Incontestablement, lors de la semaine écoulée, Kimberley Le Court de Billot-Pienaar a écrit la plus belle page de l’histoire du cyclisme mauricien et africain, voire l’une des plus belles du sport local, après sa victoire, fin avril, sur la très célèbre Liège-Bastogne-Liège. Elle a, cette fois, enchaîné sur le prestigieux Tour de France féminin en portant le maillot jaune plusieurs fois, dont une victoire d’étape mercredi.
Même s’il lui a manqué d’un rien pour défiler en grande vainqueure sur la célèbre avenue des Champs-Élysées, aujourd’hui, Kimberley Le Court a fait rêver tout une nation pendant une semaine. Et forcément, les étapes de vendredi et d’hier en montagne étaient déterminantes dans le sprint final. Réputée pour être une sprinteuse-puncheuse — capable de faire aisément la différence à l’arrivée — plus qu’une grimpeuse, elle n’a malheureusement pas eu suffisamment de force pour aller jusqu’au bout de son objectif.
Peu importe, l’on retiendra que Kimberley Le Court a fait honneur au pays lors de cette aventure française comme l’ont fait, avant elle, les Stephan Buckland (athlétisme) et autre Bruno Julie (boxe). Grâce à ses performances hors du commun, elle a fait briller le quadricolore parmi tant d’autres nations du cyclisme mondial beaucoup plus grandes que la nôtre. Tout simplement historique.
Elle a surtout démontré qu’elle avait le courage de rebondir et de revenir encore plus forte, plus précisément après sa chute lors de la course en ligne des Jeux olympiques, l’année dernière à Paris toujours, où on lui prédisait de très bonnes chances. Preuve que Kimberley Le Court n’est pas une cycliste comme les autres et qu’elle a pris le temps qu’il faut pour bâtir sa réputation. Ne dit-on d’ailleurs pas: “Rome ne n’est pas faite en un jour” ?
La grosse performance de Kimberley Le Court nous fait même penser qu’elle peut aller encore plus loin, l’année prochaine et, pourquoi pas, cette fois, remporter ce Tour en attendant les Jeux olympiques de Los Angeles, en 2028 aux États-Unis. C’est tout le meilleur qu’on peut lui souhaiter après qu’elle eut remporté, l’année dernière, la huitième et dernière étape du Tour d’Italie.
Si Kimberley Le Court est parvenue à un niveau aussi élevé, elle le doit, à commencer, à une fédération qui a compris, depuis longtemps, l’importance que ses athlètes soient mis en valeur et non ses dirigeants! Cela, par le biais d’un plan d’action bien pensé, soutenu par un gros sponsor. Au cas contraire, on n’aurait pas vu cette discipline briller au niveau africain et désormais au niveau mondial.
Il y a aussi l’investissement personnel et familial, aussi bien que financier, primordial pour tout athlète aspirant à l’excellence mondiale. Pensez-vous d’ailleurs que Kimberley Le Court aurait pu s’imposer à ce niveau sans des moyens logistiques et financiers très importants? Aurait-elle pu s’imposer face aux meilleures si elle était demeurée à Maurice? Ou encore, serait-elle en mesure de rêver grand si elle n’était pas soutenue par une équipe des cyclistes professionnelles ?
Certainement pas. Le sport de haut niveau se pratique dans un environnement professionnel où chaque détail compte. Et ça, malheureusement, Maurice n’est pas prête à offrir de telles opportunités à ses athlètes les plus doués comme en témoigne le budget à partager entre une cinquantaine de fédérations, malheureusement maintenu à Rs 60M ! Et c’est justement cela le drame.
Noa Bibi, premier athlète mauricien à descendre sous les 20 secondes au 200m, serait en passe, dit-on, de mettre un terme à sa carrière à 24 ans seulement ! Info ou intox, la démarche doit être prise au sérieux en tenant compte que ce n’est pas donné à n’importe qui de réaliser une performance de 19”89 pour détenir, à un moment donné en 2022, la 10e meilleure performance mondiale de l’année. Et pourtant aujourd’hui la carrière de ce talentueux sprinteur serait compromise.
À qui la faute si ce jeune homme, pourtant pétri de talents comme de centaines d’autres, venait effectivement à abandonner ? L’heure n’est cependant pas de trouver un coupable, voire un bouc-émissaire, mais à une réaction positive avant de s’entendre dire, pour la énième fois, que le sport mauricien a bêtement brûlé une belle carte.
Noa Bibi avait un talent incroyable pour briller au niveau mondial, mais faute de profiter de tous les ingrédients nécessaires au moment voulu, il se trouve désormais au bord de la rupture, contrairement à Kimberley Le Court ! Et malheureusement, c’est la triste réalité de notre pays, celle d’une approche, d’une culture et des moyens qui, au plus haut niveau, font indéniablement la différence !
JEAM-MICHEL CHELVAN