L’affaire wakashio : tentative de damage control

Plus l’enquête de la Cour d’investigation sur le naufrage du Wakashio avance, plus les éléments troublants remontent à la surface Une des premières questions posées était la suivante : comment se fait-il qu’un navire de cette importance ait pu entrer dans les eaux territoriales mauriciennes et s’approcher de Pointe d’Esny jusqu’à s’encastrer dans le récif, sans avoir provoqué la moindre alerte ou réaction des autorités chargées de défendre le pays ? Les réponses à cette question basique semblent sortir des séries humoristiques mettant en exergue le dysfonctionnement de l’administration. On a ainsi appris que l’hélicoptère était en servicing, les radars pas tout à fait opérationnels, que les garde-côtes n’arrivaient pas à contacter le Wakashio et que la MPA ne laisse pas sortir ses équipements de sauvetage, même si un désastre maritime est en train de se produire une dizaine de kilomètres plus loin sur le territoire mauricien. Parmi les révélations de cette semaine, il faut retenir deux déclarations. Tout d’abord, celle d’un syndicat des employés du ministère de la Pêche qui déplore « qu’un radar qui détecte les mouvements des bateaux jusqu’à 12 milles nautiques ne soit utilisé que de 9h à 16h du lundi au vendredi ». L’échouement du Wakashio s’étant produit un samedi, il n’y avait donc personne devant les écrans de ce radar ! Eu égard aux heures de fonctionnement de ce radar, est-ce que cela signifie que pour le ministère de la Pêche un accident maritime ou un naufrage ne peuvent survenir que pendant les heures ouvrables de la semaine ?

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L’autre déclaration — un autre épisode de cette farce qui démontre l’ampleur de l’incompétence et l’amateurisme qui règnent dans certains départements du service public — s’est jouée en deux temps, cette semaine. A eu lieu au sein de la Cour d’investigation qui enquête uniquement sur les circonstances du naufrage. Formule qui a été préférée par le gouvernement à la place du comité d’élite parlementaire qui aurait enquêté sur l’ensemble du problème, ce que réclamait l’opposition. Mercredi dernier, devant la Cour d’investigation, un officier du CCID vient faire une déposition sous serment. Il affirme que le 25 juillet 2020, entre 18h et 19h25 le VRD, la boîte noire du Wakashio ,n’a enregistré aucun appel venant des garde-côtes mauriciens. Cette déclaration vient remettre en question la version officielle sur laquelle le Premier ministre s’est basé pour faire une déclaration au Parlement où il a affirmé que les garde-côtes avaient essayé en vain de contacter par radio du Wakashio lors de la soirée du naufrage. Et puis, quelques heures après cette déposition qui a fait du bruit, la police convoque une conférence de presse d’urgence. Un assistant-surintendant de Police vient déclarer qu’effectivement « en écoutant le VRD entre 18h et 19h25, le moment du naufrage, il n’y a aucun enregistrement d’une communication venant de la National Coast Guard ». Mais si c’est le cas, pourquoi organiser une conférence de presse pour confirmer ce qui a avait été dit quelques heures plus tôt, sous serment, devant la Cour d’investigation ? Parce que, explique l’ASP, un VRD sert à enregistrer les bruits ambiants de la salle de commande. Ensuite, il arrive que des manquements dans le système de communication en VHF entre les garde-côtes et un navire puissent survenir « si VHF bato off ou si so channel pas mem channel communiqué par NCG ou si so l’antenn déconnecté ou si pa envi tandé, li bess volum la net ». Il faudra qu’un jour cet ASP vienne expliquer pourquoi un navire en pleine mer aurait « mis off », « déconecté so lantenn » ou « bess volum la net » de son instrument de communication lui permettant de naviguer en conservant le bon cap !

En attendant, l’ASP avait révélé le vrai sujet de sa conférence de presse, visiblement improvisé. Car, a-t-il soutenu, même si la boîte noire du Wakashio n’a enregistré aucun appel, les officiers de la NCG affirment qu’ils en ont fait plusieurs comme leur log book en atteste. Cette conférence de presse avait visiblement pour but de proposer une interprétation des faits qui donne à la fois raison aux garde-côtes, mais aussi à l’officier du CCID qui avait déposé en cour. En fin de compte, tout ce cirque ne serait en fait qu’une grossière tentative de damage control. Ce qui donne toute sa pertinence à la question que Me Yusuf Mohamed pose plus loin dans cette édition : qui la police cherche-t-elle à protéger dans l’affaire Wakashio ?

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