Hypocrisie

La crédibilité d’un pays repose sur le respect et une application sans faille de ses lois. Un principe sacro-saint qui vise à rendre ses institutions fiables et respectées surtout, à Maurice, comme à l’étranger. Sans cela, ce serait l’anarchie et une perte de valeurs à différente échelle. Personne n’est donc au-dessus de la loi. L’Association mauricienne de Volley-Ball en connaît quelque chose pour avoir voulu jouer aux plus fins en décidant de rétablir Kaysee Teeroovengadum comme secrétaire général, en dépit du fait qu’il fait face à une action en justice.
Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, vraisemblablement agacé par cette situation et de l’absence de réaction de la part du ministère des Sports, est monté au créneau en mettant le doigt sur un point très sensible. En effet, il déclarait à l’Assemblée nationale, fin juin : « Let me also state that autonomy does not, and cannot mean licence to flout the principles and practice of good governance, nor licence to abuse of rights and to ignore obligations and duties to ensure propriety and moral soundness in management and administration. »
Le PM ne pouvait donc être plus clair quant à la responsabilité et le devoir des dirigeants et fédérations sportives. Sauf que certains ne semblent pas avoir vraiment compris la leçon à l’heure de la tenue des élections villageoises dimanche dernier.
En dépit du fait que la Sports Act 2016 leur interdit d’être formellement « actively engaged in politics », une petite poignée a bravé cela en se portant candidats aux élections villageoises. Et ça, c’est très grave dans toute démocratie qui se respecte ! Même si certains trouveront à dire que participer à une élection villageoise n’est pas considéré comme s’engageant en politique.
Sauf que les ramifications sont irréfutables. Nombreux sont-ils d’ailleurs les groupuscules engagés dans ces élections qui ont des liens directs, soit avec le pouvoir, soit avec l’opposition. Le ministre du Transport, Alan Ganoo, en connaît quelque chose, lui dont la présence plus que remarquée dans sa circonscription au No. 14 (Savanne/Rivière Noire) pendant la campagne, a été décriée, non seulement par l’opposition, mais aussi par l’opinion publique. D’autres ont été également aperçus sur le terrain. Et que dire aussi de ceux qui revendiquent la victoire, alors qu’ils n’étaient pas officiellement engagés dans ces élections !
Ainsi, cela démontre, si besoin est, que les dirigeants sportifs qui ont participé aux élections villageoises ont indéniablement outrepassé le cadre légal qui régit le sport à Maurice. A commencer par le président de la Fédération mauricienne de Boules (FMB), Radhakrishansingh Rajkoomar, un « récidiviste » en la matière ! Et pour cause.
Toutefois, malgré ses « écarts » et le non-respect de la Sports Act, ce monsieur n’a été nullement inquiété. Son cas étant même à part, étant donné qu’il n’est pas un novice dans le milieu. Il a déjà été président de village et président de Conseil de district dans le passé ! Sauf qu’il s’est tiré à bon compte, trouvant une excuse pour se justifier. C’était le cas en octobre 2018 lorsque le Parquet lui avait demandé, à juste raison d’ailleurs, de démissionner comme président de la FMB.
Indéniablement, le cas Rajkoomar intrigue. A-t-il des contacts très haut placés lui permettant de bénéficier d’une telle immunité par rapport aux autres ? Rappelons que Poorun Bhollah (haltérophilie) et Ajay Ramadhin (cyclisme), ont aussi été rappelés à l’ordre en 2018, mais ont, officiellement, pris leurs distances du sport !
Radhakrishansingh Rajkoomar n’est cependant pas le seul à avoir bravé les interdits dimanche dernier. Ranjit Jokhoo de l’AMVB l’a également fait même s’il a été un candidat indépendant. A un tout autre niveau, on retrouve un président d’un comité régional (boxe), Pascal Telvar, et un secrétaire de club, Marco Alphonse.
Ce dernier cas, précisons-le, est même interpellant puisqu’aucune sention de la loi ne fait référence au statut de membre de comité régional ou de club. Ne s’agit-il pas d’une lacune dans la Sports Act 2016 ? Pourquoi une fédération devrait-elle s’assurer que seuls les présidents des comités régionaux et autres clubs affiliés ne fassent pas de la politique active et pas leurs membres ? C’est dire à quel point la loi sportive amendée en 2016 mérite de sérieuses améliorations !
Ce qui est aussi malheureux de constater, c’est que cette loi-cadre a pourtant été revisitée par l’ancien ministre MSM, Yogida Sawmynaden, sous le précédent gouvernement ! Et ce qui est encore plus grave, c’est que d’aucuns ne semblent vraiment se soucier de ces loopholes, même si, depuis octobre 2018, on entend parler d’un nouveau Sports Bill !
La participation des dirigeants sportifs à ces élections, tout comme l’émergence des clubs et fédérations à caractère douteux, confirment que l’organisation et le fonctionnement du sport méritent une refonte. Oui, il est grand temps d’assainir la situation en mettant fin à cette anarchie. Mais pas à-peu-près, à un moment notamment, où le gouvernement a validé, lui-même, un plan d’excellence pour le sport mauricien !
Des changements sont donc possibles à travers une Sports Act adaptée et intransigeante. Cela, afin de décourager toute forme d’inégalité jusqu’ici nuisible, à l’organisation du sport. Faut-il toutefois, que le gouvernement ait le courage, la volonté et la détermination pour le faire.

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