lorsque les vagues s’écrasent pour plus d’intensité) et le vent (prendre en compte la direction du vent; celui-ci ne doit pas se diriger vers les côtes). D’autres techniques ont été expérimentées comme l’utilisation du COREXIT 9500 – mais qui n’est valable que si la marée noire date d’une semaine – ou de la bioremédiation, mais pas assez de recherches ont été faites dans ce domaine pour certifier sa rentabilité. Chaque technique doit être surveillée continuellement.

À ne surtout pas couper ou brûler les racines des mangliers; ceci signera la destruction de toute une biodiversité et contribuera à une intense érosion. De même que les techniques comme le nettoyage mécanique, l’inondation sous haute pression et avec de l’eau chaude, ou l’explosion du sable huilé (2).

Solutions économiques

La hiérarchisation des responsabilités doit être faite; que non seulement les armateurs (3), mais aussi les industries pétrolières, les responsables politiques, économiques et environnementales assument pleinement leurs responsabilités à l’égard de cette catastrophe en prenant en charge les frais financiers issus de la restauration des milieux naturels, de l’élimination des déchets, de la mise en place d’une veille sanitaire des personnes ayant eu des contacts avec le fioul lourd no 2, du manque à gagner pour toute l’économie locale et du pompage du fioul de l’épave.

Concernant, les pêcheurs de la région affectée, certes, ils ne peuvent plus exercer leur métier dans ces conditions environnementales. Cependant, ils sont toujours des piliers sur lesquels notre société repose et leurs équipements – mécaniques ou manuels –, leurs types de bateau et leur connaissance de la zone maritime et côtière nous permettront de croiser nos savoirs et de gagner un temps précieux. En premier lieu, les pêcheurs peuvent aider en fabriquant des outils issus de leurs propres équipements – par exemple, leurs filets peuvent être renforcés pour récolter les débris flottants et du liquide visqueux – ou se servir de leur bateau pour apporter un support logistique dans la transportation des équipements ou des déchets si besoin. En deuxième lieu, ils nous porteront une aide non-négligeable en participant à la reconstruction de la biodiversité en nettoyant les animaux exposés à l’huile, analysant l’état des lieux (le type de polluant et d’animaux doivent être notés, leur apparence, leurs comportements – flottabilité, odeur… – et leur nombre – et participant ainsi à une recherche statistique sur les conséquences de la marée noire. En troisième lieu, une corrélation de leurs connaissances, leurs expériences, et leurs avis, doit être faite avec les départements, comme la protection civile, et les responsables, politiques, économiques et sociaux afin qu’une négociation juste, dans une écoute attentive, soit faite pour améliorer leur situation actuelle. Quatrièmement, les pêcheurs peuvent participer à la réflexion et à la mise en place ultérieure d’une société mauricienne plus résiliente, durable et équitable, particulièrement dans le domaine de l’énergétique et de l’environnement, car je le répète, leurs connaissances du territoire maritime et côtier nous sont précieuses. En outre, au cas où s’il y a une seconde vague de marée noire, les pêcheurs, les gardes côtiers, ainsi que tout personnel privé et public travaillant dans le milieu maritime et dans la gestion de déchets pétroliers, doivent être formés solidement sur le plan théorique (savoir l’étendue du danger des polluants, sa vitesse de propagation et les techniques à mettre en place avec le matériel en main) et pratique (en fournissant plus de moyens pour déployer leurs compétences). En France par exemple, chaque année dans chaque territoire maritime (Mer Méditerranée, océan Atlantique, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, océan Indien, les Caraïbes,…) est organisée une intervention pratique en cas d’une marée noire. Nous devons nous entraîner et être prêts pour de telles catastrophes.  Dernièrement, les pêcheurs, s’ils le veulent, peuvent être appelés à témoigner de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ont vécu, particulièrement lors de cette marée noire, dans les écoles, offrant ainsi un enseignement humain qui construira davantage les plus jeunes.

Solutions sociales

1. L’éducation

Sachant que l’île Maurice consomme 378 MWh d’électricité/jour dont 22% viennent des énergies renouvelables et 78% du pétrole et du charbon importé (4), les questions énergétiques et environnementales deviennent cruciales. L’éducation, particulièrement dans ce domaine, doit être promue afin de semer l’ambition de lutter et d’innover sur des solutions durables et résilientes en vue de rendre l’île Maurice énergétiquement indépendante. Les recherches et les formations d’expertise doivent être financées sur le plan national afin que soit déployée une connaissance aiguisée sur nos ressources naturelles pour favoriser une société plus écologique et plus humaine. Un exemple peut être l’exploitation de l’énergie géothermale ou l’utilisation des routes en latérites. D’autres questions d’améliorations sont étroitement liées comme l’assainissement des eaux, de la qualité de l’air et de la terre.

2.  La solidarité

L’élan de solidarité intergénérationnelle et interculturelle est impressionnant ! Tant de personnes se sont mobilisées pour construire ces oil booms avec de la paille de canne à sucre; de même que les autres services proposés; ateliers de coiffure, ravitaillement en eau et en nourriture pour les volontaires et pour les experts, facilité de transport, divulgation des images du terrain par les médias, et bien d’autres qui échappent à ma connaissance. Je remercie tous ceux qui luttent corps et âme pour diminuer les risques de la marée noire; vous êtes chacun d’entre vous des petits héros et vous pouvez être fiers de dire: « J’étais présent et j’ai aidé ! »

La charité se donne sans compter, alors faites de même; ne rendez pas un service pour vous vanter ou pour une quelconque récompense. Donnez-vous sans compter. Alors, vous serez les gardiens de vos âmes et un avant-goût de votre récompense pourra déjà se voir sur terre en voyant tout ce que vous aurez fait, en voyant l’eau cristalline de notre île rejaillir, en voyant les visages souriants autour de vous, en voyant l’amour que vous porterez les uns pour les autres.

Courage ! Mes pensées et mes prières vous accompagnent.

NOTES

(1) Plate-forme réalisée au milieu d’un talus de grande hauteur

(2) Oil spills in mangroves, planning and response considerations, by National Oceanic and Atmospheric Administration, National Ocean Service, Office of Response and Restoration, September 2014, Chap. 3.

(3) Personne qui exploite à ses frais un ou plusieurs navires marchands ou de pêche, ce qui lui confère des responsabilités particulières

(4) https://www.carnegiece.com/project/mauritian-wave-microgrid-design-project/

Figure 2 : schéma illustrant les différents impacts sur la persistance de l’huile dans le substrat, sur les mangroves dépendant de la topographie
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