Nous attendons !

Comme il fallait s’y attendre, le Finance Bill a été voté au Parlement, mardi soir, et donne force de loi à ce que la Gambling Regulatory Authority héberge sous son autorité la fameuse Horse Racing Division qui va se substituer dès la saison prochaine au Mauritius Turf Club Sport and Leisure Ltd (MTCSL) et au MTC dans l’organisation pure des courses, laissant les miettes les plus ingrates au MTCSL. Que va faire celui qui a organisé les courses lors de ces derniers 209 ans ? L’avenir immédiat nous le dira, mais les options sont minces tant le pouvoir en place a verrouillé la grande majorité des institutions devenues des succursales du Sun Trust ou sous le joug du fameux centre de décision qu’est Lakwizinn à Angus Road.

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Si la plupart des députés de la majorité s’étaient tus sur cette question, c’est parce que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, lui-même, s’était dévoué à la mission de répondre à tous ceux qui avaient pointé du doigt ces amendements à la GRA Act, qui constituent, nous le maintenons, à une véritable étatisation des courses qui seront désormais sous le contrôle — il l’étaient déjà un peu —, absolu de la paire Beekhary-Dabiddin, que nous ne plaçons pas dans l’ordre hiérarchique au sein de l’État, mais dans celui qui a plus la confiance du PM sur le dossier hippique, qui est déjà, mais va le devenir davantage, le War Chest économique du parti au pouvoir, qui en aura bien besoin pour les prochaines échéances électorales.

Si Pravind Jugnauth a eu l’honnêteté de rectifier que la formule qu’il a choisie pour la Horse Racing Division n’est pas celle du rapport Parry — mais inspirée du rapport Parry — vient confirmer ce que nous pressentions, c’est-à-dire une version revue et corrigée par Dev Beekhary quand MM. Scotney et Gunn étaient venus au pays pour implémenter le rapport Parry in toto comme le leur avait demandé feu sir Anerood Jugnauth. Pour rappel, Parry avait proposé une Mauritius Horse Racing Authority totalement indépendante du MTC et de la GRA. Surtout pas une Horse Racing Division de la GRA. Autant dire qu’il serait malhonnête de désormais parler de rapport Parry pour évoquer cette Horse Racing Division de la GRA, régulateur hippique, qui devient de surcroît un organisateur.

Nous verrons bien dans les mois à venir, surtout avec l’arrivée annoncée pour cette fin de mois de celui qui est présenté comme le futur patron de l’institution, Wayne Wood, de quel bois se chauffe cette nouvelle autorité hippique et mesurerons son degré d’indépendance lorsque ses autres membres « intègres (?) » choisis par le pouvoir vont intégrer leurs postes respectifs. Nous avons de bonnes raisons de douter de cette indépendance annoncée — et souhaitons en être agréablement surpris — sur la base de ce que nous offrent toutes ces autres institutions paraétatiques où les nominations riment souvent avec incompétence, tricherie ou copinage, pour ne pas dire agent politique.

Certes, on ne pourra pas dire que le nouveau chef de la Horse Racing Division qui nous vient du Sri Lanka soit du bon sérail politique — quoique son parrain soit bien connecté —, mais si la presse matinale qui ne cesse de tarir d’éloges sur Wayne Wood, qui a une riche carrière dans le domaine hippique surtout à l’étranger, ces derniers temps, elle évite soigneusement de dire que pour l’Australien, sa carrière fut loin d’être un long fleuve tranquille. Même s’il peut y avoir prescription pour certains faits, le public doit savoir qui le gouvernement a recruté et a présenté comme l’un des chantres de l’intégrité de l’hippisme mondial.

En effet, il a été soupçonné vers la fin des années 1980 dans un scandale de course truquée alors qu’il était stipe au Western Australien Turf Club. Cela lui a valu en 2002 une investigative inquiry, mise sur pied pour valider son emploi comme Chief Investigator au Queensland Racing Club : « Former jockey Danny Hobby has told an inquiry he believed steward Wayne Wood had « known all about » a 1980s race scandal in Western Australia where Hobby was paid to throw a race by jumping off his horse. At the centre of the investigation by commissioners Martin Daubney and Tony Rafter is a 1994 memo from West Australia Turf Club detective Ron Goddard, who claimed Mr Wood was unfit to hold any job in the racing industry. In his memo, Mr Goddard, now deceased, accused Mr Wood of inappropriate meetings with Hobby and trainer Robert Meyers and said Mr Wood had arranged a job for Hobby’s former girlfriend Laurene Gosden… During his evidence, Hobby said that at one of the meetings at Ascot, Mr Wood, who was on the panel of stewards investigating the incident, had given him a copy of an enhanced videotape of the race start which showed him jumping from his mount Strike Softly and had told him what to say at the stewards inquiry. » I had never heard of a video being given like that before, » Hobby said. He said Mr Wood had told him not to claim the horse had stumbled or leaned at the start because the video clearly did not show this. Mr Wood worked for a company in Sydney for six years before returning to the racing industry as Queensland chief investigator… The inquiry into alleged corruption in Queensland horse racing is also investigating the appointment of M. Wood as Queensland Racing’s Chief Investigator », peut-on lire dans un article de la presse australienne datant de 2005.

