Charlotte Pierre : « J’ai un héritage mauricien, aussi fière d’être citoyenne britannique »

Charlotte Pierre a succédé Keith Allan à la tête de la haute-commission britannique à Maurice depuis la semaine dernière. Elle vient ainsi renforcer la présence féminine au sein du corps diplomatique à Maurice, mais elle est cependant la première personne d’origine mauricienne à occuper de telles fonctions diplomatiques chez nous. Tout en se réjouissant de son héritage mauricien, elle se dit cependant fière d’être citoyenne britannique , ajoutant que sa mission à Maurice consistera à promouvoir les intérêts de la Grande-Bretagne tout en déployant tous les efforts nécessaires pour consolider et approfondir le partenariat entre nos deux pays, que ce soit dans le monde de l’éducation, de la culture, du sport ou de l’économie.

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La Grande-Bretagne est un des principaux partenaires économiques et commerciaux. Ce pays compte participer activement à l’autonomisation des femmes et des jeunes. Dans l’interview qui suit, la nouvelle diplomate évoque la visite de la délégation de la Financial Action Task Force (FATF) à Maurice le mois prochain et la volonté du gouvernement britannique d’apporter tout son soutien au secteur des services financiers. Elle parle également de la tenue prochaine de la COP 26, à Glasgow, à laquelle devrait participer le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Soulignons que le haut-commissariat de la Grande-Bretagne, qui se trouve actuellement à Port-Louis, déménagera bientôt dans de nouveaux locaux construits dans la cour de la Wesminster House, à Floréal. Charlotte Pierre est mariée à Paul Noris, un diplomate britannique, et a deux enfants.

Qu’est-ce que cela vous fait d’être la première femme à occuper la fonction de haute-commissaire britannique à Maurice ?
J’ai un héritage mauricien. Je suis citoyenne britannique et je suis née en Grande-Bretagne, mais mes parents sont originaires de Maurice. Ils ont quitté le pays avant l’accession de l’île à l’indépendance pour des études supérieures. Ils se sont installés à Londres. Je suis immensément fière de ma nationalité anglaise et je suis ici pour représenter la Grande-Bretagne. Mais je suis tout aussi fière de mes parents et de leur pays d’origine.
Autant dire que j’ai été ravie lorsque le Foreign Secretary m’a choisie. Cela démontre ce qu’il y a de bon à propos de la Grande-Bretagne. Je suis une femme de couleur et c’est une démonstration que la Grande-Bretagne favorise la compétence et l’inclusion. C’est l’image que la Grande-Bretagne veut promouvoir à l’étranger. The British government walks the talk.

Il ne s’agit pas de dire que nous sommes en faveur de l’autonomisation des femmes et dire tout ce qu’on veut tout en ayant qu’un type de diplomate ou un type de représentation à l’étranger. Il est important de démontrer, en tant que gouvernement, à quel point la société anglaise du 21e siècle est moderne et projeter cette image à l’étranger.

Depuis quand avez-vous adhéré au service diplomatique ?
Je me suis jointe au service diplomatique en 2000. J’ai travaillé dans différents services gouvernementaux avant de me joindre aux affaires étrangères et au département du développement international. J’ai surtout été affectée aux activités concernant le Moyen-Orient et l’Afrique. J’ai eu des affectations diplomatiques en Ouganda, au Soudan, à Jérusalem et au Ghana.

C’est intéressant, parce que Maurice a aussi une vocation africaine…
Maurice a toujours projeté l’image d’un Regional Player. C’est en tout cas ce que j’ai toujours entendu dire mon grand-oncle, sir Harold Walter. Il était ministre des Affaires étrangères alors que Maurice accueillait le sommet de l’Union africaine, en 1976.
À cette époque, l’île avait accueilli de nombreux chef d’Etat africains. Cela avait démontré que Maurice a une voix en Afrique, une voix qui est respectée et écoutée, parce que ce pays est un modèle régional à plus d’un titre, notamment en ce qui concerne la démocratie, la stabilité et le développement économique. La Grande-Bretagne reconnaît et apprécie tout cela, et veut être partenaire de Maurice, en particulier au sein du Commonwealth, parce que nous avons des valeurs communes.

