Promesses tenues ! Bravo ! Les rapports sortent, les uns après les autres, des tiroirs où l’ancien régime les avait confinés. Après le rapport du Fact Finding Committee sur les circonstances troubles dans lesquelles des patients traités pour la dialyse sont décédés, celui sur les zones inondables, rendus publics après des années de dissimulation intentionnelle, celui, très attendu, sur le naufrage du Wakashio a, lui aussi, été finalement publié.
À la lecture des documents précités, on comprend un peu mieux pour quelles raisons Pravind Jugnauth et sa bande, les Kailash Jagutpal, Bobby Hureeram, et autres Kavi Ramano et Sudheer Maudhoo, les premiers responsables de toutes ces catastrophes, ont choisi l’opacité et le secret.
Il vaut mieux ne pas revenir sur les déclarations ridicules sur la BBC de l’ex-Premier ministre en pleine marée noire provoquée par le Wakashio et sa non moins risible formule « kot mone fote ? » Mais il suffit de dire que tout cela résume parfaitement la manière dont le pays était géré, quelles que soient les circonstances, mort de malades dialysés, grave catastrophe écologique, et maintien dans le flou de ceux qui avaient des projets immobiliers dans des zones à risque.
Si c’est de bonne guerre, politiquement parlant, de déterrer tout ce qui a été sciemment enfoui par le régime précédent, il est autrement plus rassurant et prometteur que les dérives survenues tout récemment soient aussi étalées sur la place publique. Il en est ainsi des graves incidents survenus au centre pénitencier de haute sécurité de Melrose, le 5 juillet dernier, et des petites magouilles découvertes au niveau de la délivrance de visas pour le pèlerinage du Hadj 2025.
Les deux rapports ont été rendus publics, vendredi, à l’issue de leur examen par le Conseil des ministres du même jour. Celui sur les sérieux dérapages survenus à Melrose est accablant à plus d’un titre, en sus d’être particulièrement édifiant sur certaines pratiques tant au niveau de la police qu’à celui des cadres de la prison.
Usage disproportionné de la force, traitement dégradant infligé aux détenus et l’humiliation suprême qui a consisté à procéder à des fouilles corporelles après qu’ils aient été mis dans leur plus simple appareil. Tout cela est bien grave. Et là, on ne comprend pas ce commissaire des prisons qui juge qu’il n’y a rien d’accablant dans le rapport.
Au fait, Dev Jokhoo essaye tant bien que mal d’être cohérent avec lui-même et ses déclarations maladroites faites juste après les incidents. On se souvient, en effet, l’avoir entendu sur toutes les antennes de ce pays dire qu’il n’y avait pas eu de violence « pa ine bat personn, pa ine ena oken casualty » ou encore que les détenus s’étaient bagarrés entre eux et que les dénonciations venaient « de pyromanes et de personnes animées de mauvaises intentions ». Des prises de positions catégoriques qui, déjà, avaient considérablement choqué, d’autant que certains clichés scandaleux avaient fuité.
Comme les images des caméras de surveillance étaient disponibles, le commissaire des prisons a dû les visionner avant de faire des déclarations à l’emporte-pièce. Et s’ils les a soigneusement étudiées et qu’il est venu quand même avec ce genre de justificatif, c’est qu’il y a manifestement eu une tentative de cover up.
Le communiqué émis à l’issue du Conseil des ministres, vendredi, annonce que le rapport a été soumis au commissaire des prisons, celui-là même qui a tout fait pour banaliser des actes illégaux, au commissaire de police, dont les unités avaient été rappelées en renfort pour brutaliser les détenus ainsi qu’au directeur des poursuites publiques (DPP).
C’est, sans doute, à ce dernier que le document aurait dû être transmis directement, celui-ci n’ayant, comme la commission des droits de l’homme qui l’a produit et documenté, aucun intérêt direct dans les événements, si ce n’est celui du respect des lois et des procédures. L’intérêt public, quoi.
Si les bons signaux sont envoyés pour ce qui est de la transparence et la publication des rapports d’enquête, il faut qu’ils s’étendent aussi aux suites à donner, au what next, à l’after, pour reprendre une expression à la mode. Les conclusions des rapports sont connues autant que les recommandations détaillées formulées. Il est maintenant essentiel qu’elles soient appliquées sans tarder.
Identification des failles du système, mesures correctives, mais surtout sanctions pour ceux qui sont aux responsabilités dans des organismes publics pour qu’ils ne se croient pas prémunis de tout. La redevabilité doit devenir une norme dans le service, quel qu’il soit, du moment qu’il bénéficie de deniers publics. Rien de moins ne serait acceptable.
Dans le cas du naufrage du Wakashio, les responsables sont clairement identifiés et des fonctionnaires carrément accusés d’avoir menti sous serment. Cela ne devrait pas s’arrêter là. Ce serait trop facile. Il ne faut pas oublier que si l’échouement du navire n’a pas fait de victimes, ceux qui pilotaient les exercices de remorquage du Sir Gaëtan – qui, lui-même, a ramené la barge l’Ami Constant, dépêché auprès du Wakashio pour des travaux de dépollution – ont, pour certains, perdu la vie. Trois marins morts, Jimmy Adisson, Sujit Seewoo et Laval Plassan, ainsi qu’un disparu, le capitaine Mowsadeck Bheenick
On voit, ces jours-ci, à quoi a mené cette politique de laisser-faire et de protection mafieuse avec le reward money. Il ne faudrait surtout pas que les mêmes méthodes se poursuivent dans les services essentiels, à un moment où on signale justement une prolifération de « carapates » un peu partout, notamment dans le secteur informatique.
Certains profiteraient du « noviciat » de certains ministres fraîchement nommés et assumant une première mandature, pour les embobiner. Ceux qui retournent leurs veste ont troqué le T-shirt orange contre un polo rouge ostentatoire, démontrant ainsi un sens de l’opportunisme d’une intolérable indécence. La vigilance est, donc, de mise pour que le sabotage que l’on relève ici et là ne devienne pas endémique.
Josie Lebrasse