Ce maître d’école qui commandait le respect

Une journée scolaire débute toujours par l’assemblée du matin. Il s’agit d’une opportunité

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MOONSAMY SUNASSEE

pour le maître d’école de s’adresser aux enfants pour leur donner les directives, les enseignements ainsi que toutes les instructions nécessaires afin de les guider dans la bonne voie. C’est une occasion aussi pour mettre l’accent sur la discipline de l’école. Je me rappelle encore mon maître d’école, qui trouvait toujours des sujets forts intéressants pour être en mesure de capter l’attention de l’assemblée. Il était vraiment imposant et commandait le respect. De là où il se tenait, devant l’assemblée, il avait le contrôle total sur tous les élèves. Un regard suffisait pour prévenir la moindre incartade. Que de souvenirs !

Souvent, il s’adressait aux enfants ainsi : « Mes enfants, sachez que vous venez à l’école pas seulement pour apprendre à lire, à écrire et à compter, mais aussi pour apprendre… » Ensuite, il s’arrêtait par exprès et demandait aux élèves de compléter la phrase. Ces derniers, tous ensemble d’une même voix, entonnaient « de bonnes manières », comme le maître leur avait toujours enseigné et comme il voulait bien l’entendre de la bouche des enfants.

Au maître d’école à ce moment-là de renchérir : « Oui les enfants, vous avez raison. En effet, vous venez à l’école pour apprendre par-dessus tout les bonnes manières. Apprendre à être honnête, à être sincère. Par exemple, à ne pas prendre des choses qui ne vous appartiennent pas. » Il disait souvent : « Si jamais vous ramassez en classe un objet qui ne vous appartient pas, que ce soit une gomme ou un crayon ou même de l’argent, ne le prenez jamais pour vous. Allez le remettre à votre professeur, qui fera le nécessaire pour remettre l’objet à son propriétaire. »

Et il poursuit dans la même foulée : « Si vous ramassez quelque chose qui ne vous appartient pas dans la cour, pendant la récréation, veuillez le remettre au bureau. Moi, à mon tour, je ferai le nécessaire pour remettre l’objet à son propriétaire. »  En effet, tous les jours pendant la récréation, des objets, y compris de l’argent, ramassés dans la cour sont montrés aux enfants. À ces derniers de venir prendre possession de leurs biens. Très souvent, certains, ayant remarqué avoir perdu un objet quelconque, passent au bureau pour le récupérer.

Ainsi, le maître d’école, avec l’aide de ses adjoints, se donnait la peine pour nous inculquer de bonnes habitudes.

L’assemblée du matin était un moment privilégié pour enseigner aux enfants les valeurs essentielles de la vie : comment grandir dans la bonne voie; comment devenir un bon citoyen; apprendre à respecter et à aimer son prochain et avoir de la compassion pour les autres. Tout y était pour la construction d’une vraie nation. Le maître passait beaucoup de temps à nous enseigner la politesse, la gentillesse y compris l’art de vivre. « L’homme sans patience est comme une lampe sans huile. Ne fais pas à d’autres ce que tu ne veux pas que l’on te fasse », disait-il. Il avait une vision de la société et se faisait un devoir de nous l’exposer, à sa manière; mais encore enfants, nous ne comprenions pas.

À cette époque, nous ne prêtions pas attention à cela.  Maintenant, avec l’âge, on comprend qu’en fin de compte, il rêvait d’une société plus juste, plus égalitaire, dépourvue de toute haine et d’injustice, où chaque être humain se respecte. C’est ce message qu’il voulait nous transmettre. Enfants, nous jouions ensemble pendant la récré, sans distinction de races, de couleurs, de communautés ou de religions. Il n’y avait absolument aucune barrière. Nous suivions les bons conseils de notre maître d’école. Les enfants faisaient tous les jours part de leurs doléances, mais notre chef d’établissement nous enseignait le pardon et la compréhension. « Vous êtes tous amis. N’ayez aucune rancune les uns envers les autres et ne vous querellez pas », disait-il. Vraiment, il détestait que les enfants se battent et s’entre-déchirent.

Maintenant en tant qu’adulte, je parviens malheureusement à constater combien on est loin de cette société idéale dont rêvait mon maître d’école. C’était son rôle de nous inculquer les valeurs dont on avait besoin pour la construction d’une société plus juste. Il ne faisait que son devoir.

Aujourd’hui, le maître n’est plus. Et s’il était là, il aurait été témoin d’une société en perte de vitesse, où les valeurs, l’amour et la compassion sont relégués au second plan. Une société fondée sur le matérialisme, où l’argent est maître et où la moralité n’a plus sa place. Une société avec un semblant d’unité nationale mais au sein de laquelle le communalisme et l’individualisme règnent en maître. La dégradation est palpable. S’il était là ? Qu’aurait-il pensé ? Sûrement à un sursaut, un sursaut moral afin que son rêve se réalise. Osons espérer. Attendons voir, mais entre-temps que son âme repose en paix.

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