Peut-on dire que vous avez un lien émotionnel avec Maurice ?
Bien sûr. Cependant, il faut être très clair. Je suis ici pour représenter la Grande-Bretagne. Mon rôle est de consolider le partenariat et la coopération entre nos deux pays. Nous pouvons faire beaucoup de choses concernant les défis globaux auxquels nous sommes confrontés dans différents domaines, dont le climat, le commerce, la lutte contre le blanchiment d’argent. Nos relations dans le domaine de l’éducation sont très fructueuses.
Nous avons beaucoup d’intérêts communs. Je ne voudrais pas dire que mes relations avec Maurice sont émotionnelles, mais je pense plutôt que j’ai une bonne compréhension de Maurice, que j’ai héritée de mes parents. J’ai un respect inhérent pour Maurice. C’est très important en tant que citoyen britannique représentant son pays dans l’île.

Aviez-vous déjà eu l’occasion de visiter le pays auparavant ?
Certainement. Ma dernière visite date de 2019. Le pays a changé radicalement. Maurice compte en Afrique dans la mesure où it sets standards, que ce soit en matière de bonne gouvernance, de facilitation des affaires… La Grande-Bretagne se tient prête à aider Maurice à maintenir ces valeurs, parce qu’elles sont importantes pour les autres pays africains.

Comptez-vous poursuivre sur la voie tracée par votre prédécesseur ou comptez-vous introduire de nouvelles idées ?
La direction tracée par Keith Allan était bonne. Elle était axée sur les grands défis, comme le changement climatique. La Grande-Bretagne prendra la présidence de la COP. Cela compte beaucoup pour la Grande-Bretagne. Maurice, en tant que petit État insulaire, sera à l’avant-garde du prochain sommet de Glasgow et doit continuer à pousser dans ce sens.
En ce qui concerne l’agenda du changement climatique, nous sommes prêts à soutenir la République de Maurice dans des projets ambitieux, comme celui d’atteindre un taux de 60% d’énergie renouvelable vers 2030, de réduire votre dépendance au charbon pour la production d’électricité, la gestion des déchets solides… Ce sont autant de domaines dans lesquels nous pourrions développer des liens de partenariat et soutenir Maurice.
Puisque vous me demandez ce que je compte apporter de nouveau, je pense qu’il s’agira de voir ce que la Grande-Bretagne peut offrir à Maurice en termes de durabilité. Elle offre une haute qualité. Ensuite, la Grande-Bretagne et Maurice ont un long partenariat commun et nous sommes là pour nous assurer que ce partenariat dure encore longtemps. Vous pouvez compter sur nous pour avoir des expertises de haut niveau. C’est ce que nous faisons en ce qui concerne le changement climatique.

L’année dernière, après la marée noire qui a suivi le naufrage du Wakashio, la Grande-Bretagne avait contribué à hauteur de Rs 100 millions pour le nettoyage de la mer. Nous avons mis des experts britanniques à la disposition de Maurice et nous savons que les autorités mauriciennes ont beaucoup apprécié nos efforts.

Nous ferons la même chose en ce qui concerne le GAFI. Nous savons que les services financiers sont très importants pour aider l’économie mauricienne à se relancer après le Covid, qui a beaucoup affecté l’économie du pays. La Grande-Bretagne est prête à mettre des experts britanniques à la disposition de Maurice.

Nous suivrons avec attention l’arrivée de la délégation du GAFI pour une visite sur le terrain dans l’île le mois prochain. Le ministère des Finances britannique sera représenté au sein de la délégation en sa capacité de membre du GAFI et participera à l’évaluation de la situation à Maurice.

