Mettre Paris en bouteille

Les huit semaines de suspension infligées avec fermeté au jockey Yashin Emamdee pour n’avoir pas monté le cheval de l’entraînement Maingard, Alshibaa, à la satisfaction des commissaires — en sus qu’elle soit assortie de deux fautes d’interférence sur Perplexing dans la même épreuve — viennent gravement ternir l’édition 2020 du Golden Trophy, dernière épreuve préparatoire à la plus prestigieuse épreuve du calendrier hippique mauricien, la Maiden Cup, qui aura lieu le 4 octobre.

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La course de samedi dernier était l’occasion rêvée pour la concurrence — à la faveur de la différence de poids très favorable contre l’archi favori et champion White River — de contester sa marche triomphale au firmament des courses mauriciennes. Parmi les prétendants, il y avait surtout Alshibaa, emmené au summum de sa forme pour cette course afin de profiter de la moindre défaillance du top-weight qui visait à cette occasion sa huitième victoire en neuf sorties. Mais au final, White River, sur lequel Derreck David a monté une course parfaite, ne s’est pas fait prendre et s’est imposé avec facilité, beaucoup plus que la petite longueur officielle affichée sur les tablettes.

Mais avec la sanction sévère adressée à Emamdee, la question se pose de savoir si Alshibaa aurait pu ou pas inquiéter davantage le vainqueur de l’épreuve, White River, si son jockey avait suivi les instructions de l’entraîneur Ricky Maingard, qui fulminait après la course et pour cause. Il est toujours difficile de répondre à ce type de questions, car nous savons tous qu’avec des « si », on aurait pu mettre Paris en bouteille. Mais il y avait de quoi nourrir des regrets légitimes, même si notre impression profonde était que White River a été tout au long de la course en contrôle total. En tout cas, sur sa prestation de samedi dernier et l’impression de facilité qu’il continue à dégager, en tant que champion naturel, le crack de France Law et Chandra Gujadhur force l’admiration et le respect. Et ce n’est que justice que ses jockeys ont toujours eu raison de pointer leur doigt vers le cheval entraîné par le tandem Rameshwar-Subiraj Gujadhur comme pour rappeler au public que c’est le cheval qui est exceptionnel. En tout cas, sur cette prestation et l’égalité au niveau du handicap, on se demande si le Maiden 2020 ne se résumera pas par être une one-horse race sur la piste bien sûr, mais aussi sur le programme officiel.

Pour en revenir au dérapage d’Emamdee, ce qui est rageant et regrettable, c’est qu’il n’y aura pas de suite à ce nouvel écart majeur de ce jockey mauricien qui n’en est malheureusement pas à sa première incartade d’envergure sur la piste du Champ de Mars. On le sait depuis longtemps, les commissaires de courses du MTC ont renoncé à aller au-delà de la piste pour chercher les causes profondes qui poussent les jockeys à sortir de leur rôle. Avec l’arrivée et la Gambling Regulatory Authority (GRA) et sa police des jeux, et de surcroît la mise sur pied d’un Integrity Department, le MTC s’est complètement lavé les mains de cette responsabilité. Et maintenant que la GRA s’est débarrassée inhumainement de Paul Beeby — dont les services ont déjà été retenus par une juridiction hippique plus importante que la nôtre —, il n’y a plus personne pour enquêter et déterminer s’il y a ou pas complicité externe avec la monte scandaleuse du jockey Emamdee. D’où l’absence d’initiative venant de la GRA, qui s’excite pourtant comme un puceau dès qu’il s’agit de peccadilles impliquant des mal-aimés — comme ce fut le cas pour le jockey Juglall, qui n’a pour stigmate que de monter pour la prestigieuse écurie Rousset —, mais qui retrouve sa nature d’impuissant quand les fauteurs sont de son bord. S’il fallait encore une preuve que la GRA pratique une politique de deux poids, deux mesures, son silence assourdissant sur l’affaire Emamdee est probant. D’autant que le jockey a un casier de sanctions très lourd dans un passé qui lui a aussi donné une certaine gloire. En 2010, il fut interdit de monter pendant dix semaines pour sa monte choquante sur Shakleton, six semaines pour sa mauvaise monte sur Glorious Goodwood (2017) et enfin 20 semaines pour sa monte coupable sur Light Scuffle (2006), sur lequel il avait enlevé, en pleine course, les étriers. Il est sans doute l’heure de baisser le rideau !

