Jusqu’à quand…

Encore une nouvelle manifestation hier de ce qu’un gouvernement et ses laquais peuvent faire pour essayer, pour les uns, d’influencer les électeurs et, pour les autres, de conserver leur position lucrative. C’était à Tyack où une compagnie d’Etat inaugurait un centre de fitness connu comme le MUGA, le Multi Use Games Area. Et, bien entendu, le Premier ministre était, pour l’occasion, “l’invité d’honneur” de son pote Sherry Singh, le nominé politique qu’il a installé à la tête de Mauritius Telecom. A cette activité de MT Foundation, une émanation de MT, donc d’une entreprise publique censée observer une stricte neutralité en toutes circonstances, il y avait des symboles partisans, des banderoles orange et des portraits du Premier ministre. Bref, une sortie organisée avec l’argent des abonnés de MT de toutes les couleurs et de toutes les préférences pour favoriser l’actuel Premier ministre et un candidat à sa propre succession. Et, pour couronner le tout, il y a évidemment la caisse de résonance de la MBC pour diffuser ad nauseam des images du Premier ministre et des personnes qui lui offraient des fleurs. L’Etat, c’est le Sun Trust et c’est l’alliance MSM/ML. Cela semble être devenu le leitmotiv de ceux qui nous gouvernent. Ce Mauritius Telecom de l’ami chéri Sherry Singh s’est mis au service exclusif de Pravind Jugnauth. Il faudra un jour faire le bilan de tout ce que cette compagnie publique a organisé à Quartier-Militaire/Moka, la circonscription du Premier ministre. Des molletons distribués aux postes de travail accordés aux agents et à leurs familles en passant par les bouteilles isothermes (Thermos), les gâteries en tous genres n’ont pas manqué. Il n’y a qu’à tendre un micro ou même une oreille pour que les langues des habitants du No 8 se délient. Ici, on parle de contrat accordé par MT à un agent politique pour des travaux d’élagage ou de peinture. Et lorsque ces agents sont interrogés, il n’est pas rare qu’ils désignent ceux de leur propre camp qui ont obtenu des contrats plus conséquents. Ne parlons pas d’emploi et ne nous attendons pas que l’Equal Opportunities Commission se penche sur les recrutements partisans massifs effectués depuis 2015. Les responsables de cet organisme en hibernation permanente devraient, d’ailleurs, songer à rendre leurs salaires publics, parce qu’ils ne font rien, sont incapables d’assurer que les Mauriciens ne soient pas discriminés sur la base de l’affiliation politique et géographique lorsqu’il s’agit d’emploi dans le public. On connaissait le scandale des recrutements au CEB, à la CWA, à la Waste Water Management Authority et à la Santé dans les circonscriptions d’Ivan Collendavelloo et d’Anil Gayan, on vient de découvrir, après les dénonciations du directeur de l’Audit, qu’il y a eu plus de 3 000 personnes embauchées depuis 2015. Peut-on imaginer ce que cela suppose comme bribe à l’emploi, comme discrimination envers les plus méritants. Au No 8, on peut vous montrer n’importe où qui a eu un job à MT, à Airports of Mauritius ou dans la police. Et on va ensuite s’étonner du nombre de jeunes agents impliqués dans toutes sortes de délits, parce qu’ils ont été recrutés sur des critères autres que la méritocratie. Au lieu de promettre les étoiles et la lune sur les estrades du 1er-Mai pour tenter de soudoyer l’électorat et acheter sou adhésion, nos dirigeants politiques devraient commencer avec ce qui ne coûte rien aux contribuables, mais qui enrichit et approfondit notre démocratie. Comme donner à des institutions le pouvoir d’assurer que ceux qui gouvernent aujourd’hui, comme ceux d’hier d’ailleurs, n’abusent pas de leur position et des facilités de l’Etat pour s’accorder des privilèges indus et qui les avantage aux dépens de leurs adversaires. A ce titre, le temps est venu de revisiter le rôle de la Commission électorale qui est restée figée depuis l’indépendance. L’institution est une des rares qui soit respectée dans ce pays. Il faut très vite la muscler pour qu’elle prévienne les dérives partisanes et qu’elle assure l’équité et la conduite véritable de “free and fair elections”. La plus grande démocratie du monde tient ces jours-ci des élections générales. L’Inde peut nous inspirer. Là-bas, c’est la Commission électorale qui fixe la date des élections. Ce n’est pas un Premier ministre qui a son propre calendrier partisan et qui croit choisir la date opportune pour sa réélection, même s’il peut se prendre une grosse et inattendue raclée. C’est SSR qui avait choisi la date du 11 juin 1982 pour des élections générales, il a pourtant été balayé. C’est SAJ qui a fixé la date des consultations populaires du 20 décembre 1995: il a été terrassé. C’est Navin Ramgoolam qui a appelé le pays aux urnes le 11 septembre 2000, il n’a obtenu que trois sièges et c’est aussi lui qui a fixé au 10 décembre 2014 la date du scrutin et cela ne l’a pas empêché d’être sèchement battu par des novices. Comme quoi, il est parfois nécessaire de protéger les apprentis monarques d’eux-mêmes. Il y a aussi ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas en matière de pratiques politiques. Jusqu’où et jusqu’à quand va-t-on accepter que ceux qui gouvernent aient plus de droits que leur vis-à-vis et que des citoyens qui ne courbent pas l’échine devant les puissants du jour soient pénalisés, voire martyrisés ? Dans des pays qui sont de vraies démocraties, il y a des instituts pour mesurer le temps de parole des intervenants politiques dans tous les supports audiovisuels et ceux qui sont lésés peuvent saisir l’organisme de régulation pour obtenir réparation. Ici, l’IBA ne roule que pour mettre les bâtons dans les roues des radios privées qui, à force d’être menacées de représailles, ont fi ni par perdre le mordant de leurs débuts et de leurs années de jeunesse. Ils ont gagné en sérieux, ils ont perdu en insolence et en audace. A bien voir, c’est, en fait, la démocratie qui est en état d’urgence.

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