Une catastrophe écologique annoncée

Dans la soirée du samedi 25 juillet, le Wakashio, un vraquier long de 300 mètres, échoue sur les récifs de Pointe d’Esny dans des conditions qui ne sont pas encore connues. Dès le lendemain, des ONG, des pêcheurs et des Mauriciens disent qu’il y a le risque d’une marée noire. Au Parlement, puis dans des conférences de presse, le ministre de l’Environnement et le directeur du Shipping parlent de tout un protocole à respecter, de démarches à entreprendre et, malgré le fait que des traces d’hydrocarbures ont été relevées à 300 mètres du vraquier, disent que la situation est sous contrôle. Aucune démarche pour vider les cales du vraquier des tonnes métriques de fioul, de diésel et d’huile lourde qu’elles contiennent n’est entreprise. Le mercredi 5 août, soit onze jours après le naufrage, les habitants de Pointe d’Esny voient le vraquier commencer à s’enfoncer dans la mer. Ils font des photos et des vidéos, dont certaines sont publiées dans Le Mauricien. Dans l’après-midi, l’Hôtel du gouvernement fait publier un communiqué pour affirmer que les photos et les vidéos ont été manipulées et que le vraquier ne coule pas. Mieux, dans une conférence de presse, le directeur du Shipping affirme péremptoirement que « le bateau ne peut pas couler davantage, il est sur le sable ». Le lendemain matin, les habitants de la région voient une traînée noire surgir du vraquier, traverser les eaux autrefois transparentes de Pointe d’Esny, passer à quelques mètres de l’île aux Aigrettes et se diriger vers la baie de Mahébourg et les environs en recouvrant tout sur son passage.

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Ce n’est que quand la marée noire redoutée s’est produite que les autorités semblent s’apercevoir de son existence. Tandis que les habitants de la région et des volontaires nettoient les plages comme ils peuvent, avec des outils de fortune, les garde-côtes installent des bouées qui laissent passer la nappe d’huile et maltraitent les pêcheurs et les habitués de la mer qui veulent leur expliquer comment faire. Alors que mercredi, le ministre de l’Environnement avait déclaré que la situation était sous contrôle, jeudi soir le ministre de l’éducation est obligé d’annoncer la fermeture des écoles de la région, l’huile répandue ayant rendu l’atmosphère irrespirable. Face aux photos et aux vidéos démontrant l’ampleur de la catastrophe écologique annoncée, le Premier ministre sort de sa torpeur. Il se rend à Pointe d’Esny vendredi après-midi, surtout parce que depuis le matin, pratiquement tous les membres de l’opposition avaient débarqué sur la plage et que tous avaient souligné, comme les internautes sur les réseaux sociaux d’ailleurs, l’absence de prise de décision du gouvernement face à la catastrophe écologique annoncée. Pour montrer qu’il était le grand timonier du pays, son équipe de communication lui a monté une opération com : elle a fait le PM  endosserun gilet de sauvetage et l’a embarqué sur un bateau pour aller faire une inspection des dégâts. Mais le bateau ayant « tassé », le grand timonier redevenu petit capitaine a dû retourner à terre pour faire son point de presse et dire que son gouvernement avait suivi les conseils d’experts de ne rien entreprendre avant le retour du beau temps ! Encore une version de pas moi ça, zot sa !

Ce n’est qu’après que la catastrophe écologique s’est produite et que des images montrant la traînée d’huile, les animaux, oiseaux et poissons englués, et les côtes graisseuses ont été reprises par la presse internationale que le gouvernement a enfin commencé à réagir en sollicitant l’aide des pays amis et du reste du monde. S’il l’avait fait au cours des douze jours écoulés entre le naufrage et la fuite d’huile lourde, la côte sud-ouest de Maurice, ses habitants, sa flore et sa faune auraient été épargnés de cette catastrophe écologique annoncée, dont ils subiront les conséquences pendant de longues années. Des centaines de messages ont été postés sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’incompétence du gouvernement et sa responsabilité dans la catastrophe. Ils sont résumés par le post suivant qui prouve que même dans les pires situations, le Mauricien conserve toujours son sens de l’humour et de la dérision. Surtout s’ils concernent les politiques.

Wakashio lor ross

Pinokio dibouter, gueter

Ramano dress so moustass

Alalalila, diluil la flotter !

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