Ces faits pas si divers

La politique étant en mode pré-vacances malgré une accélération décisionnelle sur plusieurs plans et quelques bonnes nouvelles à partager, comme une première place au classement de la stabilité en Afrique ou encore la tenue sur notre sol du prochain US/Africa Business Summit, intéressons-nous aux problèmes sociaux qui, s’ils ne datent pas d’aujourd’hui, ne doivent pas nous dispenser de les aborder. D’autant qu’ils ont tendance à se manifester avec une acuité particulière en cette fin d’année 2025.

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Il y a désormais le pouvoir de la diffusion immédiate d’une information, avérée ou fabriquée, et sa reprise à l’infini. Cela donne au banal comme au fondamental la même résonance sur les réseaux sociaux. La violence a toujours existé, les féminicides et les mauvais comportements aussi, et le suicide, lui, qui était jadis tu ou maquillé, est aujourd’hui mis en scène.

Le suicide, faut-il en parler et, si oui, comment ? L’ONG Konekte a récemment rédigé un excellent guide à l’intention des médias quant à la meilleure façon d’évoquer cette problématique. Entre le besoin d’alerter sur ce qui constitue un vrai problème de société et la tentation de faire du sensationnalisme, il y a souvent une infime ligne de démarcation à tirer.

Aujourd’hui, des personnes de plus en plus jeunes choisissent de mourir. Les cas récents ont ému le pays. Entre la jeune fille qui s’est donné la mort après avoir vu ses photos dénudées étalées sur la toile, l’adolescent d’une vingtaine d’années qui s’est pendu hier, la tentative récente de suicide d’une écolière de 11 ans et celle qui a filmé son propre départ de ce monde, il y a de quoi se poser des questions sur la santé mentale de nos enfants, nos adolescents et nos jeunes qui, lorsqu’ils ne sont pas happés dans la spirale de la drogue, sont en manque de repères, d’écoute et de soutien malgré les efforts des ONG.

Où doit commencer le travail d’accompagnement des jeunes en grande détresse. Serait-ce à l’école où on tente ces jours-ci un regrettable retour en arrière en matière de politique pédagogique ou à la maison, où le dialogue intergénérationnel est souvent compliqué sinon inexistant ? C’est là où les causeries systématiques dans les établissements scolaires et une formation de ceux qui sont en contact avec des jeunes en difficulté prennent tout leur sens.

Une écoute, un conseil, une orientation vers les professionnels aguerris aux blessures de l’âme doivent devenir des outils du quotidien dans nos écoles. Il faut expliquer à nos jeunes que s’ils pensent qu’un de leurs camarades présente une transformation radicale, qu’il se referme sur lui-même, qu’il exprime une mélancolie persistante, qu’il évoque sa propre mort, même sur le ton de la blague, ils doivent rapidement confier leur préoccupation à leurs enseignants et faire appel à Befrienders ou à des psychologues.

Il y a la violence que l’on s’inflige à soi-même et il a celle que certains pratiquent sur autrui avec une incroyable facilité. Et si le suicide est un phénomène qui rajeunit, la violence ne connaît plus d’âge. La récente affaire de Clémencia est particulièrement éloquente sous ce rapport. C’est dans ce village qu’il y a eu la violente agression perpétrée sur une sexagénaire par une autre femme du même âge. Qui, il y a quelques années, aurait pu penser que des femmes de cet âge pouvaient pousser leur différend jusqu’à la tentative de meurtre ?

À Barkly, c’est une autre histoire qui donne froid dans le dos. Pour des raisons que l’on ignore encore, un adolescent de 17 ans aurait pratiquement achevé une fillette de six ans, n’était l’intervention de son grand frère. Devant ce qui a été considéré comme de la lenteur de la part de la police, les habitants de la localité, choqués autant que le pays lui-même, ont mené l’enquête qui a conduit à l’interpellation de cet adolescent.

Étant donné son statut de mineur, c’est vers le bureau du Directeur des Poursuites publiques que la police s’est tournée pour voir quelles sont les suites à donner à ce dossier, même si la Children Act de 2020 fixe la responsabilité pénale à 14 ans. Dans l’affaire de Barkly, il reste également à établir quels étaient les motifs de l’agression et si elle a un quelconque rapport avec la drogue.

Et comme si les faits qui ne sont pas si divers que ça avaient décidé de se télescoper, voilà qu’un enfant de 12 ans a, en début de semaine, été appréhendé après une folle course en voiture. Celui qui est décrit comme un « child beyond control » a été placé en hôpital psychiatrique, sa condition ne lui permettant pas d’être placé en centre d’accueil étant donné qu’il peut devenir un danger pour lui-même et pour les autres.

La question, ici, est de savoir depuis quand cet enfant présente des troubles du comportement et comment son cas a été traité. On a entendu sa mère qui, visiblement, n’en peut plus, suggérer qu’il soit pris en charge. Peut-être qu’accompagné bien plus tôt par des professionnels, ce gamin n’aurait pas risqué sa vie et provoqué un accident qui aurait pu faire des victimes.

C’est dans ce contexte qu’il y a lieu de redouter les objectifs derrière le projet de réforme éducative esquissé apparemment pas des nostalgiques de l’élitisme. Alors que beaucoup de pays veulent se rapprocher du modèle finlandais qui s’articule moins sur l’académique pur et dur mais plutôt sur le développement personnel, la qualité de l’être qui sort du système étant bien plus important que l’alignement de diplômes, ici, certains ont cru judicieux de pondre un nouveau projet. Encore un. Sur le dos de nos enfants déjà bien désorientés.

Un des aspects qui a attiré l’attention est la fin programmée de la mixité dans les académies introduite par Leela Devi Dookun-Luchoomun. Les plus rétrogrades ont isolé quelques incidents pour généraliser et dire tout le mal qu’ils pensent que les garçons et les filles soient dans la même classe.

Ils doivent être de ceux qui croient que les rencontres virtuelles, autrement plus nocives, soient préférables aux contacts directs. À ce rythme, pourquoi ne pas commencer dès le primaire et le préprimaire pour parfaire le ségrégationnisme ?

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