Démission, protestations et révocation

Loin d’avoir solutionné la crise à la direction de la Banque centrale, la décision du Premier ministre de demander au deuxième assistant du gouverneur de l’institution de se retirer n’aura fait que l’aviver. En effet, le Second Deputy Governor poussé à la démission et le gouverneur ont continué à s’affronter, cette fois-ci, par conférences de presse interposées. Tout ce qui n’était jusqu’à présent que suppositions et rumeurs a été étalé noir sur blanc, et sur les réseaux sociaux. À la Banque de Maurice, censée être une institution au-dessus de la mêlée et où on n’élève jamais la voix, on lave le linge sale en public et les deux protagonistes de ce duel se sont lancé des accusations graves et des défis. Quand les accusations n’étaient que des bruits de couloirs, on disait regretter cette situation, dans la mesure où ces rumeurs pouvaient impacter négativement sur l’image de la Banque, du pays, et surtout de son secteur financier offshore, désormais un des piliers de son économie. Quel impact aura désormais l’image de cette Banque centrale dont les responsables se battent comme des chiffonniers et se jettent à la tête toutes sortes d’accusations ? L’ex-Second Deputy Governor a fait une liste de ce qu’il reproche au gouverneur, désormais son adversaire, qu’il accuse de « manigances » et contre qui il dit détenir un enregistrement compromettant – susceptible de provoquer une démission – et annonce une déclaration à la police dans les jours à venir, avec preuves à l’appui. Le gouverneur a rendu la monnaie de sa pièce à son ex-second adjoint quelques quarts d’heure plus tard dans une autre conférence de presse. Il a fait mention d’un rapport contenant « 10 charges de default, breaches of trust, and serious misconduct » de l’ex-Second Deputy Governor, qui sera remis à la police et à la Financial Crimes Commission. Il a répondu aux accusations de son contradicteur et l’a mis au défi de publier les informations qu’il dit détenir. Il est à noter que les deux hommes ont remercié le Premier ministre : le gouverneur, pour la décision de remercier son second adjoint, et ce dernier pour lui avoir accordé la permission de tenir une conférence de presse « pour laver son honneur ». Cette bataille, cette guerre d’egos surdimensionnés, disent certains, n’est pas prête de se terminer si l’on en juge par l’annonce de la diffusion prochaine sur les réseaux sociaux d’un enregistrement, celui que l’ex-second gouverneur dit détenir ! Il est difficile, à ce stade de l’affaire, de déterminer qui l’emportera. Mais on peut déjà dire que la victime principale est l’image de marque de Maurice, dont le gouvernement dit tout faire pour éviter un downgrading de l’agenda de notation Moody’s.

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Avant le triste spectacle auquel nous avons eu droit, vendredi, il y a eu la suite de l’affaire des nominations des nouveaux Senior Counsels. Trois des non-nommés – qui ne sont plus que deux, l’un d’entre eux s’étant retiré depuis – ont entré une affaire en Cour pour contester la liste publiée par le Président de la République en lui faisant servir une mise en demeure. Certains observateurs avertis ont fait remarquer que les protestataires semblent avoir oublié que, selon la loi, « no process, warrant or summons shall be issued or executed against the President or the Vice-President during his term of office ». Cette faute ne fera pas oublier le contexte dans lequel s’est déroulé cet exercice de promotion des Senior Counsels. Il faut aussi signaler la suite de l’affaire Afrinic dans laquelle le Président de la République avait autorisé, par proclamation, le juge Ohshan-Bellepeau d’aller enquêter sur ce dossier. Ce n’est qu’après avoir accepté la proposition que le juge s’est souvenu qu’il avait déjà rendu des jugements dans ce dossier et a été contraint de soumettre sa démission. Cette désormais célèbre proclamation du Président de la République a été révoquée, cette semaine, par son adjoint.

Des faits qui semblent donner raison à ceux qui affirment que les problèmes semblent se multiplier à la tête de certaines institutions, et pas les moins importantes du pays, ces jours-ci.

Jean-Claude Antoine

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