Le mauvais exemple

La panique est de retour et les souvenirs douloureux de l’année dernière viennent de nouveau hanter les Mauriciens. Ni plus Covid-safe, ni plus Covid-free et déjà onze cas locaux positifs identifiés depuis hier après un foyer découvert dans l’entreprise d’un importateur de fruits.

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Comme le début de la pandémie en France, il y a un lieu de culte qui pourrait avoir été ou être le départ de la propagation du virus et ceux qui ont assisté à l’office religieux ont été priés de se faire connaître. Est également concerné, pour le moment, le personnel d’un supermarché du complexe Manhattan où ce serait rendu un des cas positifs recensés.

On ne sait pas quelle est et quelle sera l’étendue de cette résurgence pandémique. Il faudra attendre les résultats des tests effectués sur les cas contacts des six personnes infectées jusqu’ici, mais si elle se répand, ce sera aussi parce qu’il y a eu un relâchement total dans l’observance et le respect des gestes barrières. Et, pire, si le petit peuple a osé prendre des libertés avec les mesures de précaution, c’est parce que le mauvais exemple est venu d’en haut.

Nous avons été personnellement témoin d’un incident survenu vendredi de la semaine dernière où une dame, à qui l’officier de sécurité d’un commerce, à Curepipe, précisément, faisait remarquer qu’elle ne portait pas de masque, a très vivement réagi à ce rappel à l’ordre. «Ou pa get television missié? Ou pa kone ine aret met mask? Ki mask ki ou pe koze ar mwa? Ou pa ine trouvé yer (jeudi) ki madame premier minis mem pa mete, ine al dan enn gran fet (Cote d’Or) et ni li ni personn pa ti met mask laba?» A-t-elle lancé très remontée. Comme d’autres dames appuyaient les récriminations de la protestataire qui lançait «koumsa mem dan sa pei la, lalwa zis pou ti dimoun, zot zot fer saki zot anvi kan zot anvi», l’officier de la sécurité a fini par la laisser entrer et c’est ainsi que tout le monde se baladait, soit sans masque, soit avec la protection censée être obligatoire, enroulée dans le cou.

Et c’est un fait que lors de ce rassemblement tenu à Côte d’Or, le jeudi 25 février et qui, en plus, était centré sur une bonne hygiène de vie et une alimentation plus saine pour prévenir les maladies non transmissibles, l’épouse du Premier ministre ne portait pas de masque. Et c’était aussi le cas pour le ministre de la Santé, lui-même, Kailash Jagutpal. Bel exemple, en effet.

Et le plus paradoxal, voire ironique, c’est que le Conseil des ministres du lendemain, le vendredi 26 février, décrétait que «the public should continue to observe strict sanitary precautions». A moins que «the public» ne s’adresse qu’au commun des mortels et pas aux princes d’opérette et autres quasi-monarques issus de clans familiaux qui règnent en ce moment comme si l’île Maurice était leur propriété exclusive.

Et, malgré cette injonction ministérielle, rebelote dimanche 28 février. On ne sait pas si un participant à l’office de Curepipe a sauté dans un autobus pour aller fêter la Femme au centre Swami Vivekananda où le Premier ministre déambulait sans masque parmi de vieilles dames au visage découvert, mais c’était, là aussi, un très mauvais exemple donné à la population à qui il a été, une nouvelle fois, demandé ce vendredi 5 mars de «continue to observe strict sanitary precautions».

Et comme nous en sommes au rassemblement de dimanche dernier devant un auditoire féminin, comment ne pas dénoncer le niveau du discours public, notamment celui du Premier ministre, même s’il n’est pas le seul à emprunter un vocabulaire hargneux et violent. «Laisse zot zapé», «Bandit». C’est ainsi qu’on parle aux femmes? Et l’on s’étonne qu’il y ait tant de comportements agressifs dans le pays, tant de violence gratuite au quotidien? Devant ses partisans, à la municipalité de Vacoas mercredi, même tonalité, avec référence aux «esclaves» suggérant ainsi qu’il existerait encore des «colons» à Maurice.

Alors même que le seul esclave autoproclamé n’est nul autre que Showkutally Soodhun qui déclarait en 2016 être disposé à «travay esclav pou SAJ lanwit ek lizour, mem si li bat mwa, li zour mwa, maltret mwa». Enfin, le discours n’a pas changé et l’ambassadeur qu’il est devenu aujourd’hui se permet même de faire le tour des plateaux teintés d’orange pour tenir des propos partisans. La réserve du diplomate, connais pas.

Oui, il y a un gros problème de qualité de l’adresse publique et du discours politique à Maurice. Certains sont dans l’incapacité de faire valoir leurs idées et leurs arguments sans vociférer, sans attaque personnelle, souvent sur les origines de la personne ciblée et sans vulgarité. On peut être ferme, mais garder son calme. C’est d’ailleurs la meilleure façon de se faire entendre. Et espérer pouvoir convaincre.

La culture du débat, malgré l’avènement des radios privées depuis 2002, est encore au stade embryonnaire. Les réseaux sociaux servent aussi de lieu de défoulement pour les internautes qui veulent apparemment entrer en compétition directe avec certains politiques de bas étage.

Rares sont les posts qui sont le fruit d’une réflexion et d’un point de vue contradictoire décliné sur un ton correct. En guise d’arguments, c’est souvent une bordée de jurons, d’insinuations malsaines et d’insultes gratuites.

A cet effet, l’Assemblée nationale, le temple supposé de la démocratie, projette une bien piètre image de ce que doivent être des délibérations sérieuses et civilisées. A la rentrée parlementaire, le 23 mars, il y aura un nouveau leader de l’opposition, Xavier Duval, qui prend la suite d’Arvin Boolell.

Tout ce qu’on espère, c’est que ce ne sera pas la foire d’empoigne honteuse et le spectacle affligeant qu’il nous a été donné de voir ces dernières années et depuis 2019 surtout. Il n’y a pas que nous qui suivons les travaux du Parlement. Ils peuvent être vus partout dans le monde. Un peu de retenue ne serait pas de trop. Question de ne pas flétrir davantage l’image nationale.

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