Julien Quenette : « Ne pas trop s’exposer aux informations qui circulent sur les réseaux sociaux et se fier aux informations officielles »

Il y a toujours une solution pour chaque problème. Et le meilleur moyen de la trouver c’est d’en parler. Depuis quelques jours déjà, une vingtaine de psychologues de la Société des Professionnels en Psychologie (SPP) et l’Association des Praticiens de l’Approche Centrée sur la Personne (APACP), en partenariat avec MauriDoc, plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne, assurent un soutien psychologique et moral aux personnes se sentant en détresse. Un service qui plus est entièrement gratuit. Julien Quenette fait partie de ces bénévoles qui ont décidé de tendre l’oreille, leur manière à eux d’aider en ces temps difficiles

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Comment vous est venue l’idée de mettre en place ce système d’aide en ligne et de hotline ? Avez-vous reçu beaucoup de demandes en ce sens ?
Nous pensons qu’il est tout à fait normal d’apporter notre aide à la population en ce moment. Cette période de confinement est difficile pour tous. Néanmoins, nous ne réagissons pas tous de la même manière et certains d’entre nous peuvent être particulièrement vulnérables, ne sachant pas comment évacuer cette angoisse. Il y a d’ailleurs la publication d’une enquête menée en Chine sur la détresse psychologique de la population sur General Psychiatry et une revue de la littérature sur les périodes de quarantaine, confinement et l’impact sur la santé mentale dans The Lancet qui abordent ce sujet. Tous préconisent la mise en place d’un service de soutien et d’accompagnement.
Vous êtes combien de professionnels et de quels domaines précisément ?
Nous sommes une vingtaine pour le moment mais nous avons d’autres collègues qui s’organisent pour nous rejoindre bientôt. Nous sommes essentiellement des psychologues/psychothérapeutes de diverses spécialités – clinique, sociale, développement
Au vu de la situation actuelle, quels sont les signes de stress à ne pas négliger ?
Chacun réagit différemment à une situation de stress ou d’anxiété. On ressent alors de la peur et de l’inquiétude pour sa santé ou la santé des proches, changement dans les rythmes de sommeils (difficultés d’endormissement, insomnie), difficultés de concentration, augmentation de la prise de substances (alcool, tabac, drogues). Aussi, il peut y avoir des effets sur notre corps dans la mesure où notre métabolisme est chamboulé par les modifications de rythme biologique (nutrition, sommeil).
Dans le cas de personnes avec des problèmes respiratoires et qui pourraient se retrouver en difficulté en situation de stress, que faire ?
Contacter son médecin traitant. Il y a aussi des techniques de respiration pour se recentrer sur une respiration abdominale lente et régulière. Pour cela, voir des vidéos sur YouTube pour apprendre à le faire, comme le font les chanteurs. Il y a aussi des exercices de relaxation musculaire ou encore faire une activité qui demande de la concentration.
Concernant les personnes déjà souffrantes et qui sont suivies médicalement, comment cela se passe-t-il au niveau de la prise de médicaments et des rendez-vous ?
Les psychologues ne peuvent prescrire des traitements médicamenteux. Seuls les psychiatres et les médecins le peuvent. Je pense qu’à leur niveau, certaines dispositions ont dû être prises dans l’intérêt du patient. Mes collègues psychologues et psychothérapeutes ont maintenu les suivis individuels de leurs patients par videocall, et ce, en fonction des urgences et de la nécessité de ces suivis.
Pour ce qui est des enfants, comment les rassurer ?
Ça dépend de l’âge, mais il ne faut surtout pas leur cacher les choses. Expliquer calmement et simplement ce qui se passe. Ne pas avoir peur de leur faire part de ce que vous ressentez pour qu’ils puissent apprendre comment gérer comme vous le faites. Mettre en place des routines, un planning pour la journée, leur donner des responsabilités dans la maison pour les occuper prendre ses décisions ensemble avec eux – les impliquer et leur donner l’importance qu’ils méritent, surtout dans ces moments difficiles (les enfants peuvent nous aider nous aussi à surmonter cette épreuve). Cela s’applique aussi aux personnes âgées. Prendre le temps d’écouter ce qu’elles ressentent elles aussi. Il faut penser à leur apporter des informations claires sur ce qui se passe actuellement. Cela s’applique à tous : ne pas trop s’exposer aux informations qui circulent sur les réseaux sociaux et suivre essentiellement les points de presse ou se fier à des informations officielles (ministère, OMS).
Quid des enfants autistes ou autrement capables ?
Les mêmes principes peuvent être adaptés pour les enfants autistes ou présentant un handicap (intellectuel ou moteur) selon la sévérité de leur handicap. Les enfants autistes sont très ancrés dans leurs routines et le changement peut être difficile à gérer pour eux. Il est nécessaire de prendre le temps pour leur expliquer à travers des petites histoires, des images ce qu’il se passe et de continuer à faire des petites activités pour stimuler leur développement. Rester en contact avec son thérapeute (orthophoniste, ergothérapeute, physiothérapeute, psychologue).
Pour ce qui est de la cellule familiale confinée, que faire en cas de tension, voire de violence et d’abus ?
Il existe un numéro d’urgence pour cela (le 139), mais la situation étant telle, les actions et interventions sont difficiles. Nous sommes là dans le cadre de la hotline pour écouter ces personnes et tenter de faire au mieux pour les aider dans ces circonstances. Il existe aussi d’autres plateformes comme Stop Violans Kont Fam ou le Kolektif Drwa Zanfan Morisien.
Le confinement dans le long terme, vous l’avez dit, pourrait avoir des effets sur notre santé mentale. Quelques astuces ?
Il est en effet possible que cela se transforme en stress post-traumatique avec des symptômes comme le fait de revivre ces événements, adopter des comportements d’évitement (éviter le sujet, détourner la conversation), avoir l’impression d’être toujours en danger, insomnies, troubles émotionnels, troubles alimentaires, etc. Il est important de tenter de garder une bonne hygiène de vie : alimentation saine, éviter l’alcool, faire du sport (il existe beaucoup de vidéos d’activités qu’on peut faire à la maison). Mettre aussi en place une bonne routine avec les enfants, varier les activités avec eux (autres que les écrans), prendre du temps en famille, c’est l’occasion (ne vous renfermez pas sur les réseaux sociaux), connectez-vous plutôt avec votre famille et vos amis (WhatsApp, videocall ). Nous nous devons d’agir de manière empathique, bienveillante et de rester centrés sur les besoins de chacun.

Parler en toute confidentialité

Pour obtenir une assistance téléphonique rapide et directe avec des professionnels en psychologie, et ce, gratuitement, il suffit de communiquer via WhatsApp votre nom, âge et le numéro sur lequel vous joindre au +230 5865 4000 ou par SMS au 5455 3169. Vous serez ensuite dirigé vers un professionnel qui vous contactera dans les meilleurs délais. Avec le professionnel, vous aurez le choix entre un appel simple ou un appel vidéo. Toute information, ainsi que votre identité seront confidentielles, en vertu du respect des codes de déontologie. « La peur, l’inquiétude, le stress, la violence, le couple, les enfants, autant de sujets ou de questions qui peuvent vous habiter. Nous sommes là pour vous écouter et vous entendre. Une parenthèse dans ce quotidien inconnu pour vous aider à rester en lien avec vous-même et avec vos proches », est indiqué dans le communiqué officiel.

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