L’Assemblée est entrée en vacances pour deux mois depuis vendredi 1er août. Les travaux reprennent le 7 octobre. Les plus critiques diront que c’est encore une fois un long répit pour les parlementaires et qu’ils tentent ainsi de concurrencer le corps professoral. Mais il faut nuancer.
Le Parlement issu des élections générales du 11 novembre a, en fait, siégé sans arrêt depuis, sauf la pause de début d’année pour préparer le discours-programme du 24 janvier. Depuis cette date, les travaux se sont poursuivis. Pour prendre la mesure du travail abattu, une petite comparaison avec ce qui s’est passé les mois précédant le scrutin national de l’année dernière s’avère nécessaire.
Là où les délibérations relevaient des caprices de l’ex-PM ou de l’agenda de son Speaker Sooroojdev Phokeer et qu’il n’y avait, pour toute l’année 2024, que seulement 5 séances et rien que 2 d’entre elles consacrées aux questions parlementaires, le nouveau gouvernement a fait nettement mieux. Pas moins de 37 séances, dont 32 pour les seuls premiers 7 mois de 2025 et 17 où l’actuel PM et les ministres ont dû répondre à des questions.
Si les statistiques sont très parlantes, il y a surtout la forme et le contenu qui importent. Fini le temps où le Speaker permettait au ministre sollicité pour une Private Notice Question d’absorber les 30 minutes imparties pour une longue déclaration insipide et hors sujet.
Révolus aussi les abus commis par un Premier ministre qui se permettait de raconter n’importe quoi pour faire durer la première question qui lui était adressée et pour ne pas répondre à la suivante, et surtout si c’était une interpellation d’un élu de l’opposition. Une seule question pendant 30 minutes et le mauvais tour était joué. Il faut reconnaître que la PMQT est aujourd’hui bien fournie et que Navin Ramgoolam répond parfois à plus de 5 à 6 questions qui lui sont adressées le mardi.
Du côté des textes aussi, cela s’est déroulé tambour battant sous l’impulsion du bureau de l’Attorney General. Sur les 21 projets de loi, 17 ont déjà été votés et proclamés, contre 18 et 16 respectivement pour la législature de 2024, sur la période de mars à septembre.
Les lois les plus fondamentales votées sont celles qui ont restitué au DPP sa prérogative d’engager des poursuites, le Finance and Audit Act qui a introduit la notion de performance dans la gestion budgétaire, le National Agency for Drug Control ou les nouvelles provisions pour loger les appels ou la facilitation d’accès aux démunis à une représentation légale. Il est, donc, indéniable que l’on revient de loin en terme de mœurs parlementaires.
Durant ces sept mois, il y a eu de nombreuses actions entreprises qui ont été bien accueillies, comme le retour plébiscité du Mauritius Turf Club au Champ de Mars, après deux ans d’une caricature de courses hippiques qui avait défiguré un lieu historique et emblématique de la capitale. Ce n’était pas une mince gageure. Mais pari réussi !
La pension a cristallisé les débats avec, parfois, un art vicieux de la démagogie extrême de la part des professionnels de la récupération. Il est, néanmoins, heureux qu’à la faveur de la PNQ du leader de l’opposition, vendredi, et de la clôture des débats sur le Finance Bill, le PM et son adjoint aient évoqué la constitution d’un comité d’experts pour se pencher sur la revitalisation du Fonds National de Pension et rassuré les plus vulnérables quant au maintien de leurs prestations.
Les premiers mois de l’alliance du changement, ce n’est pas si mal, mais les chantiers restent quand même immenses. Surtout là où il y a tout à faire, sinon à refaire. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé au niveau d’Air Mauritius ce week-end pour constater que la situation ne s’est guère décantée.
Des passagers restés dans l’avion à Mumbai avant que les portes ne soient ouvertes pour un peu d’oxygène, des avions desservant Rodrigues immobilisés, ceux qui devaient mettre le cap sur Londres et Paris ont été considérablement retardés. Des inconvénients pour les passagers en général et pour ceux qui avaient des correspondances à prendre en direction d’autres destinations.
Avec ce genre de couacs à répétitions, les Mauriciens ont de quoi se poser des questions sur la sécurité des avions de la flotte nationale, bien que les responsables de cette organisation assurent qu’il s’agit d’une question dont ils font une priorité absolue.
Il semble que la situation à Air Mauritius n’est pas appelée à s’améliorer à brève échéance. À moins que le gouvernement, qui gère déjà de très près les fonds publics, ne finance ou ne garantisse le renouvellement de la flotte de la compagnie nationale. C’est loin d’être une option crédible en l’état actuel des comptes publics et de l’endettement national.
Autre dossier qui commence à prendre une tournure très malsaine, celui de la banque de Maurice. Les nouvellement nommés sont à couteaux tirés, chacun y allant de sa petite campagne féroce à travers des posts anonymes et des dénonciations ciblées.
Le fils du gouverneur Rama Sithanen est frontalement attaqué, le premier gouverneur Ranjeev Hasnah est accusé, à tort ou à raison, de mauvais comportements, tandis que le second, Gérard Sanspeur est critiqué pour la poursuite présumée d’un agenda personnel et son passé dont certains viennent de se rappeler qu’il a été fortement teinté d’orange.
Et lorsqu’on ajoute le duel acide entre Rama Sithanen et Manou Bheenick autour de la présidence de la State Bank, cela fait désordre à un moment où les agences surveillent le pays et la manière dont il gère ses fondamentaux.
On ne peut que souhaiter que le Premier ministre, qui a la responsabilité de ces dossiers, mettra à profit les deux mois de répit parlementaire pour les faire avancer et que tous les organismes publics encore en errance ou en difficulté puissent retrouver une nouvelle dynamique qui les fasse progresser et, avec eux, tout le pays.
JOSIE LEBRASSE