Maurice attend beaucoup de cette visite en vue de sortir de la liste grise du GAFI…
Les autorités mauriciennes ont raison. C’est essentiel pour ce qui va se passer ensuite. Mais cette visite n’est pas une fin en soi. J’ai été très contente d’entendre le Premier ministre mauricien prendre l’engagement que toutes les réformes structurelles nécessaires continueront d’être mises en place après la visite de la délégation du GAFI.
Il est très intéressant de constater que dans le cadre de ce projet, le gouvernement et le secteur privé mauriciens travaillent en partenariat. Il est aussi intéressant de constater que Maurice est en train de démontrer qu’elle a volonté d’apporter des changements en profondeur et ne se limite pas à faire des déclarations.
Le processus du GAFI se poursuivra. La délégation reviendra en 2024 pour une nouvelle évaluation. Maurice devra continuer à démontrer qu’elle apporte les réformes nécessaires dans les services financiers.

Quelles sont les possibilités de partenariats entre la Grande-Bretagne et Maurice dans le domaine des services financiers ?
L’économie britannique dépend largement des services financiers. La finance internationale n’a pas de frontière. Nous continuerons à accompagner Maurice dans la lutte contre le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme, surtout avec ce qui se passe en Afghanistan et le crime organisé. Nous sommes prêts à développer des partenariats durables. Nous sommes très conscients qu’en apportant notre soutien à Maurice dans le domaine des services financiers, nous soutenons en même temps les milliers d’employés dans ce secteur. We’ll continue to provide durable quality support that have a real impact on the real economy here in Mauritius.

Nous avons noté que la Grande-Bretagne travaille également avec d’autres pays africains dans le domaine des services financiers. Pouvez-vous nous en parler ?
Tout à fait, mais la forme de partenariat est différente. Maurice est un pays à revenus moyens, après avoir été un “high revenue country” avant le Covid. Chaque pays a une réalité différente et nécessite un type de partenariat adapté aux réalités. Avec nos partenaires africains, la Grande-Bretagne s’assure que le partenariat est taillé sur-mesure.

Maurice est aussi sur la liste noire de la Grande-Bretagne…
Aussitôt que Maurice est placé que la liste grise du GAFI, le pays est placé automatiquement sur la liste grise britannique. Should the on-site inspection be positive and should the FATF decides that Mauritius is delisted, we can delist Mauritius very quickly and don’t have do wait for UE to do the same.

Un accord bilatéral important a été passé avec la Grande-Bretagne récemment dans le sillage du Brexit. Comment cet accord se présente-t-il ?
Cet accord s’inscrit dans le cadre d’un accord régional entre la Grande-Bretagne et les pays de l’Afrique australe et orientale. La rapidité avec laquelle nous avons signé cet accord démontre notre volonté de poursuivre les relations après le Brexit. Nous commencerons bientôt les négociations commerciales et nous sommes très intéressés à impliquer Maurice dans ces négociations.

Maurice et Grande-Bretagne ont toujours entretenu des relations dans le domaine commercial et de l’investissement. Ou en sommes-nous ?
Nous voulons que ce partenariat se poursuive. La Grande-Bretagne a pendant longtemps été le principal marché d’exportation pour les producteurs mauriciens. C’est la raison pour laquelle nous avons un département dédié au commerce international.
We stand ready to do business. We stand ready to do more. Nous avons déjà une coopération solide dans le domaine de l’éducation. L’université de Middlesex est présente à Maurice. Nous serons très contents de voir l’Economic Development Board multiplier les initiatives, que ce soit dans le domaine des services financiers ou celui de l’éducation. Pas plus tard que mardi dernier, le Chevering Scholarship a été alloué à sept étudiants mauriciens pour avoir accès pendant une année aux meilleures universités britanniques afin d’obtenir une maîtrise. J’ai été impressionnée par leur motivation. Nous sommes prêts à faire plus.

