Mgr Ian Ernest évoque ses deux ans au Centre Anglican de Rome : « Une expérience unique et différente »

De passage à Maurice, Mgr Ian Ernest, ancien évêque de Maurice et archevêque de la Province de l’océan Indien, a bien voulu rendre compte pour Week-End de son expérience à la direction du Centre Anglican de Rome… « Unique et différente », dit-il, eu égard aux responsabilités.

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Cela fait deux ans que vous êtes à la direction du Centre Anglican de Rome. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Une expérience unique et différente vu que la responsabilité qui est la mienne aujourd’hui a une envergure internationale, œcuménique et ambassadoriale. J’ai dû développer au fil des mois de la patience pour que je m’adapte à mon nouveau rôle au cœur d’une nouvelle culture religieuse, sociale et linguistique. Et durant ce temps, le Covid 19 a frappé à notre porte et nous avons fait face comme tout le monde à une situation d’incertitude et de confusion, surtout que l’Italie a été durement touchée. Mais à chaque crise qui afflige l’être humain, il est important de veiller à des lueurs d’opportunités qui se profilent à l’horizon, afin que nous puissions transformer des situations d’incertitudes en des situations d’espérance. Heureusement, par la grâce de Dieu et avec la collaboration de tout un chacun, nous avons pu déceler des alternatifs pour que l’œuvre du Centre Anglican de Rome puisse continuer. La vision primaire du Centre est de construire des ponts et d’insuffler un bon esprit de collaboration entre les institutions anglicanes et catholiques. Il sert comme un lieu de rencontre et sa vocation est de témoigner par des actions et des énonciations concrètes une collaboration qui soit visible dans un monde divisé, confus et désespéré, où il y a une soif de communion, d’espérance et de respect. Le défi était important, mais avec l’apport de la technologie de la communication, nous avons pu maintenir notre rôle comme un lieu de dialogue, de rencontre, de prière et la responsabilité ambassadoriale que nous cumulons aussi. Par les Webinars, Facebook, Twitter, nous sommes capables aujourd’hui d’atteindre des milliers de personnes à travers le monde. Une expérience qui m’a profondément remué, car malgré l’isolement, de nouvelles amitiés se sont construites et la présence divine au cœur de nos vies ne cesse de me surprendre.

Pouvez-vous nous faire un bref historique de l’ACR ?

Le Centre Anglican de Rome incarne la présence permanente de la Communion Anglicane à Rome. Il reflète de manière concrète l’engagement de la Communion Anglicane pour l’unité visible de l’Église. Il a été créé en 1966 après la rencontre historique entre le Pape Paul VI et l’Archevêque de Cantorbéry, Michael Ramsey. Durant cette rencontre, le Pape prit son anneau épiscopal pour le mettre au doigt de l’Archevêque. Ce geste a symbolisé l’amitié entre deux leaders chrétiens et l’espérance que ce même amour puisse transformer la relation entre les deux églises. Le Centre Anglican a joué un rôle fondamental dans ce processus de transformation. Le Centre est chargé de développer et de consolider une relation d’amitié et de compréhension entre les deux églises.

Quelles ont été les lignes motrices de votre action depuis que vous dirigez l’ACR ?

La vision et la mission du Centre Anglican de Rome sont déjà établies et ma tâche est de les adapter aux défis et aux opportunités que nous avons aujourd’hui : à être le porte-parole de l’Archevêque de Cantorbéry et traduire sa vision en des conversations et actions concrètes. Cela implique des visites aux différents dicastères du Vatican pour initier des relations d’amitié et de connaître le travail qu’ils font. Comme un lieu de rencontre, d’hospitalité, de dialogue et de prière, notre plan d’action se place sur plusieurs fronts :

Une collaboration plus active avec le Conseil Pontifical pour Promouvoir l’Unité Chrétienne et les Institutions Académiques de l’Église Catholique. Dès l’année prochaine, des visites d’études pour des séminaristes anglicans à Rome organisés conjointement par le Conseil Pontifical et l’ACR débuteront et des échanges plus fréquents sur le plan académique sont actuellement envisageables.

Vu qu’un esprit de collaboration ne cesse de s’intensifier, certains projets ont été réalisés : une conférence a été organisée en mai de cette année avec le Dicastère pour le Développement Intégral Humain pour donner la voix aux îles Nations où nous nous sommes penchés sur les défis du moment : le Covid 19, le Changement Climatique et la fragilité économique de ces états insulaires.

Chaque mois, nous recevons de hauts dignitaires de la hiérarchie catholique qui participent aux célébrations liturgiques du Centre Anglican. Cet échange de Parole est non seulement instructif, mais combien enrichissant pour l’épanouissement de notre cheminement spirituel.

La stratégie globale du Centre Anglican est de soutenir la mission qui nous est confiée par le Christ. Il nous appelle à être des compagnons dans la Mission. Cela fait de ce lieu une plateforme unique pour favoriser une plus grande collaboration entre les Églises.

Depuis que je suis à Rome, j’ai ressenti le besoin de consolider le travail œcuménique en développant un œcuménisme spirituel. La prière au cœur de toute action œcuménique, car c’est par ce chemin que se vivra la réconciliation entre les Églises.

Quels sont d’après vous les progrès enregistrés ces derniers temps dans le dialogue entre Rome et Cantorbéry ?

Si nous mesurons  les progrès accomplis depuis 1966, on peut se réjouir du climat de confiance, de compréhension, de collaboration et de respect mutuel qui existe entre nos deux Églises. Depuis Vatican II et les décrets sur l’œcuménisme, nous avons fait de grands pas allant à la reconnaissance du baptême de l’autre et de la possibilité de collaborer, de dialoguer en vue de susciter une amitié pour un œcuménisme d’action. Les discussions sur les points de doctrine font leur chemin et il nous faut être patients, mais persévérants. Il suffit d’un engagement sérieux à ce que Jésus désire : “Que tous soient UN”.

 L’ACR se préoccupe-t-il du dialogue interreligieux dans son sens le plus large ?

Il nous faut tout d’abord reconnaître que notre mission primaire est de proposer le message de l’Évangile qui nous révèle l’Amour de Dieu et une Nouvelle Vie en Christ. Au cours d’une rencontre entre le Pape François et le Grand Imam Al-Tayebb le 4 février 2019 à Abu Dhabi, une déclaration commune a été émise et elle est interpellante : “God has created all human beings equal in rights, duties and dignities, and has called them to live together as brothers and sisters.” Comme un Centre qui prône le dialogue, nous ne pouvons être insensibles à la démarche interreligieuse, car elle peut façonner la Fraternité : rien ne peut remplacer le dialogue. Toutes les religions ont la responsabilité et le rôle de s’engager dans des conversations avec intégrité et respect. Ainsi, il est de notre devoir d’encourager la collaboration entre les uns et les autres pour réaliser la vision pour un monde où la justice, la paix règnent en vue de favoriser une société harmonieuse.

Comment appréhendez-vous les années à venir ?

Nous ne sommes que des instruments qui sont choisis par Dieu pour une mission spécifique et c’est par sa grâce que nous pouvons accomplir des choses pour son honneur et sa gloire. Il nous faut être obéissants à sa volonté et fidèles à la confiance placée en nous. Ainsi, notre avenir est dépendant du choix que nous faisons.

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