Quand l’Etat est responsable, et coupable

Un jugement « historique ». C’est ainsi qu’est qualifié le jugement rendu le mardi 25 juin dernier par le tribunal administratif de Montreuil, en France. La justice y reconnaît une « faute » de l’Etat pour « insuffisance » dans la lutte contre la pollution de l’air.

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Cette affaire, rapportée entre autres par le journal Le Monde, constituait en soi une véritable première. Pour la première fois, en effet, une mère et sa fille, atteintes d’importantes pathologies respiratoires lorsqu’elles vivaient en banlieue parisienne, poursuivaient l’Etat pour son inaction face à la pollution de l’air. Sous un argumentaire de « carence fautive » dans la mise en œuvre du plan de protection de l’atmosphère en Ile-de-France. Ce plan est la stratégie de l’Etat pour « rendre aux Franciliens un air de meilleure qualité en accélérant les mesures prises pour diminuer la pollution ».

Rapports médicaux à l’appui, Farida et sa fille montrent comment elles ont vu s’aggraver leurs crises d’asthme avec le pic de pollution intense enregistré en décembre 2016. Au point où elles ont dû quitter la banlieue parisienne où elles vivaient jusque-là.

Pour la première fois donc, le 25 juin dernier, la responsabilité de l’Etat a été reconnue. « Le tribunal retient la faute de l’Etat dans son incapacité à lutter contre la pollution de l’air », statue le jugement. Le tribunal de Montreuil estime ainsi que « l’Etat a commis une faute du fait de l’insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l’air pour remédier au dépassement, entre 2012 et 2016, dans la région Ile-de-France, des valeurs limites de concentration de certains gaz polluants. Si le dépassement des valeurs limites ne peut constituer, à lui seul, une carence fautive de l’Etat en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, l’insuffisance des mesures prises pour y remédier est en revanche constitutive d’une telle carence ».

De fait, la Commission européenne n’a pas manqué, au cours de ces dix dernières années, d’adresser à la France des mises en demeure concernant notamment les particules fines et le dioxyde d’azote. Au point de renvoyer la France devant sa Cour de justice en 2018. Mais rien ne semble y faire. En 2019, les limites sont toujours dépassées dans une dizaine d’agglomérations françaises.

Dans une déclaration au journal Le Monde, François Lafforgue, l’avocat des plaignantes, souligne : « C’est une décision historique, car la responsabilité de l’Etat est enfin reconnue dans un dossier de pollution de l’air. »

« C’est un jugement historique pour les 67 000 Français qui meurent chaque année prématurément à cause de la pollution de l’air », déclare de son côté Nadir Saïfi, vice-président de l’association Ecologie sans Frontière (ESF). « Aujourd’hui, les victimes de la pollution comme des pesticides ne doivent plus avoir peur d’aller devant les tribunaux pour défendre leur santé. La justice envoie un message clair à l’Etat en l’incitant à ne plus protéger les lobbys pollueurs, mais les citoyens. »

De leur côté, Farida et sa fille sont débarrassées de leurs problèmes respiratoires depuis qu’elles sont installées à Orléans, où la qualité de l’air est meilleure. « J’espère que d’autres personnes dans mon cas oseront déposer plainte », déclare-t-elle.

Et si cela nous donnait des idées ?

Depuis quelque temps à Maurice, l’Etat semble s’être mis en tête d’initier ou de favoriser des projets susceptibles de constituer une nuisance importante, voire une menace pour la santé ou la vie même des citoyens de ce pays. Du projet d’incinérateur de déchets dans la région hautement résidentielle de Baie-du-Tombeau. Jusqu’au fameux métro léger. Faut-il attendre que les effets de la dioxine se fassent sentir sur la santé de centaines d’enfants pour qu’une action soit possible ? Qui mesurera le stress mental causé à tous les habitants situés sur le tracé d’un chantier qui travaille tous les jours et toutes les nuits, sans interruption, parce qu’il faut que le métro se mette en marche avant les prochaines élections ? Qui compensera qui si cette précipitation insensée amène des défauts de fabrication, et des dysfonctionnements qui entraîneraient des catastrophes ?

Le gouvernement mauricien a, d’emblée, causé un grave préjudice à la population mauricienne en s’arrangeant pour détourner la loi en sa faveur. Le moindre projet nécessite un EIA Certificate, délivré après examen de son étude d’impact environnemental. Le gouvernement, lui, a trouvé le moyen de contourner ses propres règlements, et de s’exonérer de l’obligation de présenter un EIA pour le colossal projet de métro léger, qui éventre nos villes et redessine totalement notre paysage tant physique qu’humain. Et les citoyens ne découvrent les détails de ce projet qui affecte directement leur vie quotidienne qu’une fois les travaux commencés.

Question : notre judiciaire est-il en mesure de statuer, comme dans le cas de Farida à Montreuil, sur les agissements d’un gouvernement qui va à l’encontre de la santé et de la sécurité des citoyens ? Un test case pourrait être d’intérêt…

SHENAZ PATEL

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