Que peut-on attendre de la COP 26 ?
La Grande-Bretagne prendra la présidence de la COP 26. Vous vous rappelez des négociations de la COP 21, à Paris ? Tout le monde était très excité. Nous comprenons que le défi climatique est différent pour différents types de pays. Il faudra tenir en compte les préoccupations des petits pays insulaires. Nous aurons un sommet des chefs d’Etat les 1er et 2 novembre. Nous souhaitons que chaque pays soumette un rapport ambitieux. Nous voulons que nos partenaires soient présents et prêts à s’engager de manière conséquente. Et voir comment il nous faudra soutenir les PEID.
Par la suite, le processus de la COP se poursuivra. Ce que nous faisons en ce moment en partenariat avec les Nations Unies, c’est d’aider nos partenaires mauriciens à se préparer en vue des négociations, de manière que lorsqu’ils se rendront à COP 26, ils seront en mesure de s’engager dans les négociations.

Maurice a-t-elle soumis ce rapport ?
Nous apprenons que ce sera fait bientôt et que ce sera très ambitieux. Comme Maurice sera à l’avant-garde des petits États insulaires en termes de mise en place des normes, j’espère que ce rapport sera le plus ambitieux possible.

Maurice figure parmi les pays les plus vulnérables dans le cadre du changement climatique ?
Absolument. Nous comprenons aussi que la pandémie a mis une pression considérable sur des pays comme Maurice. C’est le cas en Grande-Bretagne également.

Pensez-vous que les chefs d’États accepteront de faire le déplacement ?
C’est une époque sans précédent pour organiser une conférence de cette envergure. We take the Covid protocol risk very seriously. Nous ferons tout pour maintenir la sécurité de nos invités et pour nous protéger également. Les procédures seront très strictes. Nous préparons déjà les délégations internationales sur les dispositions qui sont prises. Il est intéressant de noter que l’Assemblée des Nations Unies aura lieu avant la COP 26. Ce sera une bonne occasion de voir comment elle se déroule.

Un mot sur coopération dans le domaine de la culture et du sport ?
Les Mauriciens ont une grande passion pour le sport, la culture et l’éducation. C’est aussi le cas pour la Grande-Bretagne. Nous avons également la même passion pour la musique et la culture. Nous avons déjà le club de Liverpool à Maurice en matière de football. Nous avons aussi en commun la langue anglaise et l’éducation. Nos échanges dans ces domaines se poursuivront.

Pensez-vous que nous pourrions voir l’arrivée de touristes britanniques après l’ouverture des frontières prévue pour le 1er octobre ?
D’abord, nous respectons les mesures prises par le gouvernement pour maintenir la sécurité de la population. Nous avons noté le changement apporté au protocole, qui sera en vigueur à partir du 1er septembre. Avant le Covid, Maurice recevait quelque 150 000 touristes britanniques. Nous espérons que la situation retournera graduellement à la normale et voir les touristes revenir à Maurice en toute sécurité.

Quels sont les protocoles à respecter pour que les Mauriciens entrent en Grande-Bretagne ?
La Grande-Bretagne à trois listes de pays, à savoir rouge, ambre et vert. Maurice est sur la liste ambre. Si une personne a été vaccinée en respectant les critères, elle peut entrer en Grande-Bretagne. Ces critères sont définis clairement sur le site Web de la Grande-Bretagne.

Un vœu pour l’avenir ?
Nous souhaitons que notre partenariat se poursuive dans le respect. Je souhaite que notre histoire partagée concernant nos liens dans le domaine de l’éducation, au niveau institutionnel, au niveau du judiciaire, etc. se poursuive. Je sais que la diaspora mauricienne en Grande-Bretagne est très active.

Nous accordons une grande importance à notre partenariat avec Maurice. Nous connaissons nos points de désaccord et je ne compte pas m’étendre dessus. Il y a tellement de domaines sur lesquelles nous sommes d’accord et sur lesquels nous pouvons œuvrer ensemble. Nos deux peuples sont tellement similaires en termes d’ambition. Donc, nous voulons continuer notre partenariat pour confronter les défis globaux et s’assurer que nos liens dans les domaines économique et culturel se consolident.

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