Le prix de la désinvolture

Tous les jours une nouvelle glaçante. Si ce n’est une information sciemment dissimulée. Le Premier ministre, qui s’est fait longuement attendre mardi pendant que la population angoissait, est venu avec une révélation de taille qui a provoqué de l’émoi et de l’effroi dans tout le pays: le virus circulerait dans la communauté locale depuis le début de février. Ah bon !

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Qu’est-ce qui lui permet d’évoquer cette période précise? Depuis quand est-il en présence de cette information? Depuis longtemps et pourquoi n’y a-t-il pas eu de mise en garde et de rappel général aux mesures de protection pour le grand public? Ou n’est-ce que très récemment, après la découverte des premiers cas le 5 mars que Pravind Jugnauth a fait cette découverte?

Voilà autant de questions auxquelles la population aurait souhaité avoir des réponses très claires et très vites. Parce que, si c’est confirmé que le virus est présent en interne depuis cette date, c’est grave. D’autant qu’il y a eu depuis cette période un grand relâchement.

Il y a eu des mouvements importants de personnes et, souvent dans des lieux clos, depuis début février. Il y a eu la manifestation du 13 février où ils étaient assez nombreux à ne pas porter le masque, parce qu’il fallait crier «BLD» ou «BZTD», le lancement du Muvman Patriot Morisien d’Alan Ganoo, le 21 février, le rassemblement de Bambous pour préparer celui de Côte d’Or, la fête des femmes à Pailles le 28 février, la réunion élargie de l’exécutif élargi du PTr le 2 mars à Phoenix, la réunion du MSM le 3 mars à la municipalité de Vacoas, des régions aujourd’hui considérées comme faisant partie de celles qui sont à haut risque et qui sont astreintes à un confinement territorial strict.

Dans toute cette séquence, ce qui est peut être pire, c’est qu’on ait permis, après la découverte de huit cas dès samedi, des processions de pèlerins et une convergence vers Grand-Bassin. Alors que tout le monde sait qu’ils sont très nombreux les dévots de la périphérie de Curepipe à traverser la ville pour se rendre au Lac sacré. Ceux qui doivent emprunter la Route du jardin ou la rue Fédéric-Bonnefin en sont les premiers témoins.

Or, ce n’est que quelques heures avant le confinement général qu’il a été demandé à tous les pèlerins de rentrer immédiatement. Lorsqu’on a affaire à un virus dangereux et aussi contaminant, on ne tergiverse pas, on ne transige pas et on ne fait surtout pas de politique.

Tous, sans distinction, sont logés à la même enseigne, la religion et ses rites, aux allures de plus en plus carnavalesques, ne peuvent, en aucun cas, avoir le dessus sur les exigences de la santé publique et de la sécurité sanitaire. Viris pa get figir!

Un autre aspect de la pandémie qui suscite des inquiétudes parfaitement légitimes est l’évolution des variants. Il a fallu attendre un sujet relayé par France 24, le 11 mars, pour découvrir que les variants sud-africains et anglais étaient déjà présents chez nous.

Cela, personne ne nous l’a dit. Et pourtant, le gouvernement le sait depuis qu’il a reçu les résultats des analyses réalisées à l’étranger et effectuées sur des passagers entrants se trouvant en quarantaine. Pourquoi ne pas nous avoir informés de ce fait?

Pour ne pas admettre que nous sommes dans un pays étrange où l’on peut signer un accord de Rs 380 millions avec un club anglais — qui dégringole dans le championnat et que certains petits plaisantins, fans de Liverpool, attribuent au «Soy Boy», comme est décrit le Premier ministre dans sa version caricaturale — et disposer d’un éléphant blanc de Rs 4,7 milliards et ne pas disposer de séquenceurs capables d’identifier les variants et d’autres équipements nous permettant de mieux faire face à la pandémie?

Le variant anglais a été identifié depuis septembre 2020. Celui de l’Afrique du Sud, juste à côté de chez nous, dès décembre. Qu’a-t-on fait à part nous bombarder du « Covid-free » et du « Covid-safe » ? Rien. Même lorsque, dans l’opposition, des élus réclamaient publiquement du ministère de la Santé qu’il dise comment le pays était organisé pour identifier les nouveaux variants. En guise de réponse, des déclarations approximatives ou contradictoires de Kailesh Jagutpal et de Catherine Gaud.

Même chose pour les vaccins. Xavier Duval s’époumonait l’année dernière pour insister que le gouvernement procède à des précommandes. Là aussi, rien et, pire, lorsque le leader du MMM a relancé le sujet en janvier dernier, Madame Gaud décrétait qu’il n’y avait pas d’urgence.

Et, aujourd’hui, nous payons le prix de la désinvolture avec la découverte de 99 cas, sans savoir qui est le patient zéro et après avoir dit que la source de la nouvelle vague était peut-être sur les emballages d’un importateur de fruits, c’est la chasse au variant avec des échantillons envoyés à l’étranger pour des résultats qui ne vont pas tomber aussi rapidement que si nous pouvions les réaliser nous-mêmes. A-t-on vraiment exploré les possibilités d’analyse ici même dans le privé après qu’un laboratoire a dit qu’il était en capacité de procéder au séquençage? On n’en sait toujours rien. Les autorités fonctionnent au jour le jour, réagissent au lieu de prévenir et de prévoir.

A moins que l’on attende une hôtesse de l’air, le beau-frère du directeur nommé par le ministre, le quincaillier ou le bijoutier fassent des offres pour fournir les équipements requis à des «prix de confinement», tels que pratiqués lors de la première «vaguelette», selon la description de Madame Gaud qui a, néanmoins, fait 10 morts. Il fallait attendre que le tsunami nous submerge pour prendre les devants?

Le drame de ce pays, c’est qu’il est malade d’un virus encore plus paralysant, celui de la politicaille. Aucune suggestion de bon sens venant d’un opposant, d’un esprit indépendant ou de la presse n’est jamais retenue. Même lorsqu’il s’agit d’une grave menace pesant sur la santé publique, ce sont les fantasmes de la coterie, recrutée pour ses capacités à glorifier le Premier ministre, qui ont préséance. Quoi qu’il en coûte! Que c’est désespérant!

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