Notre-Dame de Paris: la Fin d’un Temps

PAULA LEW FAI

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Silence d’une cathédrale en proie à des flammes, silence d’une ville endeuillée, silence des cœurs meurtris. C’est une partie intime de nous-mêmes qui part avec ces flammes.

Au-delà des religions et des croyances, Notre-Dame de Paris est emblématique de la Beauté, la Transcendance, le Désir de l’Infini qui habite chaque homme et chaque femme. L’Indicible qui se traduit dans la pierre, le verre, le bois, tous ces supports dont les Compagnons ont su dénuder l’âme pour nous les présenter en offrande, en hommage pur à Celui qui Est. Qu’on ne peut nommer et qui manifeste Sa présence par le buisson ardent.

Dans ce grand silence de deuil et de communion quasi universels, chacun est plongé au cœur d’un mystère, celui d’une cathédrale, d’une Dame, Notre Dame, médiatrice des hommes.

L’aube se lève; le ciel sur la Seine est gris perlé. Silence d’une ville rassasiée, endormie. Ce fut toujours avec de grandes émotions que, durant mes études, lors de mes fréquentes haltes à Notre Dame après de longues flâneries le long de la Seine, d’entendre le bruit de la ville s’éclipser, comme sur la pointe des pieds dès l’arrivée sur le parvis. Tout s’atténue : les pas, les cœurs. On dépose la poussière qui nous encombre le corps et l’esprit; on se pose comme au creux d’une épaule douce et aimante. Et là, avant d’entrer dans le chœur pour la messe matinale et si intime, la statue de Marie Reine des Cieux qui, depuis plus de huit siècles, reçoit les prières des pèlerins et visiteurs. Il n’y a pas de meilleure description que celle donnée par J.K. Huysmans dans « La Cathédrale », 1898.

« À peine jolie, mais si bizarre avec son sourire joyeux éclos sur de mélancoliques lèvres ! Aperçue d’un certain côté, elle sourit à Jésus, presque railleuse. Il semble qu’elle attende un mot drôle de l’Enfant pour se décider à rire; elle est une nouvelle mère, pas encore habituée aux caresses de son fils. Regardé d’un autre point, sous un autre angle, ce sourire, si prêt à s’épanouir s’efface. La bouche se contracte en une apparence de moue et prédit des pleurs. Peut-être qu’en parvenant à empreindre en même temps sur la face de Notre-Dame ces deux sentiments opposés, la quiétude et la crainte, le sculpteur a voulu lui faire traduire à la fois l’allégresse de la Nativité et la douleur prévue du Calvaire ».

C’est auprès de cette statue que le poète Paul Claudel se convertit, au cours des Vêpres du jour de Noël 1886. « J’étais moi debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cœur fut touché et JE CRUS. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable ». « Ma conversion », 1913.

 

Éternelle Enfance de Dieu

À voir cette flèche de Notre Dame qui prend feu, vacille et tombe, ce sont des scènes apocalyptiques qui sont sollicitées par cette image, cette symbolique. Je pense aux enfants de Fatima : « Un peu plus haut un Ange avec une épée de feu à la main gauche; elle scintillait, émettait des flammes qui paraissaient devoir incendier le monde  … mais elles s’éteignaient au contact de l’éclat que, de sa main droite, Notre-Dame faisait jaillir vers lui… l’Ange désignant la terre de sa main droite, dit d’une voix forte   : PÉNITENCE, PÉNITENCE, PÉNITENCE   !    »

Nous sommes le lundi de la semaine sainte. Étrange conjoncture. Nous pensons aux multiples apparitions de la Vierge durant ce dernier siècle, celles, en particulier, de Fatima (1917) et d’Akita au Japon (1973). Les messages sont de même nature : l’infiltration au Vatican des forces du mal, l’institution ecclésiale qui vacille, la nécessité de la repentance… « Le travail du diable s’infiltrera même dans l’Église de manière que l’on verra des cardinaux s’opposer à des cardinaux, et des évêques contre d’autres évêques. Les prêtres, qui me vénèrent, seront méprisés et combattus par leurs confrères. L’Église et les autels seront saccagés. L’Église sera pleine de ceux qui acceptent des compromissions et le démon pressera de nombreux prêtres et des âmes consacrées à quitter le service du Seigneur. Le démon va faire rage en particulier contre les âmes consacrées à Dieu. La pensée de la perte de tant d’âmes est la cause de ma tristesse ». Akita (1973).

Pierre Barnérias, journaliste reconverti, suite à la sortie d’un coma, a consacré 4 ans de sa vie à un film documentaire sur les apparitions de la Vierge Marie dans plus de 13 pays. Les révélations dans cette enquête « M et le 3ème secret » (2014) sont troublantes mais, à Fatima, malgré les lacrimations de la statue en bois de la Vierge à Akita, est le message d’espoir « À la fin mon Cœur Immaculé triomphera ».

Malgré les flammes, la statue de Marie Reine des Cieux est toujours là.

Douleur du calvaire et Allégresse de la Résurrection.

« Mon âme exalte le Seigneur,
Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante,
Désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles;
Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge
Sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras,
Il disperse les superbes.

Il renverse les puissants de leur trône,
Il élève les humbles ». Magnificat.

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