La GRA demeurera un boulet bien encombrant dans les jambes du gouvernement, de par la politique qu’elle pratique sous le directoire d’un duo d’incompétents qui ont une oreille très attentive de leur hiérarchie au PMO. Ils ont pourtant un passif qui en dit long sur leurs intentions personnelles et leur maîtrise de la politique hippique. S’il fallait une preuve de leur capacité d’être de mauvaise foi et d’agir en girouette favorable, c’est bien dans leur rôle de régulateur des paris. D’un rapport qu’elle a commandité de la firme BDO, sur une demande de bookmakers frustrés de percevoir qu’ils ne sont pas traités de façon équitable par le MTC, la GRA a émis, avant le début de la saison 2018, des directions (2) for betting, intimant le MTC de prélever, selon un mode défini, les redevances des différents acteurs du betting, à savoir les Totes, les bookmakers oncourse dans les tribunes et ceux dans la plaine, les off-course bookmakers et les remote communication operators (SMS). En gros, tous devaient s’acquitter d’un pourcentage sur leur turnover (5 % pour le Tote et 4, 5 % pour les autres opérateurs) et une redevance fixe pour le Tote sur la base de ses terminaux sur l’hippodrome (at the racecourse) et les bookmakers on course pour leurs licences. Pour les autres opérateurs les off-course bookmakers et le remote communications operators qui opèrent hors du Champ de Mars, aucun fixed fee n’est prévu.

Voilà que moins de six mois plus tard, en août 2018, la GRA publie un nouveau Directions (3) qui modifie un élément majeur dans cette réglementation en enlevant l’item at the racecourse, pour le Tote et ne donne aucune autre précision quant à savoir sur quels terminaux la redevance fixe doit être calculée. Une lettre émanant de la GRA un peu plus tard précise qu’il s’agit uniquement de terminaux sur l’hippodrome, car il était convenu que tout ce qui est hors hippodrome ne serait pas soumis à la redevance fixe. Ce qui ne semble pas être l’avis final de la GRA, car les deux Totes, ASL et GSL, sont devant une demande de paiement, pas négociable puis qu’imposé par la loi, d’une somme avoisinant les Rs 33M pour les terminaux utilisés hors hippodrome depuis 2018. Elles comptent faire appel en justice de cette volte-face de la GRA.

Une volte-face qui s’est déroulée dans le sillage d’un contexte trouble des relations MTC/SMSpariaz où ce dernier refusait de se plier aux exigences du MTC de payer un fee plus important — pour l’utilisation des programmes de courses du MTC et sa présence sur les écrans de télévision — que les fees originels négociés à Londres sous la présidence de Gilbert Merven. Pendant ce litige, les redevances à être payées au MTC par SMSpariaz étaient déposées dans un ‘escrow account’ le bien nommé, car la GRA ne s’est jamais empressée de statuer dans cette affaire qui a été le vrai déclencheur du rapport BDO.

La question qui est maintenant sur toutes les lèvres concerne les vraies raisons qui ont poussé la GRA à modifier sa direction 2 pour la direction 3 avec comme seul changement majeur la contribution fixe étendue à tous les terminaux ASL et GSL à Maurice. Ils sont nombreux à penser que ce move s’inscrit dans la même logique d’élimination des off-course bookmakers, celle d’alourdir les charges des Totes et de les contraindre à réduire leur présence hors hippodrome. Une politique de terre brûlée qui profiterait à qui ? Vous faut-il un SMS pour le savoir ? En tout cas, le rôle d’un régulateur est de favoriser une concurrence saine, pas d’installer un monopole… Quelle instance pourrait répondre à cette question ? La Competition Commission ? L’ICAC ? Malheureusement, elles travaillent pour la même enseigne et ne peuvent voir les relations incestueuses qui existent entre le régulateur hippique et un opérateur de paris. Si jamais elles voulaient entendre… Avec des si, on mettrait Paris et la GRA aussi en bouteille !

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