Rodrigues

— Tu as vu ce que les Rodriguais ont été faire pour pouvoir enfin rentrer chez eux ? — Où étaient ces Rodriguais dont tu es en train de parler ? En dehors de Maurice ?
— Non, ils étaient à Maurice même, toi. Tu n’es pas au courant qu’il y a eu des centaines de Rodriguais qui ont été bloqués à Maurice avec le confinement…?
— …tout comme il y a eu des Mauriciens ont été bloqués à Rodrigues.
— Oui mais à la différence que, depuis bien longtemps, ces Mauriciens là, eux, ont pu rentrer à Maurice, pas les Rodriguais!
— Mais pourquoi ? Si on a pu trouver des avions pour que les Mauriciens rentrent à Maurice, pourquoi on n’a pas pris ces mêmes avions pour faire les Rodriguais rentrer chez eux ?
— Ca, je ne saurais te dire. Tout ce que je sais, c’est qu’ils sont restés bloqués à Maurice depuis le premier confinement.
— Tu veux dire qu’ils sont ici depuis mars de l’année dernière ?!
— Oui toi, ils sont restés bloqués à Maurice depuis plus de 19 mois !
— C’est pas vrai ! Qu’est ce qu’ils étaient venus faire ici ?
— Certains étaient venus pour leur business, d’autres pour des soins qu’on n’a pas à Rodrigues, d’autres pour voir leurs enfants qui sont en études et d’autres pour rendre visite à leurs parents.
— Pourquoi ils ne sont pas repartis chez eux après le premier confinement ?
— Parce que si le gouvernement a déconfiné, il n’a pas réouvert les frontières et il n’y avait pas d’avion entre Maurice et Rodrigues.
— Et il a bien fait le gouvernement, sinon Rodrigues aurait eu des tas de cas de covid, comme on a eu à Maurice !
— Ca, c’est vrai. Mais on aurait pu organiser des vols spéciaux pour que les Rodriguais repartent chez eux. Avec des quarantaines ici et à Rodrigues, tu crois pas ?
— Pourquoi on le l’a pas fait, alors ?
— Le gouvernement étant pris par la pandémie, le Wakashio et les problèmes du tourisme, Rodrigues est passée au second plan. Comme d’habitude. Tu sais comme on traite les cousins un peu éloignés.
— Les Rodriguais bloqués ici auraient dû protester, faire entendre leur voix, au lieu de rester tranquilles et d’attendre Israël dans le Seigneur !
— Mais ils ne sont pas restés tranquilles, ils ont crié, écrit dans les journaux, fait des conférences de presse et même des manifestations devant le Parlement.
— On ne les a pas écoutés ?
— On dirait que rien n’a été fait. Tu sais comment ce gouvernement est : il n’écoute que ceux qu’il a envie d’écouter.
— Pourquoi les Rodriguais bloqués ne sont pas allés voir le ministre de Rodrigues. Il y a un ministre de Rodrigues, non ?
— Tu sais qui est le ministre de Rodrigues ? Le Premier ministre Pravind Jugnauth. Lui, il n’est pas comme son papa qui s’occupait bien de Rodrigues.
— D’après ce que tu me racontes, on dirait que pour le gouvernement, les Rodriguais ne font pas partie de la République !
— En tout cas, dans cette affaire, ils ont été traités moins bien que les autres Mauriciens. Sur le papier et dans les grands discours, oui, mais dans la réalité, ce n’est pas tout à fait comme ça.
— Mais il fallait que les Rodriguais demandent à l’Assemblée régionale de faire des démarches pour les faire retourner chez eux.
— Ca aussi, ils ont fait. Mais l’Assemblée régionale a dit qu’elle ne pouvait rien faire, que les décisions ne sont pas prises à Port-Mathurin, mais à Port-Louis.
— L’Assemblée régionale n’est pas censée être autonome ?
— Sur le papier, oui, mais dans le réalité, elle joue à un jeu très populaire chez tous les politiciens mauriciens.
— Quel jeu ?
— Mais le jeu du pas moi ça, li ça. C’est comme ça que des centaines de Rodriguais ont été bloqués à Maurice pendant des mois. De plus en plus, dans de conditions difficiles.
— Pourquoi ils n’ont pas des parents à Maurice pour les aider ?
— Oui, mais tes parents ils peuvent t’héberger et t’aider avec plaisir pour quelques jours, quelques semaines, mais pas pour plus d’un an et demi. Parmi les Rodriguais, certains sont devenus des SDF qui dormaient devant des églises.
— Je ne savais pas ça, moi.
— Tu sais, les Rodriguais restent toujours très dignes et très fiers, même quand ils ont de gros problèmes et sont dans la misère.
— Mais alors, qu’est-ce qu’ils ont fait pour pouvoir rentrer chez eux ?
— Une quinzaine d’entre eux ont fini par marié piqué pour faire servir une mise en demeure au PM, au gouvernement central et à l’Assemblée régionale pour dire qu’en les bloquant à Maurice, ces autorités étaient en train de violer leurs droits constitutionnels.
— Mais ça, ils le disent et le répètent depuis des mois.
— Dit devant la Cour Suprême, ce n’est plus pareil du tout.
— Et alors, qu’est-ce qui s’est passé ?
— Quelques jours avant que le cas ne passe en Cour, l’Assemblée régionale a annoncé qu’on allait organiser des vols de rapatriement pour les Rodriguais bloqués à Maurice depuis le premier confinement.
— D’un coup, comme ça ! Pourquoi elle ne l’a pas fait avant ?
— Parce qu’il a fallu mette enn dibois pointe dan derrière de l’Assemblée régionale avec la mise en demeure pour qu’elle fasse son travail et que les Rodriguais bloqués à Maurice depuis des mois puissent, enfin, rentrer chez eux!

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