« To fam Super » : non au boycott !

JOYCE VEERASAMY

Si la musique locale n’existait pas, je l’aurais inventée. Dans une autre vie, j’étais chanteur. Je suis toujours en faveur des jeunes talents locaux, ces artistes qui ont du mal à se faire une petite place sous le soleil mauricien. Plusieurs requins font la loi, tandis que les tilapias tentent de se frayer un chemin. Comprenez le sens de mes mots car je suis convaincu que le temps où les “gro pwason manz ti pwason” est révolu. Ces requins ou gros poissons se reconnaîtront et je suis fort conscient qu’ils tenteront de prendre le dessus à la lecture de ma prise de position, car ils se sentent menacés.

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Le champ artistique de musiques locales est un confluent d’enjeux centraux pour le développement de Maurice et de sa population. Il s’impose comme un maillon essentiel de la vie artistique et culturelle. La musique étant ma passion, je n’ai pas cessé de m’investir depuis ces 35 dernières années. J’accomplis ma mission avec tous les acteurs favorisant la prise en compte des pratiques en amateur, la professionnalisation à la découverte de nouveaux talents, l’innovation et la diversité musicale avec pour finalité un projet artistique.

Dans un monde hypocrite, certaines oreilles prudes se croient investies d’une mission divine et se permettent même de nous imposer leurs choix, nous privant de notre droit de décider. Elles ont tendance à jouer aux censeurs et se servent de leurs ciseaux à tout bout de champ.

De Rozeda à To Fam Super en passant par Zaleka, la Femme a été chantée sur toutes les tonalités dans un kreol croustillant. La représentation de la Femme dans le sega ne date pas d’hier. L’homme a élevé et a en quelques rares occasions donné une image négative de la Femme par le biais du sega.

On ne peut reprocher au morceau To Fam Super de dénigrer la Femme. Bien au contraire, il est question d’une appréciation, voire d’un compliment à l’égard de la femme de l’autre. Il y a certes une certaine légèreté dans le regard du chanteur et dans son débit mais la chanson accroche son auditoire dans la liberté d’expression. D’ailleurs, ce morceau à caractère humoristique sur YouTube a largement dépassé le million de vues.

Tantôt décrié tantôt adulé, le phénomène Tony Jah ne laisse personne indifférent. Avant lui, Jean Claude Gaspard, Roger Clency et Cyril Ramdoo chantaient avec des mots à double sens. L’année dernière, Ti poul mazanbik de Misié Mario était privée de diffusion sur certaines radios à Maurice et voilà qu’en 2018 on trouve que “si to fer lonlon, si to fer tintin” de Wes Mimou et “To Fam Super” sont considérées comme indécentes et sont même interdites sur certaines radios.

Les gardiens de la morale se croient investis du droit de décider à notre place. Ils auraient dû faire carrière à la station météo. Ils auraient eu du succès auprès du public en faisant la pluie et le beau temps et auraient même pu voler la vedette à Tony Jah (Rire).

N’oublions pas que, durant les années 80, les chansons de Siven Chinien et du groupe Latanier, par exemple, étaient interdites de diffusion. C’est par le plus grand des hasards que j’ai appris que la chanson To Fam Super, qui était pourtant très attendue par des animateurs et des auditeurs, était privée d’antenne (suppression du serveur de cette station de radio). Sous quel prétexte, dites-moi ?

Qu’on le veuille ou non, la notoriété que connaît Tony Jah ne fait qu’accroître, boycott ou pas. Ce n’est que le commencement d’une longue aventure pour ce jeune artiste.

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