En général, le citoyen n’aime pas payer les impôts, puisqu’il estime que le gouvernement lui prend plus qu’il ne devrait, déjà qu’il ne gagne pas beaucoup. Surtout quand, comme c’est le cas à Maurice, il découvre que les impôts récoltés peuvent servir de « compensation » à des nominés politiques qui ont été priés de démissionner, comme cela vient d’être le cas à la Banque de Maurice. Et ce, que les caisses du pays soient vides ou pas ! Mais même en rouspétant et en attendant la dernière minute, le contribuable finit par faire son devoir en remplissant sa déclaration et en payant la somme réclamée. Depuis quelques années, la MRA a mis au point le E-Filing qui permet au contribuable de remplir le formulaire en ligne, au lieu d’aller faire de longues queues devant les guichets de l’institution. Jusqu’à l’année dernière, le système fonctionnait à la satisfaction des contribuables et le formulaire était rempli en quelques minutes. Mais cette année, quelqu’un – ou quelques-uns – de la MRA a modifié l’application en rendant l’exercice plus compliqué et plus stressant. Jusqu’à l’année dernière, il suffisait au contribuable de taper son mot de passe sur le site de la MRA pour avoir accès à un formulaire pré-rempli avec une série d’informations personnelles. Cette année, le mot de passe… ne passe pas et il faut en créer un nouveau. Pour ce faire, il faut entrer dans le système pour demander un One-Time Password (OTP), afin de créer un nouveau mot de passe (reset password). Le OTP est envoyé par téléphone et ne dure que trois minutes. Pas toujours suffisantes pour certains contribuables, pas habitués à utiliser l’internet, pour ouvrir leur dossier en utilisant leur TAN number ou le numéro de leur carte d’identité et changer de mot de passe. Après avoir prouvé qu’il n’était pas un robot et avec un nouveau mot de passe contenant suffisamment de lettres, minuscules et majuscules, de chiffres et de signes pour qu’il soit accepté par le système. Ce qui fait que certains ont dû refaire l’exercice plusieurs fois, avant de recevoir, par téléphone, le message disant que your password has been successfully updated.
Arrivé à ce stade de l’opération, le contribuable/internaute pensait que la suite de l’exercice allait passer comme une lettre à la poste. Pas du tout. C’est, en fait, à partir de là que tout commence puisqu’il faut remplir le formulaire en commençant par les renseignements personnels. À un moment, il faut mettre le numéro du code postal de son adresse que pas grand monde utilise à Maurice ! Après avoir rempli cette partie du formulaire, il faut répondre à des questions détaillées sur la nature des rentrées d’argent du contribuable et il faut choisir des cases pour répondre. Des cases qui, parfois, amènent à d’autres cases qui, elles-mêmes, renvoient à d’autres qui questionnent sur le montant des revenus générés par des actions, des plantations de cannes ou des royalties. Apres avoir tourné viré dans ce labyrinthe de cases à cocher, le contribuable a essayé de comprendre, par exemple, si la case Maintenance/repair concerne l’ordinateur ou la voiture. Ou si le montant d’une pension doit figurer ou pas dans la case Emoluments, avant de se rendre compte que, de toutes les façons, il n’y a pas de place dans cette case pour le faire et de chercher où le placer.
C’est à ce moment que la première crise de nerfs du contribuable éclate. Quand l’écran de son ordinateur devient tout noir et que le formulaire, déjà à moitié rempli, disparaît, s’envole. Il doit recommencer l’opération dès le début, en utilisant son nouveau mot de passe pour avoir accès à son formulaire et recommencer à le remplir. Le formulaire pratiquement rempli a disparu deux fois de suite, mettant le contribuable dans un état proche de l’attaque cardiaque avec une envie folle de fracasser son ordinateur contre le mur. Vous allez dire que le contribuable en question est, sans doute, un ignare incapable d’utiliser à bon escient un ordinateur ? Hé bien, sachez qu’il a été aidé dans l’exercice par un comptable – qui, en fait, a fait le gros du travail – et qui a été dépassé par la complexité du nouveau système de la MRA et l’impossibilité de terminer l’exercice. Il se demandait quel cadre de la MRA ou l’IA avait pu mettre au point un formulaire et un système aussi compliqué, et souhaitait pouvoir lui dire deux mots. En attendant de recommencer l’exercice, puisque selon la loi, il faut remplir le formulaire avant mercredi prochain, le contribuable en question est en train de se questionner. Il se demande s’il ne serait pas plus prudent d’aller rechercher un formulaire papier pour éviter de refaire l’irritant parcours du combattant qu’est devenu pour lui le nouveau E-Filing system de la MRA ? Comme au bon vieux temps !
Jean-Claude Antoine