Ça bouge

Il y a le fond et il y a la forme. On peut choisir de s’attarder sur des lapsus, malheureux ou révélateurs, en faire une tribune légère et sarcastique, comme on peut aussi opter pour l’essentiel. Le Premier ministre adjoint a, en deux occasions, lors de sa rencontre avec la presse, samedi dernier, buté sur le nom du Président français Emmanuel Macron.
Il s’en est le premier amusé. Il a dit “macro” et cela a, paraît-il, offensé plus d’un qui, probablement, n’ont jamais eu de lapsus de toute leur sainte vie. Macro, un terme courant, un juron à Maurice, désigne souvent un “mouchard”, celui ou celle qui, pour être dans les bonnes grâces d’un supérieur ou de quelqu’un dont il dépend pour des faveurs, va raconter tout ce qui se fait et tout ce qui se dit sur lui. Il peut aussi être affublé à ceux qui organisent la prostitution.
S’il a existé des patronymes Maquereau jusqu’aux alentours des années 1940 et qu’on peut retrouver un préfet romain du nom de Quintus Naevius Sutorius Macro, le mot macro lui-même a de multiples significations. Il peut vouloir aussi décrire ce qui est grand en opposition à ce qui est petit, ce qui est micro. Il vaut mieux être macro que micro, diront les plus taquins.
Tout cela pour inviter ceux dont les chastes oreilles auront été souillées plus que le Président français lui-même à redescendre et à prendre tout cela avec un peu d’humour. Si les lapsus étaient aussi problématiques, Emmanuel Macron lui-même aurait été crucifié. N’a-t-il pas confondu le “Président” de l’Assemblée Nationale française Claude Bartolone avec le “débutant”.
Et que dire de ses collaborateurs ? Sa ministre de la Culture, Rachida Dati a confondu “inflation” et “fellation”, son ancien Premier ministre Edouard Philippe a évoqué une France “qui veut continuer à sucer” plutôt que “susciter”, tandis que l’ancien Président français a parlé de “gaz de shit” au lieu de “gaz de schiste”.
Il y a même des journalistes à qui ça arrive d’avoir la langue qui fourche et qui peuvent dire “à l’anus” au lieu de “à la une”, de “gros sexe” plutôt que de “grossesse”. Tout cela repris avec humour et légèreté dans des émissions comme le grand bêtisier. Pas de quoi en faire tout un drame.
Le problème, c’est que l’auteur de ce lapsus est le seul au gouvernement qui ose réunir les journalistes pour dialoguer, souvent de manière détendue, parfois sur un ton un peu plus rude, mais il vaut mieux avoir la possibilité de cuisiner un membre important de l’exécutif que d’être dans un désert en terme d’exercice démocratique.
Et comme c’est Paul Bérenger et qu’il a le mépris qui rend dingue et qui tue, cela a été le prétexte pour ceux qui se considèrent comme ses “victimes”, d’anciens collaborateurs passés par toutes les écuries dont celle honnie de la dernière décennie, à étaler leur haine et le véritable toc qu’ils ont développé.
L’essentiel à cette conférence de presse était la réforme électorale, la collaboration tripartite France-Inde-Maurice, la représentation légale de Mami Ravatomanga, les clarifications sur les fake news concernant le leadership de l’opposition et sa position personnelle sur la légalisation du cannabis.
Le nouveau départ que le PM adjoint évoquait semble, pour certains dossiers en tout cas, s’être matérialisé. Le Premier ministre, dont certains avaient pu craindre un changement de cœur sur la réforme électorale, s’y est publiquement engagé cette semaine, à l’occasion de la célébration de la journée contre les violences faites aux femmes.
Et le Conseil des ministres de vendredi a confirmé que cette question sera prise séparément des travaux de la Constitutional Review Commission en voie de création. A également été annoncée la mise sur pied d’un comptoir spécifique au bureau du PM pour recueillir les propositions du public sur la réforme électorale.
À Air Mauritius aussi, les choses évoluent. Dhiren Dabee, qui connaît la maison, a été nommé président de la compagnie nationale. Après s’être incrusté dans des compagnies satellites du secteur aéroportuaire, forcé à prendre définitivement la porte, Kishore Beegoo a fait ce qu’il sait faire de mieux, tempêter pour voler au secours de l’ancien gouvernement qui avait brutalement débarqué Megh Pillay juste parce qu’il avait osé traîner un mignon de la kwizinn devant un comité disciplinaire.
Sur le front de l’insécurité routière aussi, ça bouge avec la présentation en première lecture, ce mardi, à l’Assemblée Nationale, du Road Traffic (Amendment) Bill qui vise a réintroduire le permis à points démagogiquement aboli en 2015. Si tout ce qui tend à freiner les hécatombes sur nos routes est bienvenu, le gouvernement devrait aussi apporter du sien, réorganiser et moderniser ses services.
Il y a un peu partout des ralentisseurs qui représentent un véritable danger public, comme celui qui se trouve non loin de l’Antiquaire à Curepipe, un monticule avec des trous et sans marquage qui peut faire péter bien des amortisseurs si ce n’est provoquer des accidents qu’on décrit un peu trop facilement comme des “sorties de route”.
Une harmonisation des vitesses autorisées en milieu de forte concentration résidentielle et commerciale et en régions peu fréquentées et moins accidentogènes doit également être redéfinie. Ces arbustes bien trop nombreux qu’on laisse pousser sans entretien sur des îlots, qui obstruent la visibilité des automobilistes, doivent être impérativement supprimés.
Le problème des marchands saisonniers a été réglé après le grand capharnaüm noté l’année dernière dans l’euphorie des 60/0 et que certains populistes dans les rangs même de la majorité voulaient perpétuer pour mieux asseoir leur ancrage clientéliste. Leurs activités seront strictement encadrées. C’est un bon compromis pour ceux qui ont l’habitude de ces petits commerces de rue de fin d’année.
Il y a aussi un début de règlement du détournement des bonbonnes de gaz subventionnées au profit du “decanting” aux fins d’utilisation véhiculaire, les nouvelles conditions de la vente des chauffe-eau à gaz et, last but not least, un début de révision de la pension d’invalidité. Eh oui, ça bouge et c’est là l’essentiel.
JOSIE LEBRASSE

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