Notre soif d’idées nouvelles

GÉRALDINE HENNEQUIN-JOULIA

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J’ai fait cet exercice : regarder les débats parlementaires notamment ceux qui ont mobilisé nos élus le mardi 18 mai. Ils concernaient les amendements proposés à la Local Government Act pour repousser les élections municipales et donc repousser une chance pour les Mauriciens d’utiliser leur droit de vote. Je me suis connectée comme de nombreux Mauriciens de ma génération, sans doute pour suivre ces débats et franchement, sans aucune attente. Je n’ai pas été déçue !

Les postures étaient attendues. Les répliques convenues. Fusent parfois de petites blagues sans saveur. Tout ça dans une atmosphère de confrontation où chacun veut dire à l’autre pourquoi c’est important de ne pas reporter ces élections ou pas. Aucun député ne s’est demandé pourquoi il n’est pas possible d’imaginer ensemble, avec les énergies des deux côtés de la Chambre, une solution pour rendre possibles les élections d’ici la fin de cette année, peu importe si la situation sanitaire demeure telle qu’elle est ! Aucune recherche de solution intelligente, aucune envie de déployer une capacité d’adaptation du fonctionnement de notre démocratie en temps de crise (économique, politique, sociale, sanitaire – je ne sais que mettre dans le panier d’un fait d’État d’urgence qui pourrait être décrété demain ou nous tomber dessus). À la place nos parlementaires condamnent notre pays à garder ses deux pieds dans les bottes usées de notre démocratie pour tout état d’urgence qui viendra dans les années à venir ! Oui c’est ce que propose cet amendement à la Local Government Act !

Et à gorge chaude les politiciens viendront saupoudrer des promesses inconsidérées en matière d’innovation, nous parler de transformer Maurice en hub de ceci ou de cela ! Innovation vous dites ! On y consacre des millions chaque année. Et tant mieux ! Pourtant je ne suis pas certaine de ce qui est posé sur la table à la fin quand on scrute du côté de l’émergence de nouveaux secteurs. Est-ce qu’on se trompe quand on s’inquiète que depuis 2006, à la suite de la mise en orbite du secteur du Global Business et des TIC, l’île Maurice n’ait pas créé de nouvelles lignes de force ! À chaque budget, un gars en costard cravate, gonflé à bloc, d’un bord ou d’un autre vient vendre à la génération qui suit et à la jeunesse son nouveau hub révolutionnaire.  Ce n’est pas ça qui nous fait rêver ! Ce n’est pas ça qui nous convainc que notre République sait dépoussiérer ses institutions, les rendre vivantes, vibrantes et efficaces. Ce n’est pas cela qui met de nouvelles dynamiques économiques en route vers une transition digne de ce nom !

Saturation

J’ai sagement écouté ces débats parlementaires qui m’ont confirmé que des deux côtés de la Chambre personne ne semble comprendre que le véritable enjeu n’est pas de dire où il y a des problèmes ! L’enjeu est ailleurs pour notre génération : est-ce que face à un problème, on fait les bons choix ? Dans ce cas précis est-ce que nous faisons le bon choix pour la démocratie locale (municipale) en l’obligeant devant chaque crise qui se présentera à se plier au lieu d’être résiliente et de trouver comment cela se fait dans d’autres pays, comment annihiler les contraintes pour permettre au citoyen de reprendre la main, de rebattre les cartes. Le député travailliste Shakeel Mohamed a osé effleurer la question en soulignant au passage que tous dans cette Assemblée, de tous bords confondus, ont fait partie de gouvernements qui ont dans le passé choisi d’amender la Local Government Act. En effet, depuis 1983, il n’y a aucun frein aux arrangements de circonstances touchant à cette loi. Évoquer l’introduction de nouvelles technologies : la majorité balaie d’une main en prétextant que déjà en 2019, l’Opposition a hurlé à la fraude ! Autre preuve du délitement de la confiance dans nos institutions.

Notre génération est fatiguée de ces élus qui ont une morale élastique capable de s’arranger avec les circonstances ; nous sommes épuisés de l’état statique de notre démocratie ; nous sommes las de trouver sur notre route des politiques animés par une vision « court-terme » de notre économie ; nous sommes saturés des programmes nains vendus sous forme de schemes pour sauver des peaux de chagrin.

Je lisais la semaine dernière que le conseil des ministres a pris note de la mise en oeuvre du tout premier projet de satellite mauricien. Le 4 juin prochain il sera envoyé dans l’espace depuis la Floride ! Nous pouvons donc faire cela, mais sommes incapables de reprogrammer des élections locales à une échéance fixe… Nous sommes incapables de présenter à la population une campagne de vaccination étalée sur un calendrier avec des objectifs précis à atteindre en termes d’immunité collective. Nous avons été incapables à ce jour de poser un plan de relance économique. Le reste n’est qu’écran de fumée.

Tout mauvais choix, tout immobilisme se paie très cher ! La jeunesse de ce pays dénonce ces « Do Nothing politics » !

Nous sommes d’une génération qui a envie de se reconnecter à une île Maurice qui connaissait la jubilation de l’effort et du travail.

En politique, dit-on, le premier acte, ce sont les idées.

Faites de la place pour qu’elles émergent !

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