L’esclavage existe encore !

Comme de coutume, des cérémonies ont été organisées pour commémorer l’abolition de l’esclavage à l’île Maurice, le 1er février. Quand ils sont en alliance, tous les politiciens se retrouvent au Morne, où la cérémonie protocolaire est organisée. Comme d’habitude, un dignitaire étranger est invité, de préférence un dirigeant d’un pays d’Afrique, continent victime de la traite négrière. Comme d’habitude, les partis dans l’opposition ne sont pas allés au Morne et ont organisé leur propre cérémonie autour du monument érigé à Pointe-Canon, à Mahébourg. Le MMM y est allé le matin, le PTr dans l’après-midi et le PMSD entre les deux. Les représentants de ces partis ont tout fait pour ne pas se retrouver ensemble à Mahébourg. Non seulement ils ne se supportent pas, officiellement, mais il ne serait pas bon qu’on les retrouve ensemble sur une photo en ce début d’année préélectorale où aucun parti ne veut officiellement aborder la question d’une alliance électorale, mais dont tous parlent en privé. Chacun y est allé, dans son discours officiel, de sa tentative de récupérer la célébration à des fins politiques. De ce point de vue, le leader du PTr est hors concours avec sa mise en garde contre « l’esclavage mental », tout en pointant du doigt les électeurs qui acceptent des bribes électoraux. Après ce qui s’est passé pendant les derniers mois de 2014, avec un PTr essayant d’acheter tous les votes qu’il pouvait, il faut admettre que, soit Navin Ramgoolam a un sacré toupet, soit il a oublié certains épisodes de son récent passé ! Au Morne comme à Mahebourg, les discours ont suivi les dépôts de gerbes et, tout en faisant attention au contenu de leurs discours, les leaders ont abordé le même sujet : la construction du futur musée de l’esclavage dont les travaux ne démarrent toujours pas. Les leaders des partis de l’opposition ont condamné le gouvernement pour ce retard, tandis que le Premier ministre a promis que le projet serait bientôt réalisé. Renchérissant sur ce propos, un des comiques qui répètent les déclarations du Premier ministre, lors de la conférence hebdomadaire du samedi, a affirmé que le « musée de l’esclavage sera construit par le MSM ». Encore un qui confond l’Etat et le parti du gouvernement actuellement en place.

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Tous ceux qui ont pris la parole lors de la commémoration ont condamné l’esclavage, ce système inique mis au point par des hommes pour transformer d’autres hommes en machines à travailler au profit de leurs propriétaires, les esclavagistes. A écouter ces discours, on aurait pu penser que l’esclavage est un système du passé révolu. Malheureusement, des formes d’esclavage existent encore en ce début du 21e siècle et, qui plus est, dans cette île qui célébrait en grande pompe, vendredi dernier, le 184e anniversaire de son abolition. Pas plus tard que la semaine dernière, la presse se faisait l’écho du fait que 36 travailleurs bangladais s’étaient rendus au ministère du Travail pour se plaindre des conditions dans lesquelles ils vivent à Maurice depuis neuf mois. Conditions qu’ils dénoncent depuis des mois à la police et qui n’ont jamais été prises en considération. Ces travailleurs disent être « traités comme des chiens »,subissent « un traitement inhumain », qu’ils vivent sans eau courante depuis six mois et doivent aller s’approvisionner à la rivière du coin. Ces ouvriers disent habiter dans un « poulailler », c’est-à-dire une seule pièce sans toilettes et doivent aller faire leurs besoins dans les buissons des environs. Non seulement ces travailleurs étrangers sont maltraités, mais ils ne sont pas payés régulièrement selon les termes de leur contrat. Et quand ils vont réclamer leur salaire, qu’ils doivent envoyer au Bangladesh pour permettre à leurs familles de vivre, ils se font battre par les amis du village du patron. Un patron qui semble avoir le bras long, et les connexions nécessaires, puisqu’en dépit des plaintes, il continue à vaquer à ses occupations sans être inquiété par le ministère. Et ce, alors qu’un travailleur qui réclamait son salaire et son bonus a été tout simplement déporté du jour au lendemain. Ce que vous venez de lire ne s’est passé au siècle d’avant, mais la semaine dernière, à quelques jours avant la commémoration de l’abolition de l’esclavage, système dénoncé, mais qui, semble-t-il, continue à exister pour certains à l’île Maurice.

Jean-Claude Antoine

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