Budget 2025-2026 : entre défis humains et stratégie de talents, le grand enjeu de la main-d’œuvre mauricienne

Introduction

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Govindah Chinapiel, expert en resources humaines

et Managing Director chez VALDUS

Le budget 2025-2026 marque un tournant important pour l’économie mauricienne, en particulier dans la gestion de son capital humain. Au-delà des chiffres et des mesures fiscales, ce sont les implications sociales et humaines qui détermineront en grande partie la réussite ou l’échec des ambitions gouvernementales. Entre tensions à court terme et espoirs à moyen terme, Maurice doit gérer une période délicate d’ajustement et préparer une nouvelle ère de développement des compétences.

1. 2025-2027 : la gestion du changement, un défi humain majeur

L’application des nouvelles mesures fiscales, comme la « Fair Share Contribution », impacte directement les cadres et les hauts revenus. Cette pression fiscale accrue risque de créer un climat d’incertitude et de démotivation parmi les profils clés. Dans un contexte où la guerre des talents est déjà une réalité, ce choc fiscal peut dégrader l’attractivité du marché local.

Par ailleurs, la réforme des retraites, en repoussant l’âge effectif de départ, soulève des inquiétudes tant du côté des jeunes actifs que des seniors. Cette réforme est susceptible d’intensifier les tensions intergénérationnelles dans les entreprises, avec un risque de blocage de l’embauche des jeunes, et une fatigue prolongée des seniors. Les directions des ressources humaines doivent s’imposer comme des acteurs clés pour gérer cette transition par la mise en place de stratégies intergénérationnelles adaptées : mentorat, formation continue, adaptation ergonomique du travail.

Face à ces défis, certaines entreprises pourraient être tentées de geler leurs embauches, un réflexe qui pourrait ralentir la dynamique économique et aggraver la pénurie de compétences. Une posture proactive et agile est donc indispensable, avec un focus sur l’investissement dans les talents et la formation.

2. 2028-2030 : une ère de développement des talents et de guerre pour les compétences

Si la période initiale de 2025-2027 est celle de la gestion des tensions, l’horizon 2028-2030 doit être celui du renforcement et de l’attraction des talents.

Les secteurs stratégiques identifiés dans le budget — technologie, finance verte, services à haute valeur ajoutée — nécessitent une main-d’œuvre hautement qualifiée, rare et très sollicitée sur le marché régional et mondial. La compétition pour ces compétences sera intense.

Les entreprises devront combiner une stratégie de recrutement local, avec une détection et un accompagnement précoce des jeunes talents, et une politique internationale ambitieuse pour attirer les profils expérimentés. Cependant, la contradiction actuelle entre une fiscalité plus lourde et un discours d’attractivité internationale constitue un frein important.

La montée en puissance des compétences internes, par le reskilling et l’upskilling, sera un autre levier incontournable. Le budget consacre un fonds conséquent à la formation, mais la réussite dépendra de la capacité des entreprises à intégrer ces dispositifs dans leur fonctionnement quotidien, et à valoriser la montée en compétences comme un moteur de carrière.

Enfin, la fidélisation des talents passe aussi par une transformation culturelle : management plus humain, transparence, flexibilité, et sens du travail. Les nouvelles générations ne se contentent plus d’un salaire, elles cherchent un engagement authentique.

3. Les risques humains critiques

Trois risques majeurs menacent la réussite de cette stratégie :

– Le risque d’exécution : La complexité administrative et la multiplicité des acteurs peuvent ralentir ou diluer les réformes. La simplification des procédures, la mise en œuvre rapide des programmes de formation, et la coordination entre ministères et partenaires sont essentielles pour éviter ce piège.

– Le risque social et intergénérationnel : Sans une gestion RH fine et proactive, les tensions entre générations et catégories socio-professionnelles pourraient s’envenimer, menant à un climat social dégradé, une démotivation collective et une perte de productivité.

– Le risque d’incohérence stratégique : Le mélange d’incitations à l’immigration qualifiée et d’une fiscalité croissante sur les hauts revenus brouille l’image de Maurice comme destination de talents. Ce flou peut détourner les profils internationaux les plus convoités.

4. Recommandations stratégiques

Pour les entreprises :

– Réinventer la rémunération globale : Aller au-delà du salaire nominal en intégrant des avantages, de la flexibilité, des plans d’intéressement ou d’options.

– Instaurer une gestion intergénérationnelle : Valoriser les seniors par le mentorat et l’expertise, et accompagner les jeunes avec des programmes dédiés.

– Devenir des organisations apprenantes : Miser sur la formation continue, en partenariat avec les institutions, pour répondre aux besoins en compétences.

– Adopter une stratégie de recrutement agile : Double approche locale et internationale, avec un marketing employeur fort.

Pour les décideurs politiques :

– Créer un Observatoire des Compétences : Suivi en temps réel des besoins du marché, avec transparence.

– Accompagner la réforme des retraites : Campagnes d’information et mesures incitatives pour les entreprises.

– Clarifier la politique d’attractivité : Offrir des incitations ciblées aux talents étrangers, simplifier les permis de travail, harmoniser la communication.

Conclusion

Le capital humain est la clé de la réussite économique de Maurice. Le budget 2025-2026 ouvre une phase délicate mais pleine d’opportunités. La capacité collective — entreprises, gouvernement, société civile — à piloter la transition humaine avec pragmatisme et ambition conditionnera le futur du pays.

Entre rigueur budgétaire et attractivité, Maurice doit réussir l’exploit d’un exercice d’équilibriste, en faisant du capital humain non pas une charge, mais un actif stratégique.

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