Cette investigative inquiry, dont le rapport a été finalisé en 2005, n’avait pu recueillir le témoignage du principal enquêteur, décédé. Il avait néanmoins conclu : « At worst, the first allegation demonstrated an isolated error of judgment, by Wood twenty years ago ; the second allegation was unsupported by evidence and seemed to be based on a misunderstanding by Mr Goddard of evidence at the Conelle trial. The third allegation was simply false. The chapter should now be considered closed. » Pour être complet et juste, il faut ajouter que la commission d’enquête devrait regretter que « back stabbing seems to be almost as prevalent as rumour-mongering in the racing industry. »

Les tribulations de Wayne Wood ne s’arrêtent pas là, car après un long séjour à l’étranger, au Sri Lanka et en Inde notamment, après avoir déserté le Queensland, il a repris de l’emploi en Australie au jockey club de Tanworth dans le New South Wales comme Jockey Club’s General Manager le 6 octobre 2020, et pas moins de cinq mois plus tard, le 22 janvier 2021, il a soumis sa démission dans le sillage de la décision de Racing New South Wales (RNSW), l’autorité hippique dans cet état australien, de mener une enquête sur les fonds avancés pour la refonte des infrastructures de ce centre hippique axée sur le non-respect des processus formels d’appel d’offres et d’approvisionnement par le Tanworth Jockey Club. Les conclusions étaient aussi accablantes et le General Manager Wood avait eu raison de mettre les voiles dès le début de l’enquête : « The findings of NSW inquiry on TJC determined that there were breaches of the conditions of Race Club Registration and a lack of adherence to the Racing NSW corporate governance guidelines ».

Voilà l’homme providentiel que nous a présenté le Premier ministre, mardi dernier, pour redonner leurs lettres de noblesse à nos courses hippiques. Quand il comprendra comment ce personnage est entré dans les rouages de nos courses, après son retour précipité au Sri Lanka, il piquera une sourde colère, à moins qu’il n’en soit partie prenante. Le Sri Lanka est bien généreux ces jours-ci pour refiler de douteux Head of Horseracing Division à la GRA. Le précédent était le Srilankais Karthi Selvaratnam, qui est reparti plus vite qu’il n’était venu en juin 2018 parce qu’il avait des connexions avec le monde du betting mauricien lorsque le magnat — vous savez, celui qui finance le parti au pouvoir, achète la majorité des chevaux, n’est pas correctement contrôlé par la GRA et la MRA, et qui est dénoncé pour ses mains un peu trop baladeuses — faisait alors courir ses chevaux à Dubaï.

Nous attendons des explications des autorités sur ce choix. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nouvelle Horse Racing Division ne part pas sur de bonnes bases. À force d’écouter des conseillers mal intentionnés, le PM va s’enfoncer davantage dans un domaine qu’il feint de connaître, mais qu’il ne connaît pas et qui va l’entraîner dans les abîmes. Il s‘en est pris lâchement au président du MTC sous le couvert de l’immunité parlementaire d’avoir financé un adversaire politique. Nous laisserons à Jean-Michel Giraud le soin de répondre sur ce volet s’il le juge utile. Mais qui a-t-il a de mal de financer un parti politique quand tout est au clair ? N’est-on pas libre dans ce pays de son choix politique, de son choix tout court ? Et en quoi cela disqualifie quiconque de défendre ses autres convictions ? N’a-t-on donc plus le droit à la différence ?

Être différent tout court, l’être naturellement ou à travers des maladies est apparemment une tare dans ce pays, en tout cas pour certains potentats. Nous ne partageons pas nécessairement les mêmes idées et idéaux que M. Bhagwan, mais nous tenons, en tant que membre de la communauté des individus atteints de vitiligo, à lui transmettre notre soutien pour ce qui est une souffrance pour nombre d’entre nous. Que cet odieux personnage qui l’a insulté en direct à la télévision présente ses excuses au député Bhagwan, mais aussi à tous ceux atteints de vitiligo, et tous ceux qui sont différents et qui n’ont pas choisi de l’être. Nous attendons Mr le Speaker. Pas le 26 octobre, mais maintenant !

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