L’Austérité budgétaire pour réduire la dette publique ! À quel prix ?

DR LUTCHMAYAH APPANAH
Avocat /Docteur en droit,― Paris― Sorbonne/Sceaux
DESS – Diplôme d’études supérieures en économie internationale à l’institut d’Études des Relations internationales de Paris

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DR VASANT BUNWAREE
Cardiologue, ex-ministre des Finances et de l’Éducation

 

 

A. Exposé de faits économiques
– le torchon brûle

Pour le Budget 2019-2020, le Fonds monétaire international (FMI) plaide en faveur de l’Austerité Budgétaire alors que la dette publique a atteint presque 70%, voire davantage avec 325 à 350 milliards de roupies constantes de son Produit intérieur brut (PIB) actuel.

En outre, le FMI propose une forme d’austérité pour renforcer la résilience économique et financière (Consultations, Article IV FMI) afin de pouvoir réduire la dette publique. Est-ce possible ?

B. Tour de magie

Avec des investissements financiers lourds de presque 20 milliards de roupies, sinon plus, au fil du temps dans le Metro Express et le renouvellement de la flotte d’Air Mauritius, comment faire pour redresser la barre ? Un vrai casse-tête.

Pour ne pas dépasser les 60% du PIB actuel comme dette conformément au traité de Maastricht, le  gouvernement demande un report de deux ans, ce qui me paraît très douteux et très difficile à atteindre, voire impossible au rythme de 3 à 4 % de taux de croissance ces trois dernières années du gouvernement Lepep.

La largesse financière irréfléchie que le gouvernement Lepep a effectuée ces dernières années est une preuve de manque de rigueur budgétaire; et entre-temps pour trouver des recettes supplémentaires, le FMI exige une majoration des droits d’assises (Excise Duties) sur les boissons alcoolisées et la cigarette qui sont déjà élevés et étouffants, une imposition de péage (Toll Taxes) surtout sur de nouvelles routes avec l’exécution du Road Decongestion Programme.

Cette majoration risque de pousser la société mauricienne vers une situation explosive. Pire encore avec l’introduction de Property Taxes et autres, l’incitation à consommer va diminuer et en conséquence les recettes vont prendre un coup.

Ajoutons à ceci les chiffres mitigés du tourisme, la fermeture continue des gros opérateurs du textile par manque de compétitivité et la chute libre du secteur sucre affectant radicalement la croissance; comment inverser cette tendance? Pire, la politique keynésienne de relance par la consommation ne décolle plus. La situation économique est alarmante.

C. Comment est-on arrivé
à ce point alarmant ?

Depuis plus de 30 années, l’île Maurice roule la pièce de la prospérité grâce en grande partie aux systèmes  généralisés et spécifiques de préférences (Protocole Sucre / Accords Multifibres etc).

Avec la mondialisation et ses pleins fouets, suivie d’arrivée à terme définitive de ces préférences, tous les États se trouvent sur un pied d’égalité alors que les pays en développement, y compris les îles, se trouvent dans une situation dangereusement inégalitaire, d’où les cris incessants de pays du Tiers-Monde pour un nouvel ordre économique international sont tombés impitoyablement dans l’oubli.
Qu’est-ce que Maurice aurait dû faire depuis longtemps ?

D. Comment y remédier et où se trouvent les solutions
envisageables ?

La FAILLITE des politiques est claire. Pour citer un seul exemple parmi d’autres, était-il si important et indispensable d’investir si lourdement dans le Metro Express, surtout de par des emprunts étrangers.

Pourquoi investir dans les infrastructures routières où la rentabilité, voire l’amortissement sur cet investissement lourd, sera très lente même à long terme sur un trajet court ou peut-être nulle si l’on prend sérieusement en considération les services et les intérêts à verser sur cette somme ?

Dans une petite île comme Maurice, on n’a aucunement compris ce qu’est la politique keynésienne de relance par la consommation. D’ailleurs, le gros investissement keynésien se fait dans des pays en pleine crise pour booster l’économie mais l’île Maurice n’est pas en pleine crise. Ceci dit, cet investissement est celui du « Tonneau des Danaïdes », qui se rapporte à « remplir sans fin un tonneau troué », et ceci s’applique aussi aux dépenses outrancières d’un État. Un État dépensier.

Beaucoup d’économistes, même mauriciens, vont dans ce sens. Et maintenant mon Dieu, à quand la reprise ? Dans le contexte mauricien, pour qu’il y ait une reprise, voire une augmentation palpable de la croissance, il fallait depuis longtemps investir et miser sur des ressources renouvelables, exploiter en amont et en aval les ressources biologiques, minérales et hydrocarbures de notre océan qui fait de notre océan ‘une mère nourricière illimitée’, exploiter notre agriculture de la même manière pour réduire de manière significative le déficit structurel de notre balance commerciale, de chercher de nouveaux  marchés de textile et de se poser comme question comment rendre plus attractive et compétitive notre industrie de textile et se concentrer sur d’autres secteurs pourvoyeurs d’emplois productifs.

L’État interventionniste et patron doivent jouer pleinement le jeu en investissant là où il faut mais non sur des projets à dimension électoraliste.

En guise de conclusion

On a beau parler de la Grèce, du Portugal dans ses crises mais les Mauriciens doivent apprendre que dans les pays de l’Union européenne (UE) le risque d’une faillite de l’État est INEXISTANT, et celui d’une poussée inflationniste induite par la volonté de réduire le poids de la dette est très faible du fait de l’indépendance de la Banque centrale européenne.

La solidarité européenne fait tout pour sauver et mettre sur les rails les pays membres de la communauté européenne en cas de crise persistante. Le cas de la Grèce et du Portugal est parlant.

Mais le cas de Maurice est tout autre. L’île Maurice est un pays en développement. Elle est isolée et sa dette publique est une dette à rembourser. Il s’agit d’un Debt Overhang qui va peser lourd pour des générations à venir.

Ceci dit, la marge de manœuvre budgétaire est limitée.

Une des solutions, c’est de nouveau financer les dépenses publiques par l’endettement et ceci équivaut à un financement par des impôts plus élevés – ce qui freinerait la consommation et l’activité, et son impact sur la croissance sera moindre, voire nulle alors qu’on doit avoir au moins un taux de croissance de 6 à 7% pour préserver les acquis de l’État-providence. Le cercle est vicieux― hélas!

Pour terminer, les Mauriciens veulent un  gouvernement économique et non politique – à  longueur d’année. N’oublions pas ce que disait  John Keynes : « On peut dire Brutalement la vérité. »

Le « tonneau des Danaïdes », l’expression de la mythologie grecque qui se rapporte à « remplir sans fin un tonneau troué », s’applique aussi aux dépenses outrancières d’un État
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