Dipra Jha : « Se focaliser sur le tourisme de luxe en période de pandémie »

Le tourisme est l’un des secteurs ayant subi de plein fouet les effets du Covid-19. L’industrie paralysée, entre autres, à cause des frontières fermées et du confinement, se prépare à la reprise des activités une fois que les touristes commenceront à fouler le sol mauricien. Mais le redémarrage de ce secteur, face à une situation incertaine avec le Covid-19, devra se faire en mettant l’accent sur la sécurité.

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C’est ce qu’en pense, Dipra Jha, Scholarly Associate Professor au Carson College of Business de la Washington State University. Il est l’assistant directeur de l’école du Hospitality Business Management, classée deuxième en terme de son programme aux États-Unis.

Ce Visiting Professor à la Whitefield Business School, également membre du conseil d’administration de la Washington Tourism Alliance, croit que Maurice pourra axer sa stratégie sur le tourisme de luxe en cette période de pandémie. Un domaine qui génère plus de revenus.

Le secteur du tourisme est l’un des piliers économiques de Maurice. Ce secteur a été durement touché par la pandémie de Covid-19. À l’heure où le gouvernement mauricien s’efforce de rouvrir ses frontières aux voyageurs entièrement vaccinés, sans restriction, quels sont les défis que nous pourrions avoir à relever ?

L’un des défis à relever serait d’équilibrer les capacités dans le contexte du risque et de la sécurité. Une affluence soudaine de voyageurs internationaux pourrait entraîner une flambée d’infections graves et faire submerger rapidement le système de soins de santé de Maurice.

Selon vous, quelles sont les stratégies que nous devrions adopter au moment où nous rouvrons nos frontières aux touristes ?

Je recommande une stratégie de Safety First (sécurité d’abord) qui repose sur la science et qui peut être ajustée rapidement. Par exemple, n’autoriser que les voyageurs vaccinés dont le statut peut être vérifié en soumettant des documents via une plateforme numérique. Il convient de maintenir une surveillance stricte de la santé publique autour des zones touristiques sensibles et d’assouplir ou de rétablir les restrictions en fonction du nombre de cas.

Nous connaissons tous le risque de contracter l’infection malgré la vaccination. Pensez-vous qu’un pays dont la majorité de la population est vaccinée aide vraiment à attirer les touristes ?

Absolument ! Le meilleur exemple en est le Danemark, où plus de 70% de la population ont été vaccinées. Le Danemark a déclaré le Covid-19 sous contrôle et a levé les restrictions telles que le port du masque et la distanciation sociale. Toutefois, le Danemark a eu la sagesse de limiter l’entrée sur son territoire afin d’éviter une recrudescence de l’infection par des voyageurs entrant dans le pays.

En tant qu’expert en hôtellerie de luxe, l’île Maurice devrait-elle se concentrer davantage sur ce secteur particulier (le tourisme de luxe) en cette ère de Covid-19 ?

Maurice est idéalement positionnée pour proposer des expériences de luxe en raison de sa position insulaire, de ses plages, lagons et forêts tropicales, et de sa culture vibrante. Une stratégie visant à attirer les voyageurs aisés en leur proposant des expériences de luxe personnalisées est tout à fait logique pour Maurice, car ce type de tourisme génère des revenus nettement supérieurs par client tout en offrant l’avantage d’un nombre réduit de touristes sur l’île. Cela vaut la peine d’être considéré dans le contexte de la pandémie actuelle.

Le secteur de la santé a été confronté à des défis en raison du nombre élevé de cas de Covid que nous comptons chaque jour. Maurice peut-elle encore se positionner comme une destination pour le tourisme médical ?

À mon avis, il serait peu judicieux d’essayer de promouvoir Maurice comme une destination pour le tourisme médical alors que le nombre de cas de Covid-19 augmente. Maurice offre bien plus que le tourisme médical et il serait préférable de concevoir une campagne qui mette en avant les attraits et les services offerts et qui montre que Maurice est un endroit sûr et agréable à vivre, même pendant la pandémie.

Les touristes sont de plus en plus sensibles aux mesures sanitaires lorsqu’ils partent en vacances. Outre le protocole de l’Organisation mondiale de la Santé, y a-t-il des mesures spécifiques que nous pouvons adopter pour donner plus d’assurance aux touristes ?

Outre l’OMS, il existe des organisations telles que le Bureau Veritas qui ont élaboré des protocoles d’hygiène, de santé et de sécurité pouvant être mis en œuvre dans les espaces publics, l’hôtellerie, l’alimentation, la vente au détail et les entreprises similaires. La mise en pratique à large échelle de ces pratiques et le partage d’informations sur ces activités contribueront à rassurer les touristes et la population locale. Toutefois, il ne suffit pas de rendre ces normes obligatoires. Les entreprises et les installations ont besoin du soutien – y compris financier – du gouvernement et des autorités locales pour mettre en place ces pratiques et les infractions commises devraient avoir des conséquences.

Peut-on parler d’une nouvelle normalité dans ce secteur ?

La nouvelle normalité est encore en cours de développement et beaucoup de choses restent inconnues. Toutefois, les tendances indiquent un retour des voyages de loisirs, suivi d’un retour progressif des voyages d’affaires. Les voyages internationaux resteront compliqués pendant un certain temps, et beaucoup de choses dépendront de la rapidité avec laquelle le reste du monde se fera vacciner.

Un autre aspect de la nouvelle normalité est l’augmentation exponentielle de l’intégration de la technologie dans les voyages. Cela va des cartes de santé numériques aux applications d’aide au voyage qui fournissent des informations actualisées sur les restrictions d’entrée et les documents requis pour voyager d’un pays à l’autre.

Comment donner la « liberté » aux touristes lorsqu’ils nous rendent visite et, en même temps, être sûrs qu’ils ne sont pas contaminés pendant leur séjour ?

Il s’agit d’un équilibre délicat et il n’y a pas de réponse facile. Une solution serait de créer des zones bulles qui permettraient aux touristes de profiter de ce que la destination peut leur offrir, en limitant leur accès aux régions reculées du pays ou aux populations vulnérables. Les touristes ne sont pas les seuls à être infectés ; ils peuvent également introduire l’infection dans des communautés mauriciennes normalement protégées et déclencher une crise sanitaire.

Le tourisme est un sujet de prédilection pour de nombreux étudiants. Pensez-vous que les écoles et les universités doivent réadapter leurs programmes d’études pour répondre aux besoins de cette industrie ?

L’enseignement du tourisme et de l’hôtellerie exigeait une révision majeure avant même la pandémie, et ce besoin n’a fait que s’accentuer. Les écoles et les universités doivent investir du temps et des ressources dans l’élaboration de programmes d’études axés sur l’avenir et répondant aux besoins du marché du travail du XXIe siècle. De nombreux programmes fondés sur des compétences techniques actuellement enseignés n’auront que peu ou pas de pertinence dans quelques années, car de plus en plus d’emplois dans le secteur sont automatisés ou confiés à l’intelligence artificielle.

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